Le Film du jour n°94 : Mon curé chez les nudistes

Un film français de Robert THOMAS (1982) avec Paul Préboist, Henri Genès, Georges Descrières, Philippe Nicaud, Katia Tchenko, Jean-Marc Thibault, Brigitte Auber...
Attention, monument du 7e art (non, je rigole...). Si vous pensiez jusqu'ici que Mon curé chez les nudistes était la suite du Journal d'un curé de campagne (1951), le chef-d’œuvre de Robert Bresson, vous avez tout faux ! Les deux films se situent aux exacts opposés du spectre cinématographique. Si Bresson n'a pas hésité à confier le rôle du curé du roman de Bernanos à Claude Laydu, futur créateur et producteur de Bonne nuit les petits, Robert Thomas, le réalisateur de Mon curé chez les nudistes, a su, lui, voir en Paul Préboist, jusqu'alors confiné aux figures de troisième couteau, l'interprète idéal de l'homme en soutane... Cela ne l'a pas empêché de le remplacer par Maurice Risch dans Mon curé chez les Thaïlandaises, le film du même tonneau qu'il signera un an plus tard.

Paul Préboist, curé "en rodage" dans Mon curé chez les nudistes (Thomas, 1982). Au milieu, on reconnaîtra Katia Tchenko (image : www.nanarland.com)
Mon curé chez les nudistes, l'histoire : A la différence du héros bressonnien du Journal d'un curé de campagne qui vit un véritable chemin de croix, le personnage interprété par Paul Préboist est tout sauf un loser. Ses sermons rencontrent un tel succès que l'église est bondée à chaque messe. Faut dire que notre curé est hyper rigolo, surtout quand il imite les animaux de l'Arche de Noé. Je vous laisse imaginer la scène si vous n'avez pas vu le film. A côté de ça, l'humour de Raymond Devos, c'est de la gnognotte...
La réputation du père Daniel est telle que son évêque décide de lui confier une mission délicate : ramener dans le droit chemin de la messe une troupe de brebis égarées, en d'autres termes, les adeptes du camp naturiste du Veau d'Or. Tandis que le regard du pauvre spectateur est bombardé de nichons et de fessiers de tout poil, commence alors pour le curé une profonde remise en cause de ses valeurs qui, comme l'indique François Kahn dans L'encyclopédie du cinéma ringard, préfigure les tergiversations métaphysiques de l'abbé Donissan (Gérard Depardieu) dans Sous le soleil de Satan (Pialat, 1987). Affublé d'un tablier rose sur laquelle on peut lire "En rodage" (c'est là qu'on fait pipi sur soi, tellement on rigole), notre bon Paul Préboist ne saura plus à quel sein se vouer, une fois dans le camp de nudistes ; tout juste pourra-t-il se confier en catimini à un baril de lessive Saint-Marc (j'en ai encore mal au bide tellement j'ai ri...).

Avant Mon curé chez les nudistes, il y a eu aussi Mon curé chez les riches (Diamant-Berger, 1952) (image : www.cinema-francais.fr)
Mon curé chez les nudistes et Mon curé chez les Thaïlandaises sont les ultimes avatars d'une série de films dont le titre commence par Mon curé... A l'origine de cette saga religieuse, on trouve deux romans de Clément Vautel parus dans les années 20 : "Mon curé chez les riches" et sa suite, "Mon curé chez les pauvres".
Dès 1925, le personnage devient un héros de cinéma dans deux films éponymes mis en scène par Donatien, qui ne pourra pas s'empêcher de retourner une version parlante de Mon curé chez les riches en 1932. D'autres adaptations de Mon curé chez les riches suivront. Jean Boyer (voir Les croulants se portent bien) s'y colle en 1938 avec le comique Bach dans le rôle-titre, puis c'est Henri Diamant-Berger qui s'y attelle en 1952 avec, cette fois-ci, Yves Deniaud. Ce dernier rendossera la soutane quatre ans plus tard pour Mon curé chez les pauvres, signé une nouvelle fois Henri Diamant-Berger (loin des Visiteurs du soir et des Enfants du paradis, Arletty est même de la partie...). Entre-temps, l'inénarrable Emile Couzinet (voir Trois vieilles filles en folie) aura tenté de marier le comique troupier avec le vaudeville calotin en livrant en 1955 un Mon curé champion du régiment, avec Frédéric Duvallès et Jean Carmet... Il faudra ensuite attendre Robert Thomas (1928-1989) pour ressusciter la filière dans les années 80 !

Sylvie Vartan est en vedette de l'un des premiers films réalisés par Robert Thomas
Avant de commettre Mon curé chez les nudistes et Mon curé chez les Thaïlandaises (1983), Robert Thomas s'était acquis une solide réputation d'auteur de théâtre spécialisé dans la comédie policière. C'est ainsi lui qui écrivit Huit femmes, qui sera adapté pour le cinéma en 2002 par François Ozon. Passé à la réalisation de films en 1963, Robert Thomas a signé trois adaptations de pièces de théâtre : La bonne soupe (1963), d'après Félicien Marceau, avec Annie Girardot, Marie Bell et Sacha Distel, Patate (1964), d'après Marcel Achard, avec Pierre Dux, Danielle Darrieux et Sylvie Vartan, et Freddy (1978), d'après sa propre pièce, avec Jean Lefebvre et Pierre Doris. Il finira sa carrière cinématographique en "beauté" avec... Les Brésiliennes du Bois de Boulogne (1984). Sans commentaires !
Biblio : Encyclopédie du cinéma ringard, François Kahn, aux éditions Grancher