Le bogoss du jour n°1 : Sean Flynn (1941-1971)
« Il me ressemble, mais en mieux ». C’est en ces termes élogieux qu’Errol Flynn, héros des Aventures de Robin des bois (Curtiz, 1939), décrivait son fils aîné, Sean Flynn. Né en 1941 du mariage de l’acteur avec l’actrice française Lili Damita, le beau Sean n’affichait de fait aucun des défauts de son père. Pas bagarreur pour un sou, n’éclusant pas les verres de whisky à tour de bras, il n’était ni coureur de jupons invétéré ni amateur de nymphettes… Si la nature avait gâté le garçon (1,90 mètre au garrot), elle ne lui avait pas toutefois donné les talents de comédien de son paternel.
Après quelques films plus ou moins obscurs tournés en Europe, Sean Flynn s’engagea sur la voie du photojournalisme, une passion qui lui fut fatale. Correspondant de guerre durant le conflit du Vietnam, il disparut corps et biens en 1970 sur une route du Cambodge. Son sort n’a jamais vraiment été élucidé. Le corps de Sean Flynn n’ayant pu être retrouvé malgré tous les efforts entrepris par sa mère pour retrouver sa trace, c’est en 1984 que la mort du jeune homme a été officiellement entérinée et datée de 1971.
Sean Flynn est le fils de la Française Lili Damita et de l'Américain Errol Flynn, mariés de 1935 à 1942
De son vrai nom Liliane Carré, Lili Damita (1901-1994), la mère de Sean Flynn, est d’abord danseuse de revue (elle succède à Mistinguett au Casino de Paris) avant de se lancer dans la carrière cinématographique. Le cinéma n’étant pas encore parlant, elle promène son agréable silhouette en France, en Autriche, en Angleterre, en Allemagne avant de gagner Hollywood en 1928 et de tourner notamment pour les grands Raoul Walsh et Ernst Lubitsch.
Mariée en premières noces au réalisateur d’origine hongroise Michael Curtiz, Lili Damita épouse en 1935 Errol Flynn, de huit ans son cadet, et met alors un terme quasi définitif à sa carrière au cinéma pour s’occuper d’un mari on ne peut plus volage. A noter qu’au début des années 1930, l’actrice a vécu une histoire d’amour passionnée avec Louis-Ferdinand de Prusse, petit-fils du Kaiser Guillaume II et fils du Kronprinz. Une relation de courte durée puisque Louis-Ferdinand devint en 1933 l’héritier officiel de la couronne impériale et se vit contraint de dénicher une moitié conforme à son « statut » (en l’occurrence la grande-duchesse Kyra Kirillovna de Russie…).
Sean Flynn naît donc à Los Angeles le 31 mai 1941, mais ses parents divorcent moins d’un an plus tard. Après moult batailles juridiques, c’est finalement Lili Damita qui récupère la garde du rejeton. Sean passe son enfance entre la villa hollywoodienne de sa mère, le yacht de son père (pendant les vacances essentiellement) et une école privée de Floride. Les relations entre le père et le fils sont cordiales sans plus, d’autant qu’Errol Flynn n’hésite pas à chiper les petites copines du fiston, même si celles-ci ne sont guère âgées de plus de 14 ans. Sans commentaires…
En 1957, alors qu’il a tout juste 16 ans, Sean Flynn montre sa bonne bouille pour la première fois sur un écran. Il effectue une courte apparition auprès de son père dans une série TV bâtie autour de la personnalité d’Errol Flynn (Errol Flynn Theater).
C’est à l’université – où il ne fait guère d’études brillantes mais se fait remarquer par ses exploits sportifs (comme papa) – que Sean apprend la mort de son père, décédé brutalement en 1959 d’une crise cardiaque à seulement 50 ans. Quelques mois plus tard, l’un de ses amis d’enfance, l’acteur George Hamilton, le présente au producteur Joe Pasternak qui a bien connu Errol Flynn. L’homme lui offre alors un petit rôle dans une comédie surannée intitulée Ces folles filles d’Eve (Levin, 1960) et jouée par George Hamilton et Yvette Mimieux.
Le rôle est court certes, mais suffisant pour que l’acteur en herbe se fasse remarquer par le producteur de Capitaine Blood (Curtiz, 1935), le film qui avait fait accéder Errol Flynn au rang de star internationale au milieu des années 1930. Le vieux monsieur propose à Sean Flynn de marcher sur les traces de son père – comme de juste – et de revêtir les vêtements du Fils du Capitaine Blood (Demicheli, 1961), une vague coproduction italo-espagnole. Aussitôt dit, aussitôt fait ! Le jeune homme voit là un bon moyen d’acquérir une indépendance financière vis-à-vis de sa mère, d’abandonner des études qu’il juge fastidieuses et de prendre le large par rapport à un Hollywood qu’il exècre.
Sean Flynn sur les traces de papa dans Le Fils du capitaine Blood (1961)
Contre toute attente, Le Fils du capitaine Blood marche bien au box-office et se voit même attribuer de bonnes notes critiques. Sur ce coup d’essai prometteur, Sean Flynn enchaîne plusieurs coproductions européennes signées par des seconds couteaux de la réalisation plus ou moins affûtés : Le Signe de Zorro (Caiano, 1962), Voir Venise et... crever (Versini, 1962), Le Train de Berlin est arrêté (Hädrich, 1963), Le Temple de l’éléphant blanc (Lenzi, 1963). Conscient de ses talents limités d’acteur et désormais à la tête d’une petite fortune, Sean Flynn s’installe alors à Paris (le jeune Frédéric Mitterrand le croise à cette époque et évoque cette rencontre dans son livre Le Festival de Cannes). Mais le jeune homme rêve d’aventures : il part en Afrique et devient guide de chasse au Kenya.
De retour en Europe, Sean Flynn tourne encore trois films, le temps de regonfler son porte-monnaie. Il joue en vedette dans deux westerns pas vraiment inoubliables (Sept colts du tonnerre, Girolami, 1965 ; Pas de pitié pour Ringo, Romero-Marchent, 1965) et dans un petit film d’espionnage adapté d’un roman de Jean Bruce, père d’OSS 117 et roi de l’allitération (Cinq gars pour Singapour, Toublanc-Michel, 1966). Dans cette œuvrette, Sean Flynn croise l’actrice d’origine suédoise Marika Green qui n’est autre que la belle-sœur de Marlène Jobert et la tantine d’Eva Green (petite-amie de James Bond dans Casino Royale, Campbell, 2006).
Cinq gars pour Singapour est le dernier film tourné par Sean Flynn (photo ci-contre) qui ne s’est finalement jamais senti à l’aise dans le monde du cinéma et qui ne se juge guère de taille à lutter sur ce terrain avec l’image de son père.
Abandonnant définitivement la carrière d’acteur, il se lance dans le photojournalisme et décroche en 1966 un premier contrat avec Paris-Match pour couvrir la guerre du Vietnam. En 1967, il part au Moyen-Orient photographier le conflit israélo-palestinien.
Mais le Vietnam l’attire inexorablement. De retour en Extrême-Orient en 1968, il profite de son statut d’Américain et de fils d’Errol Flynn pour s’intégrer étroitement aux troupes de soldats. Sean Flynn, qui participe à certains combats, est le témoin de diverses atrocités et envisage de dénoncer les exactions perpétrées dans un documentaire. Signalons à cet égard que Francis Ford Coppola et John Milius s’inspirèrent de la personnalité de Sean Flynn pour le personnage du photographe interprété par Dennis Hopper dans Apocalypse Now (Coppola, 1979).
Philippe Lombard a consacré en 2011 un ouvrage à Sean Flynn
C’est donc le 6 avril 1970 sur une route du Cambodge que Sean Flynn et le cameraman de CBS Dana Stone, habitués à se déplacer en moto, sont vus pour la dernière fois.
Officiellement déclaré mort en 1971, le fils d’Errol Flynn aurait néanmoins pu être retenu prisonnier par le Viêt-Cong ou les Khmers rouges jusqu’en 1973 ou 1974, puis exécuté.
Sachez enfin qu’il existe un autre Sean Flynn acteur. Au générique de la série TV Zoé diffusée sur France 2 depuis 2005 dans l’émission pour les jeunes KD2A, Sean Flynn, venu au monde en 1989, est le fils de Rory Flynn, née du mariage d’Errol Flynn avec sa deuxième femme, Nora Eddington (1924-2001).