Le Film du jour n°245 : Changeons de sexe !

Publié le par lefilmdujour

Titre original : Turnabout

Un film américain de Hal ROACH (1940) avec Adolphe Menjou, Carole Landis, Mary Astor, John Hubbard, William Gargan...  

Non, malgré son titre français, Changeons de sexe ! n’est pas un long métrage qui fait l’apologie de la transsexualité… Ce n’est qu’une comédie comme Hollywood en produisait à la pelle dans les années 30 et 40. Sauf qu’il y a bien ici interversion de sexe, un couple se voyant fort embarrassé lorsqu’un magicien transfère l’esprit de Madame dans le corps de Monsieur et réciproquement. Un tour de passe-passe que Patrick Schulmann, le réalisateur du fameux Et la tendresse ? Bordel ! (1978) réitérera dans Rendez-moi ma peau!

Dans ce long métrage sorti en France en 1980, deux automobilistes, une femme et un homme, se retrouvent brutalement projetés dans le corps du sexe opposé après une collision évitée de justesse entre leurs véhicules et une sorcière juchée sur son balai et particulièrement fumasse… Tout rentrera à peu près dans l’ordre après une course-poursuite à travers le monde merveilleux des mages, astrologues et autres chiromanciens, dont une visite chez une voyante spécialisée dans la lecture des lignes de… l’anus ! Amoureux de la poésie, passez votre chemin !

Rendez-moi ma peau (Schulmann, 1980), une exploration tout en finesse des différences sexuelles entre homme et femme…

Pour en revenir au Film du jour, sachez que Changeons de sexe ! est signé par l’américain Hal Roach, un monsieur né en 1892 qui fut surtout connu pour ses activités de producteur. C’est lui notamment qui découvrit le comique Harold Lloyd (le jeune homme à lunettes qui escalade un gratte-ciel dans Monte là-dessus en 1923) et qui en fit une vedette incontournable du cinéma muet. Le flair de Hal Roach pour découvrir des talents prometteurs était tel qu’à 24 ans l’homme roulait déjà sur l’or et avait éclipsé Mack Sennett au panthéon des producteurs spécialisés dans le burlesque sur grand écran.

Hal Roach – on ne le remerciera jamais assez – mit aussi le pied à l’étrier au duo Laurel et Hardy au milieu des années 1920 et coréalisa Fra Diavolo (1933), considéré comme l’un des meilleurs longs métrages du tandem.

Fra Diavolo (1933), l’un des plus gros succès de Laurel et Hardy, fut produit et coréalisé par Hal Roach

A la fin des années 30, Hal Roach produisit encore de très grosses réussites au box-office comme Le couple invisible (1937), histoire d’un couple de fantômes (Cary Grant et Constance Bennett) obligés d’accomplir une bonne action avant d’accéder au ciel, Des souris et des hommes (Milestone, 1939), adaptation réussie du roman de John Steinbeck, ou Tumak, fils de la jungle (1940), film d’aventures préhistoriques qu’il coréalisa avec son fils, Hal Roach Jr.

Victor Mature tient le rôle-titre de Tumak, fils de la jungle (1940), produit et coréalisé par Hal Roach

Fan énamouré de Mussolini (un portrait dédicacé du Duce resta fièrement exposé chez lui jusqu’à sa mort), Hal Roach se reconvertit à la télévision après la Seconde Guerre mondiale… avec nettement moins de succès toutefois. Il mourut tranquillement en 1992 à l’aube de son 101e anniversaire, jamais avare d’anecdotes sur les débuts de l’industrie hollywoodienne.

Changeons de sexe !, l’histoire : Un couple n’en finit pas de se quereller, chacune des deux moitiés accusant l’autre des pires maux et souhaitant prendre la place de son conjoint. Un génie hindou exauce leurs vœux et les voilà tous deux transférés dans la peau de l’autre… L’homme consterne ses associés (chacun sait que ces dames sont nulles en affaires…) et la femme se fait mal voir par ses amies (chacun sait que ces messieurs sont indélicats et peu raffinés…). Mais, que l’on se rassure, tout s’arrangera après de multiples quiproquos.

Carole Landis (1919-1948)

C’est la belle Carole Landis qui interprète le rôle de l’épouse dans Changeons de sexe ! Une actrice à la destinée tragique qui paya au prix fort son indépendance d’esprit et son féminisme avant-gardiste. Née Frances Ridste le 1er janvier 1919, elle se suicida d’une overdose de barbituriques et de tranquillisants à l’âge de 29 ans.

Mariée une première fois à quinze ans, divorcée quelques jours plus tard, puis remariée au même le temps de fêter ses seize printemps, Carole Landis savait jouer la comédie, danser, chanter et, forte de ses qualités, la miss débarqua à Hollywood en 1936 bien décidée à se faire un nom dans la Mecque du cinéma. Embauchée comme chorus girl dans les comédies musicales de Busby Berkeley, elle accumula tout d’abord les petits emplois dans des séries B pour les studios Warner. Il lui faudra en fait attendre 1940 et le rôle de Loana, une femme préhistorique dans Tumak, fils de la jungle, opus déjà cité plus haut, pour que le grand public la remarque enfin.

Passée sous contrat pour la 20th Century Fox, l’actrice se vit alors proposer deux ou trois rôles intéressants, comme celui du mannequin Vicky Lynn dans l’excellent film noir I Wake up Screaming (Humberstone, 1941) aux côtés de Victor Mature et de la pin-up Betty Grable.

Carole Landis (en bas à gauche) à l’affiche du film noir I Wake Up Screaming (Humberstone, 1941)

Malheureusement, les critiques s’attardent uniquement sur le physique de l’actrice et ne s’intéressent guère à son jeu. Du coup, Carole Landis reprend le chemin peu gratifiant des films de série B. A cela vient s’ajouter une santé déclinante, la jeune femme ayant contracté la malaria, une dysenterie et une pneumonie particulièrement sévère lors d’une tournée dans le Pacifique en soutien à l’armée américaine engagée contre le Japon.

Pour ne rien arranger, Carole Landis se voit ostraciser par les producteurs hollywoodiens, effrayés par son féminisme revendiqué et ses multiples aventures amoureuses sans lendemain avec des personnalités du cinéma comme Hal Roach Jr., Franchot Tone, Darryl Zanuck, Randolph Scott, Cedric Gibbons, Cesar Romero, George Raft, Mickey Rooney, Robert Stack, Charles Boyer, Charlie Chaplin, Cary Grant, Victor Mature, Spencer Tracy, j’en passe et des meilleurs…

George Montgomery et Carole Landis dans Cadet Girl (1941), un petit film de série B signé Ray McCarey

1945, année de la fin de la Seconde Guerre mondiale, est une année noire pour Carole Landis dont le contrat avec la 20th Century Fox n’est pas renouvelé et qui divorce de son quatrième mari. De plus, elle a appris qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfant. En 1948, elle part en Angleterre tourner deux films dont Le nœud coulant, signé par l’international et francophile Edmond T. Gréville. Ce seront les deux derniers rôles de l’actrice qui, malade et déprimée, préfère se donner la mort. C’est son amant du moment, l’acteur Rex Harrison (mariée à l’époque à l’actrice Lilli Palmer), qui découvre le corps de la jeune femme. Il avait dîné avec elle la veille au soir et lui avait annoncé sa volonté de rompre. Carole Landis était alors en instance de divorce avec son cinquième mari, épousé en 1945.

Carole Landis… toujours aussi glamour mais un regard bien triste…

En 1942, lorsque l’actrice Lupe Velez, l’une de ses meilleures amies, s’était suicidée, Carole Landis, de manière prémonitoire, s’était écriée : « Je sais ce qu’elle a dû éprouver. Vous vous battez si longtemps pour y arriver et là, vous vous apercevez avec inquiétude que vous êtes lessivée. Vous découvrez avec angoisse qu’il n’y a plus qu’un moyen de repartir et que c’est par le bas ». Lucidité particulièrement effrayante…

Le destin tragique de Carole Landis ne s’arrête pas là toutefois. En 1966, une autre de ses amies, l’écrivain Jacqueline Susann (1918-1974) avec laquelle, selon la rumeur, l’actrice vécut une aventure passionnée, publia l’ouvrage à succès intitulé « La vallée des poupées ». Ce roman à clés s’attache au destin mouvementé de trois actrices dont l’une, dénommée Jennifer North, est directement inspirée de Carole Landis. En 1967, l’ouvrage fut adapté au cinéma par Marc Robson, avec Sharon Tate dans le rôle de Jennifer, rôle qui lui permit de décrocher le Golden Globe du meilleur espoir féminin. Mais, le 9 août 1969, Sharon Tate, alors enceinte et mariée à Roman Polanski, fut assassinée par les sbires de Charles Manson…

Pour un extrait de Changeons de sexe, cliquez ici.

Publié dans Titres étranges

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