Le Film du jour n°73 : Tick... tick... tick... et la violence explosa

Publié le par lefilmdujour

Titre original : Tick... tick... tick...

Un film américain de Ralph NELSON (1970) avec Jim Brown, Fredric March, George Kennedy, Lynn Carlin, Don Stroud...

Les titres de films comportant des onomatopées ne sont pas légion dans l'histoire du cinéma. Outre le Film du jour, on se souviendra néanmoins de :

- Phffft (Robson, 1954) avec Jack Lemmon et Judy Holliday, "comédie légère qui réussit à paraître lourde" selon Jean Tulard, mais qualifiée d'excellente par Coursodon et Tavernier (comme quoi, il en faut pour tous les goûts)

- Boom ! (Losey, 1968) avec Richard Burton et Elizabeth Taylor (donc forcément formidable, l'auteur de ces lignes étant un fan absolu de la belle Liz), long métrage tiré de la pièce de Tennessee Williams "Le train de l'aube ne s'arrête plus ici". Film "prétentieux et ennuyeux" selon Jean Tulard, mais qualifié de "fascinante danse macabre" par Bernard Rapp et Jean-Claude Lamy (faut pas faire confiance aux dictionnaires de cinéma...)

- Bof... (anatomie d'un livreur) (Faraldo, 1971), éloge de la paresse et portrait de la bof génération

- Cocorico, Monsieur Poulet (Jean Rouch, 1974), film "ethnologique" qui conte les aventures d'un marchand de poulets nigérien au volant de sa vieille 2 CV

- Sssss - Sssnake pour le titre français - (Kowalski, 1973), bonne série B sur un savant fou spécialisé dans la transformation homme/cobra

- Gloups ! Je suis un poisson (Hegner & Fjeldmark, 2001), dessin animé nordique

- RRRrrrr !!! (Chabat, 2004) (j'espère n'avoir pas oublié un R ou un r), pitrerie vaguement comique avec la troupe des Robins des Bois

et, aussi, l'impérissable Pouet-pouet en Crête, déjà cité ici (voir Ça casse à Caracas), film mythique sur lequel nous continuons d'enquêter sans relâche.

Soldat bleu (1970), le film le plus célèbre du réalisateur Ralph Nelson (image : www.fan-de-cinema.com)

Redevenons sérieux. Ralph Nelson (1916-1987), le réalisateur du Film du jour, s'est surtout fait connaître par ses films antiracistes, son titre de gloire restant Soldat bleu (1970). Dans ce long métrage, Nelson s'écarte du western américain classique en insistant sur les atrocités commises par les Tuniques bleues sur les Indiens.

Il a également offert un certain nombre de rôles à Sidney Poitier, acteur noir qui symbolisait la bonne conscience de l'Amérique libérale dans les années 50 et 60. Poitier joue ainsi un GI démobilisé se portant au secours de cinq religieuses en provenance d'Allemagne de l'Est dans Le lys des champs (1963). Une prestation qui valut au monsieur l'Oscar 1964 du meilleur acteur, une première pour un comédien black. Sidney Poitier s'est également distingué dans le western La bataille de la vallée du Diable (1966), et dans Le vent de la violence (1974) qui traite des violences raciales en Afrique du Sud.

Alain Delon à l'affiche des Tueurs de San Francisco (1965) de Ralph Nelson

On doit aussi à Ralph Nelson le premier film tourné par Delon aux États-Unis (Les tueurs de San Francisco, 1965), l'avant-dernier film avec Cary Grant en vedette (Grand Méchant Loup appelle, 1964) et le dernier film où apparaît Rita Hayworth, alors que celle-ci était déjà atteinte par la maladie d'Alzheimer (La colère de Dieu, 1972). Au crédit de Ralph Nelson, on mettra également La dernière bagarre (1962), avec Steve McQueen dans un rôle de tête brûlée, et Charly (1968), film d'anticipation centré sur un attardé mental qui subit une greffe de cerveau.

A noter que Ted Nelson, le fils de Ralph Nelson, est un pionnier des technologies de l'information. C'est lui qui inventa en 1965 le concept d'hypertexte, réseau constitué par un ensemble de documents informatiques (originaux, citations, annotations) liés entre eux (ça vous en bouche un coin, hein !).

Tick... tick... tick... et la violence explosa, l'histoire : L'élection d'un shérif noir dans une petite ville du sud des États-Unis provoque une violente tension interraciale.

Jim Brown

Dans Tick... tick... tick..., le rôle du shérif est interprété par Jim Brown, un ancien joueur de football américain réputé et figure dominante de la mouvance "blaxpoitation" des années 70. La blaxploitation (black + exploitation), pour ceux qui l'ignorent encore, regroupait des films dont la distribution était essentiellement noire et qui s'adressait initialement à un public ad hoc. Le "chef-d'oeuvre" du genre reste sans nul doute Les nuits rouges de Harlem - Shaft pour le titre original - de Gordon Parks (1971) avec Richard Roundtree et la célèbre musique d'Isaac Hayes.

Raquel Welch et Jim Brown dans Les cent fusils (Gries, 1968)

Né en 1936, Jim Brown avait démarré sa carrière cinématographique en 1964 dans un western (Rio Conchos de Gordon Douglas) et fait sensation dès 1967 en figurant au nombre des Douze salopards (Aldrich, 1967) aux côtés de gueules comme Lee Marvin, Ernest Borgnine, Charles Bronson, Telly Savalas, Donald Sutherland ou John Cassavetes. En 1968, l'acteur est déjà en tête d'affiche et donne la réplique à Gene Hackman dans La mutinerie (Kulik), enlace Raquel Welch dans Les cent fusils (Gries) et s'acoquine à Gene Hackman et Ernest Borgnine dans Le crime, c'est notre business (Flemyng).

Dans les années 70, Jim Brown se spécialise dans les rôles de héros blacks musclés et hargneux, injectés dans de petits films d'action assez réussis comme Massacre (Starett, 1972), Gunn la gâchette (Hartford-Davis, 1972) ou L'exécuteur noir (Douglas, 1973). Lorsque l'heure de la blaxploitation sonne, notre homme est donc déjà dans le bain et on le voit notamment dans Les démolisseurs (Parks, 1974) où il partage la vedette avec deux autres figures tutélaires du genre, Fred Williamson et Jim Kelly. Les trois acteurs se retrouveront d'ailleurs dans La chevauchée terrible (1976), un western-spaghetti de Antonio Margheriti. Par la suite, Jim Brown disparaît quelque peu dans des films de seconde zone et s'oriente vers la télévision.

Un hommage à la blaxploitation signé Larry Cohen

On le retrouve toutefois en 1995 dans Original Gangstas, un film-hommage à la blaxploitation signé Larry Cohen qui réunit aussi Fred Willamson, Richard Roundtree et la pulpeuse et fessue Pam Grier (reine du genre qui sera définitivement réhabilitée par Tarantino en 1997 dans Jackie Brown). Jim Brown a tenu également des petits rôles chez Tim Burton (Mars Attacks!,1996), Spike Lee (He got game, 1998 ; She Hate Me, 2004) et Oliver Stone (L'enfer du dimanche, 1999).

Pour le plaisir, je vous livre la définition du suffixe -xploitation donnée par Le dictionnaire snob du cinéma (paru aux Editions Scali) : suffixe très utile qui ajoute une touche un peu louche, quel que soit le sujet auquel il est associé (black, nun, food, etc.), permettant de former un sous-genre aussi peu recommandable que séduisant. La blaxploitation désigne le succès soudain des films avec des personnages noirs mais qui donnent surtout la vedette au trafic de drogue, aux règlements de compte mafieux, aux filles nues et aux coupes afro délirantes.

Publié dans Titres étranges

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