Le Film du jour n°125 : Toute nudité sera châtiée
Titre original : Toda desnudez sera castigada
Un film brésilien d'Arnaldo JABOR (1973) avec Paulo Porto, Darlene Gloria, Paulo Sacks, Paulo Cedar Pereiro...
Le titre du Film du jour peut prêter à sourire au vu de la date de sortie du long métrage... 1973, c'est en effet l'époque où la moindre actrice en herbe jette son soutien-gorge aux orties (quand ce n'est pas sa petite culotte) pour s'exhiber en toute liberté devant les yeux des spectateurs ébaubis (souvenons-nous d'Isabelle Huppert ou de Miou-Miou dans leurs premiers films...).
C'est aussi le moment où le cinéma érotique bat son plein en Europe et où les premières stars du X, dans leur démarche "révolutionnaire", s'apprêtent à jouer leurs propres rôles dans des films à but "sociologique", comme Claudine Beccarie dans Exhibition (Jean-François Davy, 1975) (voir aussi Certaines chattes n'aiment pas le mou) ou Sylvia Bourdon dans Les pornocrates (1976) et Exhibition II (1979) du même Davy. Dans ce contexte, un titre comme Toute nudité sera châtiée ne peut apparaître qu'ironique...
En fait, le film du réalisateur brésilien Arnaldo Jabor, qui obtint quand même l'Ours d'argent au festival de Berlin en 1973, s'inspire d'une pièce éponyme de 1965 écrite par Nelson Rodrigues, l'un des plus importants auteurs dramatiques brésiliens du vingtième siècle (paraît-il, car la littérature sud-américaine et moi, qui connaît tout juste Ernesto Sabato et Gabriel Garcia Marquez, ça fait deux...). Ce monsieur a écrit dix-sept pièces, des chroniques journalistiques, des romans, des nouvelles et des contes.
Une scène de Toute nudité sera châtiée
Toute nudité sera châtiée, l'histoire : Homme de traditions, Herculano a juré à son épouse mourante de ne pas se remarier. Mais, coup du sort, son fils lui fait rencontrer Geni, une prostituée, pour laquelle il a le coup de foudre. L'équilibre précaire de la famille est rompu. C'est la ruine morale de la maisonnée et tout le monde sombre dans la débauche.
Arnaldo Jabor
Né en 1940, Arnaldo Jabor, le réalisateur de Toute nudité sera châtiée, s'inscrit dans la tradition du "cinema novo" brésilien, dont les représentants les plus connus sont Nelson Pereira dos Santos et Glauber Rocha. Mouvement surtout actif entre 1960 et 1965, le cinema novo, qui fut quasi contemporain de la Nouvelle Vague française et du Free Cinema britannique, est directement lié au contexte sociopolitique de l'époque. S'inscrivant dans la continuité du néoréalisme italien, les jeunes réalisateurs brésiliens qui émergèrent à ce moment-là s'efforcèrent de trouver un langage visuel et personnel apte à restituer la réalité des problèmes du Brésil, pays en proie à la violence, à la famine et à une grande injustice sociale.
Antonio das Mortes (Rocha, 1969), un film emblématique du cinema novo brésilien (image : www.toutlecine.com)
Parmi les meilleurs films de cette période figurent Sécheresse (1963) de Nelson Pereira dos Santos, Le dieu noir et le diable blond (1964), Terre en transe (1967) et Antonio das Mortes (1969) de Glauber Rocha, Les fusils (1968) de Ruy Guerra et Ganga Zamba (1964) de Carlos Diegues. A la fin des années 60, le cinema novo quitta le Nordeste inhospitalier et les favelas pour étudier le monde de la bourgeoisie citadine. C'est dans ce contexte qu'il faut replacer Toute nudité sera châtiée d'Arnaldo Jabor, critique acerbe de la bourgeoisie brésilienne et, notamment, de son hypocrisie sexuelle.
Ajoutons qu'Arnaldo Jabor s'est toujours voulu en marge du cinema novo brésilien... bien qu'on le voit, tout comme Nelson Pereira dos Santos et Glauber Rocha, dans le court-métrage documentaire intitulé Cinema Novo (1967) signé par Joaquim Pedro de Andrade (cinéaste dont l'intégralité de l'œuvre est récemment sortie en DVD en France). Notre réalisateur n'hésita pas, ainsi, à qualifier le mouvement, dont il épousait néanmoins les objectifs, de "branlette" et de "chapelle minable"... Charmant !
Darlene Gloria