Le Film du jour n°80 : Du grabuge chez les veuves
Un film français de Jacques POITRENAUD (1963) avec Danielle Darrieux, Dany Carrel, Henri Virlojeux, Jean Rochefort, Enzo Doria, Pascale de Boysson...
Décédé en 2005, Jacques Poitrenaud, le réalisateur du Film du jour, est connu pour avoir dirigé de 1994 à 2004 la section officielle "Un certain regard" du festival de Cannes. Mais, dans une vie antérieure, l'homme fut metteur en scène, spécialisé dans le cinéma commercial à la française. Sa carrière de réalisateur s'étend de 1960 (Les portes claquent, avec Catherine Deneuve et Françoise Dorléac) à 1971 (Mendiants et orgueilleux, film franco-tunisien avec Georges Moustaki et Gabriele Ferzetti).
Né en 1922, Jacques Poitrenaud fut aussi l'assistant-réalisateur de Roger Vadim sur Les liaisons dangereuses 1960, transposition contemporaine un peu snob du roman de Choderlos de Laclos avec Gérard Philipe dans le rôle de Valmont et Jeanne Moreau dans celui de Juliette de Merteuil.
Roger Hanin joue les espions dans Le canard en fer-blanc (1966) de Jacques Poitrenaud
Du grabuge chez les veuves (1963) est sans doute l'un des meilleurs films de Poitrenaud, avec Le canard en fer-blanc (1966), film d'espionnage avec Corinne Marchand et Roger Hanin, à l'époque où le futur Navarro enchaînait les rôles d'espion à l'écran (voir Le gorille a mordu l'archevêque).
On doit aussi à Jacques Poitrenaud un sketch des Parisiennes (1961) (celui avec Dany Saval), Strip-tease (1962) avec Dany Saval encore, L'inconnue de Hongkong (1963) avec Dalida et Serge Gainsbourg, et Carré de dames pour un as (1966), autre film d'espionnage avec le bon gros Roger et des "dames" interprétées par Sylva Koscina, Catherine Allégret, Dominique Wilms et Laura Valenzuela. Le réalisateur fit également tourner Michel Simon dans Ce sacré grand-père (1967).
Côté comédie pure, Jacques Poitrenaud a signé deux Poiret/Serrault (La tête du client, 1964 ; Qu'est-ce qui fait courir les crocodiles ?, 1969) et un Louis de Funès (Une souris chez les hommes/Un drôle de caïd, 1964, avec aussi... Dany Saval).
Louis de Funès, Dany Saval et Maurice Biraud dans Une souris chez les hommes (1964) de J. Poitrenaud (image : www.cinema-francais.fr)
Du grabuge chez les veuves, l'histoire : Guillaume Valmont vient de mourir accidentellement (croit-on...) sur la route. Il laisse à sa jeune veuve Isabelle (Dany Carrel), une herboristerie prospère. Le jour des obsèques, gros scandale : Judith, une belle inconnue endeuillée (Danielle Darrieux) se jette sur la tombe du défunt en hurlant son désespoir. Pour éviter que la situation dégénère, la jeune veuve entraîne la nouvelle venue dans un café. Elle apprend avec stupeur que son mari menait une double vie et qu'il était mouillé dans une affaire de stupéfiants. Judith est en fait une redoutable aventurière... mais la plus vilaine n'est pas forcément celle qu'on croit !
Dany Carrel (image : www.centre-iris.fr)
Née en 1935 en Extrême-Orient d'un père grand commis de l’État et d'une Indochinoise, Dany Carrel, de son vrai nom Suzanne Chazelles du Chaxel, a traversé tout le cinéma populaire français des années 50 et 60 avec ce soupçon d'érotisme qui a tourneboulé les sens des ados de l'époque. Ses apparitions en nuisette transparente ont laissé des souvenirs impérissables dans les mémoires... Demandez donc aux messieurs âgés aujourd'hui d'une soixantaine d'années !
Dany Carrel joue la fille de Gabin dans Des gens sans importance (Verneuil, 1955) (image : cineclap.free.fr)
C'est en 1953 que Dany Carrel démarre sa carrière cinématographique en jouant dans Dortoir des grandes, signé par Henri Decoin. Elle est tout de suite repérée par le "grand" Jean Gourguet (il va falloir que je vous parle de ce monsieur un de ces jours) qui l'embauche pour jouer les filles qu'on engrosse en deux temps, trois mouvements, et que l'on plaque dans la foulée (Maternité clandestine, 1953).
La jolie Dany est aussi de l'aventure du premier film racontant les exploits de l'abbé Pierre (Les chiffonniers d'Emmaüs, Darène, 1954). Puis les longs métrages s'enchaînent pour l'actrice avec des rôles malheureusement toujours un peu semblables, ceux de filles faciles ou de prostituées au grand cœur : La môme Pigalle (Rode, 1955), Les indiscrètes (André, 1955), Les possédées (Brabant, 1955), La fille Élisa (Richebé, 1956), Club de femmes (Habib, 1956), Ce corps tant désiré (Saslavsky, 1958), Femmes d'un été (Franciolini, 1959), Les mains d'Orlac (Gréville, 1960), etc.
Dany Carrel dans Les mains d'Orlac (Gréville, 1960) (image : www.toutlecine.com)
Quelques grands réalisateurs font néanmoins confiance à Dany Carrel pendant cette période, comme René Clair (Les grandes manœuvres, 1955, avec aussi Brigitte Bardot dans la distribution ; Porte des Lilas, 1956, aux côtés de Georges Brassens), Henri Verneuil (Des gens sans importance, 1955, où elle campe la fille de Jean Gabin), Julien Duvivier (Pot-Bouille, 1957, où elle côtoie Gérard Philipe) ou Jean-Pierre Mocky (Les dragueurs, 1959).
Georges Chamarat et Dany Carrel dans Du grabuge chez les veuves (Poitrenaud, 1963) (image: www.premiere.fr)
Après 1960, l'actrice ralentit le rythme, mais on croise encore Dany Carrel, toujours aussi piquante, chez Georges Lautner (Arrêtez les tambours, 1960 ; Le pacha, 1967), Jacques Poitrenaud donc (elle joue aussi dans Une souris chez les hommes), Edouard Molinaro (Les ennemis, 1961), André Cayatte (Piège pour Cendrillon, 1965), Serge Korber (Un idiot à Paris, 1966 ; La petite vertu, 1967) et Henri-Georges Clouzot (La prisonnière, 1968).
Dany Carrel et Gabriele Ferzetti dans Trois milliards sans ascenseur (Pigaut, 1972) (image : www.toutlecine.com)
En 1972, Dany Carrel met un terme quasi définitif à sa carrière cinématographique pour se tourner jusqu'à la fin des années 80 vers la télévision. Sur grand écran, on ne l'apercevra plus qu'en 1981 dans deux pitreries ridicules (Faut s'les faire, ces légionnaires, Nauroy ; Le bahut va craquer, Nerval). A noter que l'actrice a aussi tourné quelques films en Italie, dont l'excellent film d'épouvante gothique Le moulin des supplices (1960) de Giorgio Ferroni.
Ci-dessous, Dany Carrel chante sur une mélodie de Georges Delerue dans La petite vertu (1967) de Serge Korber. Magnifique !