Le Film du jour n°200 : Le plumard en folie
/image%2F0933726%2F20250205%2Fob_5ea439_le-plumard-en-folie.jpg)
Un film franco-canadien de Jacques LEMOINE (alias Jacques LEM) (1973) avec Michel Galabru, Jean Lefebvre, Alice Sapritch, Henri Tisot, Robert Castel, Paul Préboist, Claude Gensac...
C'est dingue ce que l'expression "en folie" a pu être utilisée dans les titres de films. A croire qu'il suffit d'employer ces deux mots pour que les spectateurs se ruent dans les salles comme les mouches sur la bouse. Le mot bouse est employé ici de manière particulièrement judicieuse (le Film du jour aime s'auto-congratuler...), puisque les films en question sont généralement des crétineries insondables. Il existe quand même quelques exceptions à la règle, comme L'Explorateur en folie (Animal Crackers en v.o.) (Heerman, 1930), l'un des premiers films des Marx Brothers, Le Cirque en folie (Marshall, 1939), avec le célèbre comique W-C Fields, ou Le Forum en folie (Lester, 1966), avec, au générique, un Buster Keaton au bout du rouleau,... mais, bon, c'est Buster Keaton !
/image%2F0933726%2F20250205%2Fob_18d1b6_le-forum-en-folie.jpg)
Créée à Broadway en 1962, la comédie musicale Le Forum en folie fut portée à l'écran en 1966
Sinon, au rayon "en folie", le spectateur des salles obscures du XXe siècle se sera coltiné des comiques troupiers et des bidasseries en tout genre, du début des années 1930 jusqu'au milieu des années 1980.
Les vedettes de ces films qui ne font plus guère rire (à moins d'être vraiment très bon public et d'avoir un faible pour l'uniforme) ont pour nom Bach (La Prison en folie, Wulschleger, 1930), Colette Darfeuil (La caserne en folie, Cammage, 1934), Bob Hope (La Marine en folie, Tashlin, 1968), les Charlots (Les Bidasses en folie, Zidi, 1971 ; Le Retour des bidasses en folie, Vocoret, 1982) ou... Sim et Patrick Topaloff (La Brigade en folie, Clair, 1972), duo passé à la postérité dans les charts avec l'indéboulonnable "Où est ma chemise grise ?", chanté sur le fameux air de la comédie musicale Grease.
/image%2F0933726%2F20250205%2Fob_ea0410_la-brigade-en-folie01.jpg)
Philippe Clair a encore frappé !
Responsable de La Brigade en folie, Philippe Clair, cinéaste français à qui l'on doit des sommets de la nanardise comme Par où t'es rentré, on t'a pas vu sortir, Tais-toi quand tu parles ou Rodriguez au pays des merguez, a aussi commis Le Führer en folie (1973). Un long métrage comique (?) dans lequel Hitler (Henri Tisot) propose aux Alliés de jouer la guerre au football. On confie alors à un commandant (Pierre Doris) le soin d'entraîner les soldats afin qu'ils soient fin prêts pour le match décisif. Avec des pioupious tire-au-flanc "joués" par Patrick Topaloff, Luis Rego et Maurice Risch, c'est le spectateur qui rend les armes !
On remarquera l'usage judicieux que fait Philippe Clair des couleurs bleu-blanc-rouge dans Le Führer en folie. On se croirait presque chez Jean-Luc Godard (époque Pierrot le fou).
Signalons en passant que l'Allemagne a également livré son contingent "de folie", tout du moins dans les titres que les distributeurs français affublèrent aux longs métrages teutons en question. Station-service en folie (Stöchel & Dörfler, 1950), Nos tantes en folie (Olsen, 1961), Minettes en folie (von Anuttrof, 1972), Les Polissonnes en folie (Otto, 1982), tout y passe ou presque !
Des films qui rejoignent, de ce côté-ci du Rhin, des fleurons de la cinématographie française comme Trois vieilles filles en folie (Couzinet, 1951), Le Collège en folie (Lepage, 1953) ou L'Auberge en folie (Chevalier, 1956) ou bien encore, par-delà l'Atlantique, La Collégienne en folie (Humberstone, 1952), La Clinique en folie (Amateau, 1972), Le Bus en folie (Frawley, 1976), Le Collège en folie (eux aussi, ils en ont un !) (Sindell, 1979) et L'Exorciste en folie (Logan, 1990). A l'affiche de ce dernier film, Linda Blair, la gamine de L'Exorciste (Friedkin, 1973) toujours aussi "habitée", dix-sept ans après. Le film flinguera définitivement sa carrière au cinéma, ce qui n'était pas bien grave puisqu'elle était déjà bien mal en point...
/image%2F0933726%2F20250205%2Fob_3ec00b_l-exorciste-en-folie.jpg)
Possédée dans L'Exorciste, Linda Blair s'y recolle pour rire dans L'Exorciste en folie...
Le Plumard en folie, l'histoire : Le vrai héros du Plumard en folie est, comme le titre l'indique, un lit acheté par une auberge pour remplacer l'un de ses collègues, défoncé par un couple trop amoureux.
C'est donc au lit qu'il incombe de raconter, en voix off, ses aventures. Un argument que les fidèles lecteurs du Film du jour reconnaîtront sans peine puisque c'est le même que celui qui sous-tend Les Mésaventures d'un lit trop accueillant, réalisé par Michel Lemoine en 1973. On remarquera tout de suite que les deux films ont été mis en boîte la même année et que les deux réalisateurs portent le même nom de famille... Les grands esprits se rencontrent.
Quoi qu'il en soit, c'est l'inénarrable Roger Carel, grand doubleur devant l’Éternel, qui prête sa voix au lit. "Roger Carel se trouve par là-même l'acteur le mieux loti du film, puisqu'on ne le voit pas", précise le site Web Nanarland pour lequel Le Plumard en folie est "une mélasse difficilement concevable, qui prend le pire des traditions française et québécoise - le film est une coproduction - pour en tirer un mélange bien grumeleux de gags pas drôles et d'érotisme pas excitant, à couper pour un bon moment l'envie de rire ET de faire l'amour !". Pour en savoir plus sur cet OFNI (Objet filmique non identifié), lire la chronique détaillée de Nanarland ici.
/image%2F0933726%2F20250205%2Fob_5500a7_alice-sapritch.jpg)
Alice Sapritch
Parmi le casting "all-star" du Plumard en folie (Michel Galabru, Jean Lefebvre, Henri Tisot, les frères Préboist, Patrick Topaloff, Pierre Péchin, Claude Gensac), on retrouve la célèbre Alice Sapritch.
Rien d'étonnant à cela car l'actrice, qui menait parallèlement une carrière au théâtre et à la télévision (avec des rôles tragiques comme la glaçante Marie Besnard ou l'affreuse Folcoche de "Vipère au poing"), enquillait à grande vitesse les nanars dans les années 1970. La faute sans doute à deux comédies avec Louis de Funès où ses prestations furent particulièrement remarquées : Sur un arbre perché (Korber, 1970), et surtout La Folie des grandeurs (Oury, 1970) où son strip-tease (doublé...) face à Yves Montand reste dans toutes les mémoires.
/image%2F0933726%2F20250205%2Fob_d0ea18_la-folie-des-grandeurs-1971-portrait-w.jpg)
Alice Sapritch dans La Folie des grandeurs (Oury, 1970) (image : www.premiere.fr © PRODUCTION)
Immortalisée par la caricature enturbannée et alanguie qu'en a faite Thierry le Luron avec son fume-cigarette et ses "Chéri, chéri !", Alice Sapritch s'est retrouvée tout au long des années 1970 dans des comédies pas terribles voire très médiocres comme celles signées à cette époque par Michel Gérard (Les Joyeux lurons, 1972 ; Les Vacanciers, 1973), Jean Girault (Le Concierge, 1973 ; L'Horoscope, 1977) et Philippe Clair (Le Führer en folie, où elle joue une Eva Braun hystérique).
Ajoutons encore à cela des rôles dans des ratages comme Gross Paris (Grangier, 1973), Le Trouble-fesses (Foulon, 1976) et Drôles de zèbres (Guy Lux, 1976). Alice Sapritch est néanmoins hilarante en châtelaine hommasse et paillarde lancée à la poursuite d'un Francis Huster juvénile et imberbe dans L'Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot trousse-chemise (Companeez, 1973), accessoirement le dernier long métrage tourné par Brigitte Bardot.
/image%2F0933726%2F20250205%2Fob_275b78_un-bon-petit-diable.jpg)
Alice Sapritch dans Un bon petit diable (Brialy, 1983), l'un de ses tout deniers films tournés pour le grand écran
Née en 1916 en Turquie et décédée en 1990, Alice Sapritch est d'origine arménienne. Marié au scénariste Guillaume Hanoteau, c'est grâce à lui qu'elle fait sa première apparition sur grand écran en 1950 dans Le Tampon du capiston (M. Labro), film qui est suivi l'année suivante par Le Crime du bouif (Cerf, 1951). Il faudra attendre 1957 pour revoir Alice Sapritch au cinéma où elle accumule alors les apparitions et les petits rôles dans des films comme Premier mai (Saslavsky, 1957, avec Yves Montand), Le Joueur (Autant-Lara, 1958, avec Gérard Philipe), Le Testament d'Orphée (Cocteau, 1959, où on la distingue subrepticement en gitane), Les Scélérats (Hossein, 1960), Tirez sur le pianiste (Truffaut, 1960), etc. La consécration ne viendra qu'avec la télévision et le rôle de Folcoche en 1971.
/image%2F0933726%2F20250205%2Fob_526fe5_folcoche.jpg)
Alice Sapritch en Folcoche pour la télévision
Alice Sapritch, également connue des fans de pubs pour sa prestation pour Jex Four ("Avant j'étais moche..."), a écrit plusieurs ouvrages autobiographiques et enregistré un album en 1975 (réédité en 2003).
Voici les paroles de l'une de ses chansons (plutôt désespérée)...
Tu me demandes si je suis heureuse…
Si le bonheur, c'est une chambre vide / Avec des bouteilles vides / Et des cendriers remplis de cigarettes pas finies / Alors je te réponds : je suis heureuse
Tu me demandes si je suis heureuse…
Si le bonheur, c'est le téléphone qui ne répond pas/ Et l'après-midi qui n'en finit pas / Et des lettres que tu n'envoies pas / Alors je t'affirme que je suis heureuse
Heureuse… heureuse…
Tu me demandes si je suis heureuse…
Si le bonheur, c'est un lit défait / Dans une chambre défaite / Avec dans un miroir défait / Le visage d'une femme défaite / Alors, je te le jure : je suis heureuse
Heureuse… heureuse…
Mais si le bonheur / C'est un sourire / Si le bonheur / C'est un regard / Si le bonheur / C'est la tendresse / Si le bonheur / Est une caresse… / Alors… / Je te réponds franchement : Je ne suis pas heureuse… vraiment / Non… pas véritablement…