Le Film du jour n°226 : Ce soir... les souris dansent
Titre original : La melodia misteriosa
Un film franco-espagnol de Juan FORTUNY (1955) avec Mick Micheyl, Howard Vernon, Dany Carrel, Manuel Monroy, Carlos Otero, Manuel Gas.
Les fidèles lectrices et lecteurs du Film du jour (j'ose croire qu'il y en a...) se souviennent certainement de Ce soir... les jupons volent (Kirsanoff, 1956), un long métrage dont l'action se situe dans le milieu du mannequinat avec les délicieuses Sophie Desmarets, Brigitte Auber, Anne Vernon, Nadine Tallier (aujourd'hui baronne de Rothschild) et Ginette Pigeon. Eh bien, figurez-vous que quelques nuits avant que les jupons volassent (appréciez cet usage judicieux de l'imparfait du subjonctif...), les souris dansaient ! A part ça, aucun rapport entre les deux films.
Comme l'indique "Les classiques du cinéma bis" de Laurent Aknin, ouvrage paru aux éditions Nouveau Monde, Ce soir... les souris dansent est exemplaire d'une forme de série B hispanique qui se développa au cours des années cinquante avec des œuvrettes à mi-chemin entre le polar et le mélodrame, toujours en noir et blanc. Parfois, des producteurs français injectèrent quelque menue monnaie dans les films. C'est le cas ici avec la Sopadec, l'une des premières sociétés de Marius Lesoeur, futur fondateur d'Eurociné, une maison de production pour laquelle des réalisateurs comme Jean Rollin (Le lac des morts-vivants), Jesus Franco (Deux espionnes avec un petit slip à fleurs, Prison de femmes, Une vierge chez les morts-vivants, Vampyros Lesbos, Le sadique de Notre-Dame, etc.) ou Pierre Chevalier (Pigalle, carrefour des illusions, La vie amoureuse de l'homme invisible, Hommes de joie pour femmes vicieuses, etc.) mirent en boîte avec trois francs six sous (grand maximum) des atrocités fauchées.
Une autre série B franco-espagnole signée Juan Fortuny
Catalan né en 1917 (et décédé en 2000), Juan Fortuny, le réalisateur de Ce soir... les souris dansent, a signé une dizaine de films. Seuls trois d'entre eux ont pu bénéficier d'une sortie dans les salles de l'Hexagone : Ce soir les souris dansent donc, Les délinquants (1956), une autre série B hispano-française (avec Ginette Leclerc et Raymond Bussières en guest stars hexagonales) et un très mauvais film à mi-chemin du polar et du fantastique avec Paul Naschy intitulé L'homme à la tête coupée (le film est signé John Fortune, ça fait plus chic). A signaler que Juan Fortuny et Pierre Chevalier ont apparemment commis ensemble un autre fleuron d'Eurociné du nom de Marchands de femmes (1966) avec un acteur dénommé... Clint Douglas (si ça, c'est pas un pseudo...).
Ce soir... les souris dansent, l'histoire : A Barcelone, un luthier est assassiné. Le meurtrier s'est emparé d'un violon réputé pour avoir une sonorité extraordinaire. Un inspecteur (Howard Vernon) mène l'enquête. La police oriente rapidement ses recherches dans le milieu musical et soupçonne un certain Martial, auteur d'une mélodie que le luthier était en train de jouer au moment de sa mort. Après un second meurtre, les soupçons se dirigent vers la chanteuse Lydie Martha, l'enquête se poursuivant sur la Côte d'Azur (pour cause de coproduction avec la France...).
Mick Micheyl
Dans Ce soir... les souris dansent, Lydie Martha est jouée par la chanteuse française Mick Micheyl qui trouve là "l'un de ses meilleurs rôles à l'écran" (c'est tout du moins ce que l'on peut lire sur le site d'Eurociné www.eurocine.net). Un qualificatif qui ne mange pas de pain, puisque la dame a joué dans à peine une dizaine de films...
Car Mick Micheyl, née Paulette Michey en 1922 à Lyon, est d'abord un auteur-compositeur qui démarra sa carrière en 1949 en se produisant dans de nombreux cabarets et qui devint dans les années 1950 l'un des principales vedettes de la chanson française. C'est ainsi à Mick Micheyl que l'on doit les célèbres "Ni toi, ni moi" et "Un gamin de Paris".
Normal donc qu'à la même époque, certains producteurs avisés du cinéma français (les yeux rivés au tiroir-caisse) lui propose des rôles au cinéma. On verra donc Mick Micheyl dans Le petit Jacques (Bibal, 1953), puis dans Gamin de Paris (Jaffé, 1953) (tiens, c'est bizarre...) et dans Boum sur Paris (Canonge, 1953), films où elle joue son propre rôle. Dans Boum sur Paris, le spectateur a d'ailleurs également droit à Édith Piaf, Juliette Gréco, Line Renaud, Annie Cordy et Lucienne Delyle (comme ça, y a pas de jalouses).
Mick Micheyl interprétera quand même quelques rôles de composition (même si elle joue souvent une chanteuse...) à l'instar de ses prestations dans Zaza (Gaveau, 1955) (où le rôle-titre échoit à Lilo, une star du music-hall et de l'opérette de l'époque, vue notamment sur scène face à Luis Mariano dans "Le chanteur de Mexico"), Ce soir... les souris dansent ou Paris Music-hall (Cordier, 1957) (là, c'est Charles Aznavour qui lui donne la réplique).
Mick Micheyl face à Aznavour dans Paris Music-Hall (Cordier, 1957)
Les apparitions de Mick Micheyl au cinéma sont par la suite beaucoup plus anecdotiques. Elle vient pousser sa petite chansonnette dans le film de cabaret Sexy de nuit (Sala, 1962) (voir Sexy Super Interdit pour tout savoir sur le film de cabaret...) et elle figure au générique du film vaguement espagnol Le diable aime les bijoux (Elorrieta, 1969), seul long métrage où figure une dénommée... Michelle Torr. C'est pour dire la haute tenue vocale du film.
Ajoutons que Mick Micheyl, marraine de Laurent Gerra et décédée le 16 mai 2019, se consacrait depuis 1974 à la sculpture sur acier avec un certain succès. Elle vivait à Montmerle-sur-Saône, à mi-chemin entre Mâcon et Lyon. On peut admirer certaines de ses œuvres à l'entrée de l'agglomération de Villefranche-sur-Saône.