Le Film du jour n°126 : Au karaté, t'as qu'à réattaquer
Titre anglais : Duel of Fists
Un film hongkongais de CHANG CHEH (1971) avec David Chiang, Ti Lung, Cheng Lee, Ku Feng...
Perle d'un distributeur français à l'humour particulièrement évolué, le titre Au karaté, t'as qu'à réattaquer est du même tonneau que J'irai verser du nuoc-mam sur vos tripes ou Karaté à mort pour une poignée de soja. Comme on peut s'y attendre - le Film du jour étant un long-métrage de Hong-Kong mis en boîte dans les studios de la Shaw Brothers -, il n'y a pas plus, ici, de karaté sur pellicule que de cheveux sur la tête d'un bonze. L'amateur de films d'arts martiaux se satisfera néanmoins de kung-fu et... de boxe thaïlandaise, même si Duel of Fists s'avère loin d'être le meilleur film réalisé par l'illustre Chang Cheh.
Ça rigole pas... (image : www.kungfumovies.net)
Au karaté, t'as qu'à réattaquer, l'histoire : Un ingénieur hongkongais, redoutable artiste martial, se rend au chevet de son père mourant. Celui-ci lui apprend qu'il a eu un autre fils avec une jeune Thaïlandaise une trentaine d'années plus tôt. "Promets-moi de le retrouver", chuchote-t-il dans son dernier souffle (autant dire que le visage des spectateurs se couvre de larmes à ce moment très précis...). Aussitôt dit, aussitôt fait... ou presque. Notre ami de Hong-Kong ne dispose en effet que de quelques menus indices : une photo d'enfant, la présence de tatouages sur le bras du frère inconnu, et l'appartenance dudit frangin au monde de la boxe thaïe professionnelle (le muay thai, pour être précis).
Le réalisateur Chang Cheh
Chang Cheh (1924-2002), le réalisateur d'Au karaté, t'as qu'à réattaquer (connu aussi sous le titre français Duel de poings, moins rigolo mais plus conforme au scénario !), est indissociable de l'histoire du studio Shaw Brothers et, plus généralement, du cinéma de Hong-Kong. L'homme est devenu une véritable référence en matière de film de genre et a inspiré de nombreux réalisateurs contemporains, John Woo en tête. Ce dernier fut d'ailleurs l'un de ses assistants sur Le justicier de Shanghai (1972) et Frères de sang (1973).
L'un des multiples films réalisés par Chang Cheh avec David Chiang et Ti Lung (image: www.wildside.fr)
Le style de Chang Cheh se résume en trois mots : masculin, barbare et violent... C'est lui qui fit passer au second rang la gent féminine, pourtant dominante dans le wu xia pan (film de sabre) mandarin (comme dans L'hirondelle d'or signé par King Hu en 1966 ou Les quatorze amazones de Gang Cheng en 1972), afin de laisser le champ libre à de beaux héros aux torses glabres et aux muscles finement ciselés.
Aux termes de combats d'une violence esthétisante et parfois masochiste, ces derniers finissent souvent souillés de sang et blessés à mort après avoir subi de multiples sévices. La violence y sert de support à un esthétisme macabre où le sang est peinture et où les corps suppliciés deviennent objets. Une sorte de sommet est atteint dans Les 13 fils du dragon d'or (1970) où le héros, interprété par David Chiang, finit écartelé, son corps disséminé aux quatre coins de l'écran... Certains critiques n'hésitent pas à évoquer une homosexualité latente dans les films de Chang Cheh.
David Chiang dans La rage du tigre, réalisé par Chang Cheh en 1971 (image : www.toutlecine.com)
Né en Chine continentale puis passé à Taïwan pour fuir le communisme, Chang Cheh émigre à la fin des années 50 dans la colonie britannique. Recruté par la Shaw Brothers d'abord comme scénariste, puis comme superviseur du doublage de films coréens distribués par le studio de Hong-Kong, il signe en 1966 Tiger Boy avec l'acteur Jimmy Wang Yu, film où il a l'occasion pour la première fois de déployer son style sans entraves.
Il enchaîne avec un projet de plus grande envergure, Le trio magnifique (1966), remake d'un classique du film de sabre japonais (Trois samouraïs hors-la-loi de Hideo Gosha). Ce long métrage marque le début d'une longue collaboration avec les directeurs de combats Tang Chia et, surtout, Liu Chia-Lang (qui réalisa lui-même de nombreux films et, notamment, La 36e chambre de Shaolin avec l'excellentissime Gordon Liu).
Un seul bras les tua tous (1967) popularisa le style de Chang Cheh