Le Film du jour n°253 : Les pompiers chez les pin-up
Titre original : I pompieri di Viggiù
Un film italien de Mario MATTOLI (1949) avec Toto, Wanda Osiris, Carlo Dapporto, Silvana Pampanini, Isa Barzizza, Mario Castellani, Elena Giusti, Carlo Campanini...
Ah ! Les pin-up ! Que celui qui n’a jamais fantasmé sur une photo de pin-up me jette la première jarretelle ! Je parle bien entendu ici des vraies « pin-up girls », celles des années 40, pas des bimbos préfabriquées et (plus ou moins) décérébrées à la Nabila qu’on nous sert à longueur de téléréalité. De fait, le terme « pin up » (épingler en anglais) date de la Seconde Guerre mondiale. Faute de pouvoir admirer de visu les vedettes sur grand écran, les soldats américains engagés dans le conflit épinglaient sur leurs sacs – ou au-dessus de leurs lits pour une meilleure vision – les photos de leurs actrices préférées (si possible en bikini fortement échancré). Rêve, frissons et évasion garantis !
Rita Hayworth en position pin-up
A l’époque, Rita Hayworth, qui n’a pourtant pas encore tourné le célébrissime Gilda (C. Vidor, 1946), est l’une des pin-up les plus appréciées des GI. Bombardée « star atomique », la photo de la jeune femme finira même plaquée sur la première ogive nucléaire. Tu parles d’un honneur… Mais celle qui rallie alors tous les suffrages, c’est Betty Grable (1916-1973), actrice aujourd’hui bien oubliée mais reine du box-office américain au cours des années 40.
Ce sont surtout des comédies musicales qui font triompher Betty Grable sur grand écran, à l’instar de Sous le ciel d’Argentine (Cummings, 1940) avec également l’excentrique et fantasque Carmen Miranda, L’île aux plaisirs (W. Lang, 1943) ou Rosie l’endiablée (Cummings, 1943). Après la guerre, le succès de l’actrice ne se dément pas. En 1947, Betty Grable est même la star américaine la mieux payée et la Lloyd assure ses jambes pour un million de dollars ! L’actrice mettra un terme à sa carrière cinématographique en 1955 non sans avoir interprété l’un des trois rôles féminins principaux de Comment épouser un millionnaire (Negulesco, 1953) aux côtés de Marilyn Monroe et Lauren Bacall.
Betty Grable, la pin-up ultime… si si… ses jambes gainées de soie en font foi !
Les pompiers chez les pin-up, l’histoire : Viggiù est une petite ville italienne où le théâtre municipal s’apprête à accueillir une revue. Stratégiquement placés en coulisses, les pompiers du coin ne perdent pas une miette du spectacle où s’exhibent des jeunes femmes en tenue légère et les plus grandes vedettes de l’époque, le comique Toto en tête. Nos hommes du feu en profitent même pour entonner la fameuse chanson-titre, I pompieri di Viggiù, refrain à succès de l’époque. Petite anecdote : c’est lors de la projection des Pompiers chez les pin-up que le cinéma prend feu dans Cinéma Paradiso (1988) de Giuseppe Tornatore avec le défunt Philippe Noiret.
Toto dans Les pompiers chez les pin-up (Mattoli, 1949)
Les pompiers chez les pin-up est signé par le réalisateur Mario Mattoli (1898-1980). L’homme ne fait pas partie des figures historiques du cinéma transalpin à l’instar des Visconti, Fellini, Scola, Risi, Comencini, Antonioni, Monicelli et autres Rossellini. Avec près de 90 films réalisés entre 1934 et 1966, Mario Mattoli n’en est pas moins représentatif d’un certain cinéma populaire italien. Il se mit notamment au service de phénomènes comiques comme Erminio Macario (cinq films dont Macario millionnaire et La folle aventure de Macario, tous deux de 1939) ou Toto (seize films dont Les deux orphelins, 1947, Arènes en folie, 1948, Tototarzan, 1950, Deux légionnaires au harem, 1950 ou Toto, misère et noblesse, 1954, sans doute le meilleur de la liste).
Mario Mattoli fut également l’un des créateurs du mélodrame à la sauce italienne. Avec la magnifique Alida Valli (l’inoubliable interprète du Senso de Luchino Visconti) en tête d’affiche, Lumière dans les ténèbres (1941), Chaînes invisibles (1942) et Ce soir, rien de nouveau (1942) sont emblématiques du genre.
Alida Valli dans Lumière dans les ténèbres (Mattoli, 1941)
Le réalisateur apporta aussi sa (toute petite) contribution au néoréalisme italien, genre qui révolutionna le cinéma transalpin juste après la guerre, en signant Assunta Spina (1948), œuvre empreinte de réalisme et considérée par certains comme son meilleur film (l’œuvre a récemment été diffusée sur Ciné Cinéma Classic). Anna Magnani y tient un rôle qui préfigure celui qu’elle tiendra dans l’inoubliable Mamma Roma (1962) de Pier Paolo Pasolini.
Anna Magnani dans Assunta Spina (Mattoli, 1948)
Mario Mattoli n’hésita pas aussi à se frotter aux péplums, plus ou moins parodiques, avec Deux nuits avec Cléopâtre (1953) et Sophia Loren dans le rôle-titre, ou Deux corniauds contre Hercule (1961) avec le musclé Kirk Morris (voir Goldocrack à la conquête de l’Atlantide) et le duo « comique » Franco et Ciccio (voir L’espion qui venait du surgelé).
Sophia Loren se tient les poumons, faute d’avoir trop couru après César sans doute, dans Deux nuits avec Cléopâtre (Mattoli, 1953)
Mattoli apporta également sa pierre à l’édifice du western-spaghetti avec son dernier film réalisé en 1966 (et inédit en France) : Per qualche dollaro in meno. Un titre dont la traduction littérale signifie Pour quelques dollars en moins… clin d’œil à Et pour quelques dollars en plus (1965), le célèbre opus de Sergio Leone avec Clint Eastwood, Lee Van Cleef et Gian Maria Volonte.
Avocat de formation, Mario Mattoli avait dirigé à ses tout débuts une troupe de théâtre, la compagnie Za-Bum, et notamment repéré et embauché le célèbre Vittorio de Sica. C’est en interprétant sur scène une sorte de Maurice Chevalier italien que l’acteur fut (re)découvert par Mario Camerini qui, à son tour, l’engagea pour jouer dans son film Les hommes, quels mufles (1932). Un long métrage qui lança définitivement la carrière cinématographique de Vittorio de Sica, réalisateur de chefs-d’œuvre comme Le voleur de bicyclette (1947), Umberto D. (1951) ou Le jardin des Finzi-Contini (1970). Comme quoi, il ne faut pas dédaigner Mario Mattoli.