Le Film du jour n°238 : Cigarettes, whisky et p'tites pépées
Un film français de Maurice REGAMEY (1958) avec : Annie Cordy, Pierre Mondy, Nadine Tallier, Christian Méry, Pierre Doris, Jean Carmet.
Cigarettes, whisky et p’tites pépées a depuis longtemps déserté même les mémoires des inconditionnels des p’tits films du samedi soir. Pourtant, la chanson qui donne son titre à ce long métrage de Maurice Regamey reste encore sur les lèvres des amateurs d’Annie Cordy (si, si, il y en a). Une Annie Cordy présente au générique de cette œuvrette et qui démontre qu’elle n’a pas seulement de la voix, mais aussi de la cuisse…
Dans l’album « Annie Cordy : 50 ans de succès » (ça nous rajeunit pas, hein, Josiane…) sorti dans les bacs en 1998, la chanson « Cigarettes, whisky et p’tites pépées » figurait ainsi en bonne place entre « La bonne du curé », « Tata Yoyo », « Nini la Chance », « Frida Oum Papa » et « Cho Ka Ka O » (ne manquait à l’appel que le formidable « Ya Kasiti »). Que du lourd ! Le Film du jour ne résiste pas au plaisir de vous remémorer les premières strophes de ce quasi-chef-d’œuvre de la chanson française, dont les paroles furent aussi entonnées par Eddie Constantine :
Cigarettes et whisky et p'tites pépées/Te laissent groggy, te rendent un peu cinglé /Cigarettes et whisky et p'tites pépéess/Si c'est ta vie, t'as raison de les aimer /Tu sais que l'tabac, c'est mauvais pour la voix/Tu sais que l'alcool, c'est pas bon pour ton foie/Quant aux p'tites pépées, c'est fatal pour ton cœur/Toi qui prends les trois, tu dis qu'il n'y a rien de meilleur
Cigarettes, whisky et p’tites pépées : un film et une chanson !
Autant le dire tout de suite, Maurice Regamey, le réalisateur de Cigarettes, whisky et p’tites pépées, n’a guère marqué le cinéma français (mais, fines mouches que vous êtes, vous l’aviez déjà deviné). Et ce d’autant que la réalisation n’était pas sa profession première (l’homme fut surtout acteur) et qu’il n’était pas Français mais Suisse...
Né en Pologne en 1924 et décédé à Paris le 29 août 2009, Maurice Regamey avait émargé au casting de plus d’une trentaine de bandes entre 1944 et 1955 lorsqu’il aborda la mise en scène de longs métrages en 1956 avec Honoré de Marseille. Avec Fernandel en vedette, ce film nonchalant tente sans véritable conviction de raconter sur le mode humoristique vingt-cinq siècles d’histoire marseillaise, l’occasion pour le comique méridional d’enfiler l’uniforme romain de Protis, fondateur de la cité phocéenne.
Cette même année 1956, Maurice Regamey offre à Louis de Funès pour la première fois un rôle principal dans un film, en l’occurrence celui du pianiste de Comme un cheveu sur la soupe (1956). Le futur interprète du Gendarme y est un compositeur désespéré en manque d’amour et candidat au suicide (c’est malgré tout censé être comique… puisque le long métrage obtint le Grand prix du rire 1957…). Dans l’incapacité de mettre fin à ses jours, le héros joué par de Funès décide de confier cette tâche à un tueur professionnel… jusqu’au moment où il tombe raide dingue d’une chanteuse et n’a plus du temps envie de passer l’arme à gauche ! Une histoire dont le Finlandais Aki Kaurismäki s’inspira peut-être pour J’ai engagé un tueur (1991) avec un Jean-Pierre Léaud désabusé (l’inspiration des cinéastes suit parfois des voies impénétrables…).
C’est dans Comme un cheveu sur la soupe (1956) de Maurice Regamey que Louis de Funès obtint, pour la première fois, un rôle principal
Après Cigarettes, whisky et p’tites pépées, son troisième long métrage, Maurice Regamey mettra encore en boîte deux autres films. A pleines mains (1959) est une bande policière avec Yves Massard, acteur aujourd’hui complètement oublié, et Louis Seigner (le grand-père d’Emmanuelle et de Mathilde Seigner dans la vraie vie). Tourné à Bruges avec Jean-Claude Pascal, Valérie Lagrange et Madeleine Robinson, La salamandre d’or (1962) s’avère une honnête évocation de l’époque de François Ier.
Cinquième et dernier long métrage de Maurice Regamey, La salamandre d’or (1962) brode autour de la rançon que les Français durent payer aux Espagnols menés par Charles-Quint pour récupérer François Ier au soir de la bataille de Pavie
Cigarettes, whisky et p’tites pépées, l’histoire : Sis dans une belle propriété de la Côte d'Azur, un club de jeunes et jolies sportives se voit brusquement menacé d'être fermé. L’une des p’tites pépées, qui en a aussi dans la tête, imagine sauver la p’tite entreprise en créant un night-club où seront écoulées les énormes réserves de whisky et de cigarettes découvertes par hasard dans la cave de la propriété. Las, ce whisky appartient à des contrebandiers qui décident de mettre le holà aux manigances des belles poupées. L’histoire se complique encore avec l’arrivée d’un concurrent, d’un gros trafiquant grec et des douaniers ! Mais tout finira bien pour la gent féminine. Quelques pépées chanceuses trouveront même un mari… Si ça, c’est pas de la chance !
Nadine Tallier, pépée dans les années 50 et baronne de Rothschild aujourd’hui !
Le Film du jour ne s’attardera pas sur Annie Cordy que nous avons déjà évoquée dans cette rubrique (voir Le bourgeois gentil mec). Née en 1928 et hissée en 2004 au rang de baronne par le roi Albert II, la chanteuse joue avec un allant certain la prof de gymnastique des pensionnaires de notre institut de jeunes filles. Mais il sera quand même question d’une baronne cette semaine, puisque nous allons nous attarder sur Nadine Tallier, l’une des pépées de Cigarettes, whisky et p’tites pépées qui épousera en 1962 en vrai le baron Edmond de Rothschild.
« J’avais plusieurs banquiers de Paris à mes pieds, écrit Nadine de Rothschild, ex-Tallier, dans l’un des quinze bouquins qu’elle a publiés depuis 1984. Donc, forcément, j’ai fini par en choisir un. » Toute la philosophie de vie de la dame pourrait se résumer à cette simple phrase. D’autant qu’elle ajoute : « Les hommes sont faits pour avoir de l’argent ! Pas les femmes. Les femmes sont faites pour en demander ». Jolie mentalité…
Née Nadine Lhopitalier en 1932, la jeune femme est partie de (presque) rien. Elle est d’abord ouvrière dans une usine de housses de voitures avant de devenir pin-up et modèle favori du peintre Jean-Gabriel Domergue (1889-1962) qui lui ouvre les portes du cinéma et lui donne le goût des réceptions mondaines. Deux arguments de poids avaient séduit le peintre : les nibards de Nadine… pour parler clairement. « Jean-Gabriel Domergue fut le premier à admirer ma jolie poitrine », reconnaît la dame qui, dès le début des années 50, n’hésite pas à jouer les doublures « seins » d’actrices effarouchées par les exigences de certains metteurs en scène. Mais, elle n’est pas farouche, notre Nadine, et c’est elle qui, par exemple, prête sa silhouette à Martine Carol pour les scènes déshabillées de Nathalie, agent secret (Christian-Jaque, 1950).
Pas encore baronne de Rothschild, Nadine Tallier (ici en 1955) aime déjà côtoyer les fourrures épaisses… C'est pas Serge qui me dira le contraire !
Sur sa lancée, Nadine Tallier enchaîne les petits rôles sexys dans les films du samedi soir qui drainent en masse les spectateurs des années 50 dans les salles. On l’aperçoit ainsi subrepticement en danseuse nue (mais faut avoir de bons yeux…) dans Quai de Grenelle (Reinert, 1950). Mais elle côtoie aussi les grands acteurs français de l’époque : Fernandel dans Coiffeur pour dames (Boyer, 1952), Eddie Constantine dans Vous pigez ? (Chevalier, 1955), Brigitte Bardot, Daniel Gélin et Robert Hirsch dans En effeuillant la marguerite (M. Allégret, 1956), Louis de Funès dans Comme un cheveu sur la soupe, Jean Richard dans En bordée (Chevalier, 1958) ou bien encore Bernard Blier et Pierre Brasseur dans Les grandes familles (De la Patellière, 1959).
Quelques images de la carrière cinématographique de Nadine Tallier :
La future baronne porte bien les jarretelles dans Fernand cow-boy (Lefranc, 1956)…
… sait jouer du décolleté dans En effeuillant la marguerite (M. Allégret, 1956), (Daniel Gélin semble apprécier)…
…et peut jouer les parfaites ingénues en plein enterrement dans Les grandes familles (De la Patellière, 1958) (ici, avec Pierre Brasseur)
En fait, lorsqu’on lit attentivement la filmographie de Nadine Tallier, forte d’une trentaine de films entre 1950 et 1963, on constate avec surprise que de nombreux titres pourraient littéralement s’appliquer à sa propre vie : Femmes de Paris (Boyer, 1952), Les hommes ne pensent qu’à ça (Robert, 1954), Ce soir les jupons volent (Kirsanoff, 1956), Cinq millions comptant (Berthomieu, 1956), Donnez-moi ma chance (Moguy, 1957), Les grandes familles, etc.
Signalons que la future baronne de Rothschild a aussi joué dans Miss Catastrophe (Kirsanoff, 1956) et… Une ravissante idiote (Molinaro, 1963), film qui marque sa dernière apparition à l’écran. Le Film du jour n’aura ni l’audace ni le mauvais esprit d’ajouter un commentaire…