Le Film du jour n°213 : Les pépées font la loi
Un film français de Raoul ANDRE (1954) avec Dominique Wilms, Claudine Dupuis, Louise Carletti, Michèle Philippe, Suzy Prim, Jean Gaven, Louis de Funès...
Les pépées dont il est question ici sont en fait quatre sœurs plongées, un peu malgré elles, dans les sombres affaires de la pègre. C'est le scénariste Raymond Caillava qui a ficelé l'histoire des Pépées font la loi. Il en donnera une suite un an plus tard, intitulée Les pépées au service secret et mise en scène par le même Raoul André. Un Raoul André que l'auteur de ces lignes ne vous présente plus, puisque trois de ses longs métrages se sont déjà hissés au rang de Film du jour : Des frissons partout (1963), Le bourgeois gentil mec (1969) et Y a un os dans la moulinette (1974). Un réalisateur que l'on chérit donc tout particulièrement dans cette rubrique !
Raoul André et Raymond Caillava collaborèrent à huit reprises. Outre sur Les pépées font la loi et Les pépées au service secret, les deux compères se retrouvèrent également pour concocter des p'tits films du samedi soir comme Marchandes d'illusions (1954) avec Nicole Courcel et Raymond Pellegrin, Les clandestines (1955) avec Nicole Courcel et Philippe Lemaire, Les indiscrètes (1956) avec Nicole Berger, Une fille épatante (1956) avec Sophie Desmarets, La polka des menottes (1957) avec Pascale Audret et Secret professionnel (1959) avec Dawn Addams et Raymond Pellegrin. Niveau "pépées", le père Caillava en connaissait apparemment un rayon : c'est lui qui coécrivit aussi le scénario de Cigarettes, whisky et p'tites pépées (Regamey, 1959) avec une Annie Cordy qui pouvait encore se permettre d'enfiler des bas-résilles...
Claudine Dupuis, Dominique Wilms et Louise Carletti, les trois "pépées"
Les pépées font la loi, l'histoire : La pauvre Nathalie a été kidnappée. La croyant impliquée dans une affaire de drogue, sa mère Flora (Suzy Prim, actrice française assez réputée dans les années 30) n'ose alerter la police. Qu'à cela ne tienne ! Les trois autres filles de Flora, qui n'ont pas froid aux yeux, vont tout faire pour libérer leur sœur. Réussissant à infiltrer la bande de voyous qui a kidnappé Nathalie, Elvire (la beauté populo Claudine Dupuis), Elisabeth (la sexy en diable Dominique Wilms) et Christine (Louise Carletti, qui deviendra madame Raoul André en 1955) sèment le désordre dans leur entourage proche. Et, comme nous sommes dans les années 50, l'indépendance de ces dames n'est pas forcément bien vue et leurs maris respectifs vont presque réussir à faire échouer leur mission ! Mais, comme nous sommes aussi au pays de Candy, les trois pépées auront raison des gangsters et délivreront la pauvre Nathalie.
Je vous rassure tout de suite, le film ne risquait pas de décrocher la Palme d’or à Cannes. Il vaut néanmoins son petit coup d’œil car on ne s’y ennuie pas trop, le réalisateur ayant pris le parti du second degré assumé (tout du moins on l’espère). Les trois pépées, élevées dans la plus pure tradition bourgeoise sous ce bon René Coty, se mettent à causer l’argot et jouer les pétroleuses de service de manière assez rigolote. Le tout finit par un combat de catch dantesque entre bandits et personnes du beau sexe (la mère ayant fait le rappel de toutes ses anciennes copines de trottoir…). Bref, c’est pas intello et on passe un moment assez sympa en compagnie de mignonnettes starlettes des années 50. Cerise sur le gâteau, Louis de Funès apparaît dans un petit rôle sous le nom de « Jeannot la bonne affaire » (parce qu’il se frotte les mains tout le temps). Que demander de plus ?
Claudine Dupuis
Le nom de Claudine Dupuis (Elvire dans Les pépées font la loi) ne vous dira peut-être rien, mais cette actrice connut son heure de gloire dans les années 50. Elle plaisait même beaucoup à François Truffaut, alors critique de cinéma. Le futur réalisateur des 400 coups détestait les films où jouait la jeune femme (des polars de série B tournés à la va-comme-je-te-pousse et des films musicaux pour chefs-lieux de canton), mais il n'en loupait jamais un seul !
Née en 1924, Claudine Dupuis se fit une spécialité des rôles dévolues à Ginette Leclerc et Viviane Romance dans les années 30 et 40 : les filles faciles, un rien vulgaires, aguicheuses, effrontées, voire provocatrices. Petit rat puis ballerine au Théâtre du Châtelet à Paris de 1933 à 1942, Claudine Dupuis débute au cinéma en 1945 dans des petits rôles, notamment dans La ferme du pendu (Dréville, 1945) auprès de Charles Vanel et de Bourvil (qui y débute également). C'est en 1947 qu'elle s'affirme dans deux rôles importants, celui de Marie, une jeune et jolie garce qui ensorcelle les officiers du Fort de la solitude (Vernay, 1947), et celui de Mila, la fiancée de Luis Mariano, dans Cargaison clandestine (Rode, 1947). Dans ce dernier film, elle danse pour la première fois à l'écran... et joue pour la première fois sous la direction du réalisateur Alfred Rode, chef d'orchestre tzigane à ses heures. Une précision importante puisque Mademoiselle Dupuis tombe sous le charme du bel Alfred et les deux tourtereaux convolent en justes noces en 1951.
Claudine Dupuis entre Poiret et Serrault dans Adorables démons (Cloche, 1956) (image : www.toutlecine.com)
C'est le départ d'une collaboration entre le réalisateur et l'actrice qui se poursuivra sur sept autres films. Les longs métrages sont miteux, mais le public répond présent, car la spécialité de Monsieur Rode, c'est le film un tantinet coquin : l'action se passe souvent dans des maisons closes ou des cabarets louches, on y parle un argot de bon aloi et quelques scènes de strip-tease viennent émoustiller le Français moyen en goguette le samedi soir (y avait pas encore RTL9 et ses films de fesse de seconde partie de soirée). Tout au long des années 50, le tandem Dupuis/Rode livrera ainsi Boîte de nuit (1950), Tourbillon (1952), C'est la vie parisienne (1952), La môme Pigalle (1955) - le meilleur du lot -, La fille de feu (1957) (film d’aventures exotique où l’actrice joue la fille de Raymond Souplex), Visa pour l'enfer (1958) et le très mauvais Dossier 1413 (1960).
L'un des films tournés par Claudine Dupuis sous la direction de son mari, Alfred Rode
Claudine Dupuis plaît aussi hors des frontières françaises. On la réclame en Allemagne (Le bal des nations de Karl Ritter en 1953), en Italie (Plus fort que la haine de Camille Mastrocinque en 1950 avec Rossano Brazzi ; Brigades volantes de Fernando Cerchio en 1952 avec Raf Vallone ; Le château des amants maudits de Riccardo Freda en 1956) et en Espagne (La mégère apprivoisée d'Antonio Roman en 1955 avec la sémillante Carmen Sevilla). Mais en 1960, alors qu'elle a 36 ans et son mari 55, le couple décide de tout arrêter et de quitter le cinéma définitivement afin, sans doute, de profiter pleinement de l'argent durement gagné. Claudine Dupuis disparaît alors définitivement des écrans. Elle décède dans l'oubli total en 1991, douze ans après la mort d'Alfred Rode.
T'avais du chien, Claudine, même avec une bouteille de vin à la main !