Jean-Pierre Mocky (1929-2019)

Publié le par lefilmdujour

M le Mocky (du titre de ses mémoires publiés en 2001) s’en est allé ailleurs hurler « Moteur ! ». L’acteur et réalisateur Jean-Pierre Mocky, à qui l’on doit plus de soixante longs métrages ainsi qu’une vingtaine de téléfilms tournés d’après des nouvelles d’Alfred Hitchcock, est décédé le 8 août 2019 à l’âge officiel de 90 ans (86 ans selon ses propres dires).

De son vrai nom Jean-Pierre Mokiejewski, Jean-Pierre Mocky avait débuté en tant qu’acteur dans les années 1940. Il apparaît pour la première fois sur grand écran en figurant dans Les Visiteurs du soir (1942) de Marcel Carné. Suivront plus d’une trentaine de rôles plus ou moins importants, notamment pour les réalisateurs Georges Lampin (Le Paradis des pilotes perdus, 1948), Jean Cocteau (Orphée, 1949), Jean Delannoy (Dieu a besoin des hommes, 1950), Jean Gourguet (Maternité clandestine, 1953), Robert Vernay (Le Comte de Monte-Cristo, 1953), Gilles Grangier (Le Rouge est mis, 1957), Bernard Borderie (Le Gorille vous salue bien, 1957).

Lucia Bose et Jean-Pierre Mocky dans Les Égarés (1955)

Mais c’est le cinéma italien qui lui confie des premiers rôles et il tourne sous la direction de Michelangelo Antonioni (Les Vaincus, 1952) et de Francesco Maselli (Les Egarés, a.k.a. Les Déroutés, 1955). Stagiaire également auprès de Visconti sur Senso (1953) et de Fellini sur La Strada (1954), Jean-Pierre Mocky acquiert une certaine célébrité de l’autre côté des Alpes mais en France il ne trouve pas de rôle. Il décide de passer alors derrière la caméra sur un sujet qui lui tient à cœur, la vie dans les asiles, et coadapte La Tête contre les murs (1958), un roman d’Hervé Bazin. C’est toutefois Georges Franju qui réalise le film, mais Jean-Pierre Mocky joue dans le film aux côtés d’Anouk Aimée, Pierre Brasseur, Paul Meurisse, Edith Scob et Charles Aznavour. Un Charles Aznavour qu’il retrouve un an plus tard dans Les Dragueurs (1959), sa première réalisation d’après une expérience personnelle qui rencontre un grand succès public.

Jean-Pierre Mocky et Anouk Aimée dans La tête contre les murs (1958)

A l’âge de 26 ans, Mocky peut alors faire tourner de grands acteurs dans des comédies fortement satiriques : Francis Blanche dans Snobs ! (1961), Charles Aznavour (à nouveau) et Gérard Blain dans Les Vierges (1962), Bourvil, Francis Blanche et Jean Poiret dans Un drôle de paroissien (1963), Bourvil (encore) et Jean-Louis Barrault dans La cité de l’indicible peur (1964), Fernandel dans La Bourse et la vie (1965), Claude Rich et Michel Serrault dans Les Compagnons de la marguerite (1966), Bourvil, Francis Blanche et Jean Poiret (toujours eux) dans La Grande lessive (1968), Bourvil (une dernière fois) dans L’Etalon (1969).

Avec Solo (1969) (photo ci-contre), né de la déception du réalisateur après Mai 68, Jean-Pierre Mocky aborde un tournant plus sombre et politique, confirmé en 1971 par L’Albatros et en 1973 par L’Ombre d’une chance, où dans les trois films, il tient le rôle principal, d’abord celui d’un homme qui passe à l’action terroriste, puis celui d’un prisonnier en cavale qui kidnappe la fille d’un politicien en campagne électorale et, enfin, celui d’un marginal libertaire en confit avec son fils, étudiant rangé. Dans Un linceul n’a pas de poches (1975), adapté d’un roman de Horace McCoy, il est un journaliste luttant seul contre un système pourri…

Dans les années 1970 et 1980, Jean-Pierre Mocky continue de tourner à un rythme trépidant et toujours avec des pointures : Michel Simon (pour son dernier rôle), Michel Serrault, Michel Galabru dans L’Ibis rouge (1975), Sim et Michel Serrault dans Le Roi des bricoleurs (1976),  Philippe Noiret et Alberto Sordi dans Le Témoin (1978), Marie-José Nat et Nino Ferrer dans le film fantastique Litan, la cité des spectres verts (1981), Prix de la critique au Festival d’Avoriaz, Victor Lanoux, Jacques Dutronc, Jean-François Stévenin, Michel Galabru, Jacques Dufilho, Jacqueline Maillan dans Y a-t-il un Français dans la salle (1982), adapté de Frédéric Dard, Eddy Mitchell, Michel Serrault et Carole Laure dans A mort l’arbitre (1983), Richard Bohringer, Patrick Sébastien, Bernadette Lafont et Marie Laforêt dans Le Pactole (1985), Jeanne Moreau, Michel Serrault et Jean Poiret dans Le Miraculé (1986), Catherine Deneuve, Richard Bohringer, Tom Novembre et Dominique Lavanant dans Agent trouble (1987). Au tempérament libertaire, Mocky s'attaque souvent à la corruption des élites, la bêtise humaine, l'église catholique...

Dans Les Saisons du plaisir (1987), le réalisateur arrive même à réunir autour de deux vétérans du cinéma français, Charles Vanel (93 ans) et Denise Grey (90 ans), Jacqueline Maillan, Bernadette Lafont, Eva Darlan, Fanny Cottençon, Sylvie Joly, Stéphane Audran, Jean-Luc Bideau, Jean Poiret, Jean-Pierre Bacri, Richard Bohringer, Bernard Menez, Darry Cowl et Roland Blanche !

L’échec d’Une nuit à l’Assemblée nationale (1988) avec Jean Poiret, Michel Blanc et Jacqueline Maillan va toutefois mettre un coup d’arrêt à cette série. Dans les années 1990 et 2000, tout en continuant à jouer les sérials filmeurs, Jean-Pierre Mocky voit se détourner de lui, et le public et la critique, et la plupart de ses longs métrages, qu’il arrive néanmoins à diffuser dans sa propre salle, le Brady (acheté en 1994, revendu en 2011), puis le Desperado (acheté en 2011, revendu en 2017), passent inaperçus... quand ils sont distribués.

Quelques œuvres rencontrent parfois un écho favorable comme Ville à vendre (1991) avec là encore un casting cinq étoiles formé par ses acteurs les plus fidèles (Novembre, Serrault, Bohringer, Mitchell, Maillan, Lafont, Lavanant), Noir comme le souvenir (1994) avec Jane Birkin et Sabine Azéma, ou Le Furet (2003) avec Jacques Villeret, Michel Serrault, Robin Renucci, Michael Lonsdale et Dick Rivers. (Le chanteur, décédé le 24 avril 2019 à l’âge de 73 ans, joue aussi dans La Candide Madame Duff, réalisé par Mocky en 1999).

Durant la dernière décennie, Mocky, infatigable et toujours bon client des émissions TV en raison de ses fameux « coups de gueule » et « dérapages », avait encore tourné une quinzaine de longs métrages et plusieurs courts métrages, dont trois avec Gérard Depardieu.

Jean-Pierre Mocky avait notamment été marié à la comédienne de théâtre et actrice de cinéma Véronique Nordey, rencontrée sur le tournage de La Tête contre les murs, et au mannequin Marisa Muxen. Il avait aussi vécu de nombreuses années avec Patricia Barzyk, miss France 1980, qui a joué dans une dizaine de ses films.  

Publié dans Claps de fin

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