Le Film du jour n°77 : Sartana, si ton bras gauche te gêne, coupe-le !
Titre original : Arrivano Django e Sartana... e la fine
Un film italien de Demofilo FIDANI (alias Dick SPITFIRE) (1970) avec Jack Betts (alias Hunt Powers), Franco Borelli (alias Chet Davis), Gordon Mitchell, Simonetta Vitelli (alias Simone Blondell), Krista Nell, Ettore Manni...
Au même titre que Django, Ringo ou Sabata, Sartana figure au rang des héros mythologiques du western-spaghetti. Pistoléro vêtu intégralement de noir, le personnage apparaît pour la première fois en 1968 dans... ce n'est guère une surprise... Sartana, un film signé Frank Kramer (de son vrai nom Gianfranco Parolini). Sartana y est interprété par l'acteur d'origine yougoslave Gianni Garko qui reprendra le rôle plusieurs fois d'affilée. On retrouve ainsi notre ami des Balkans dans Le fossoyeur (Carnimeo, 1969), Bonnes funérailles, ami, Sartana paiera (Carnimeo, 1970) et Une traînée de poudre... les pistoléros arrivent (Carnimeo, 1970), trois films d'assez bonne tenue malgré leur titres français.
Au cinéma, Sartana, le seul, le vrai, c'est celui qui est joué par Gianni Garko !
Malheureusement, le réalisateur Demofilo Fidani s'intéresse, lui aussi, au personnage. Malheureusement, car ce monsieur, qui signe aussi sous les pseudonymes de Miles Deem, Dick Spitfire ou Sean O'Neil, est considéré par les spécialistes comme "le pire réalisateur de westerns".
"Entre 1968 et 1973, le cinéaste va réaliser une bonne douzaine de westerns ineptes, généralement tournés dans des prairies ou des terrains vagues non loin de Rome, parfois même dans des carrières, et, de temps à autre, on peut remarquer des traces de pneus de camions", écrit Laurent Aknin dans "Cinéma bis: 50 ans de cinéma de quartier". Seuls les titres sont ronflants...
S'attaquant donc à Sartana, Demofilo Fidani (1914-1994) signe ainsi El Sartana, l'ombre de ta mort (1968), Quatre pour Sartana (1969), Django et Sartana (1970), Sartana le redoutable (1970) et Sartana, si ton bras gauche te gêne, coupe-le ! On lui doit aussi Étranger, signe-toi (1967), Haut les mains, salaud (1970), Son nom est... Pote (1970), Planque-toi minable, Trinita arrive (1973), ainsi qu'un film de jungle totalement improbable baptisé Karzan le maître de la jungle (1971) avec... Johnny Kissmuller ! A défaut de talent, le bonhomme a quand même un peu d'humour !
Parfois qualifié d'Ed Wood italien, Demofilo Fidani s'essaya aussi aux "tarz-âneries" (image : www.ivid.it)
Sartana, si ton bras gauche te gêne, coupe-le ! l'histoire : Il n'y a rien à raconter car, aux dires des spectateurs qui ont vu le film, il ne se passe strictement rien à l'écran et, lorsqu'il se passe quelque chose, c'est absolument sans intérêt ! Apparemment, le film vaut le coup uniquement pour le méchant de service qui est interprété par un Gordon Mitchell cabotinant à outrance et qui joue au poker avec son reflet dans un miroir pendant toute la durée du film !
Gordon Mitchell, figure historique du culturisme
Né en 1923 aux États-Unis, ce fameux Gordon Mitchell, de son vrai nom Charles Allen Pendleton, est un vétéran de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Figure historique du culturisme, il entame sa carrière artistique à la fin des années 40 en participant à des exhibitions de bodybuildeurs en compagnie, notamment, de l'inénarrable et de l'inusable Mae West, qui resta jusqu'à la fin de sa longue vie très portée sur le muscle...
Gordon Mitchell s'imposa dans le péplum avec Maciste contre le cyclope (Leonviola, 1961) (image : www.cine-fiches.com)
Doté d'un physique imposant et d'un visage buriné particulièrement expressif, Gordon Mitchell devient figurant pour le cinéma au milieu des années 50 et apparaît en tant qu'acteur de complément baraqué dans Les dix commandements (De Mille, 1956), Le bal des maudits (Dmytryk, 1958), Rio Bravo (Hawks, 1959) et Spartacus (Kubrick, 1960).
En 1960, il répond à une petite annonce publiée par des producteurs italiens à la recherche d'un nouvel Hercule. Et voilà le bestiau lancé dans le péplum transalpin ! Gordon Mitchell s'impose avec Maciste contre le cyclope (Leonviola, 1961) et enchaîne les rôles. Il interprète Pluton dans Vulcain, fils de Jupiter (Salvi, 1961), Achille dans La colère d'Achille (Girolami, 1961) et le Gaulois Brennus dans Brenno le tyran (Gentilomo, 1963).
A la mort du péplum, il se reconvertit sans gros problème dans la science-fiction (Destination planète Hydra, Francisci, 1965), le fantastique et, surtout, le western-spaghetti. Dans ce dernier genre, il restera toutefois cantonné à la série Z : Pour un dollar, je tire (Civirani, 1968), Son nom est Pote (Fidani, 1970), Nevada Kid (Fidani, 1971), Allons tuer Sartana (Pinzauti, 1971), Planque-toi, minable, Trinita arrive (Fidani, 1973), etc.
Gordon Mitchell blond dans Sartana le redoutable (Fidani, 1970)
Parallèlement, Gordon Mitchell continue à trimbaler sa carrure et son visage taillé à la serpe dans des rôles secondaires chez John Huston (Reflets dans un œil d'or, 1967), Fellini (Satyricon, 1969), Boisset (Le saut de l'ange, 1971) ou, plus tard, Gérard Oury (Le coup du parapluie, 1980).
Dans le courant des années 70, on le voit dans tout et n'importe quoi : films comiques craignos (Deux trouillards pistonnés, B. Corbucci, 1971), films d'horreur ultra-Z (Les orgies de Frankenstein, Mancini, 1972 ; Le château de la terreur, Oliveros, 1973), films de guerre tournés aux Philippines et en Thaïlande, films de fesses grecs signés Ilias Milonakos (Opération Orient, 1978, avec Claudine Beccarie ; Les secrets érotiques d'Emmanuelle, 1979, avec Laura Gemser), polars et films érotiques signés par le français Jean-Marie Pallardy (Le Ricain, 1975 ; Une femme spéciale, 1979 ; Vivre pour survivre, 1984), sexy-comédies italiennes balourdes (La Zézette plaît aux marins, Tarantini, 1981), films post-apocalyptiques et surtout plagiats de Mad Max (Conqueror, Nesher & Massetti, 1983), etc.
Gordon Mitchell dans Le géant de Métropolis (Scarpelli, 1961) (image : www.smithsonianmag.com)
A la fin des années 80, Gordon Mitchell lève quand même le pied et se consacre à la peinture et à la gestion de la salle de musculation californienne dont il est l'heureux propriétaire. Jusqu'au milieu des années 90, il continue toutefois à tourner de temps en temps dans de petites productions, histoire de ne pas perdre la main et d'étoffer quelque peu une filmographie forte de plus de 120 films...
Gordon Mitchell est décédé en 2003 dans son sommeil à plus de 80 ans. Son enterrement fuit suivi par une cohorte de bodybuildeurs passés un jour ou l'autre devant la caméra. Parmi eux, Arnold Schwarzenegger (évidemment), Lou Ferrigno (L'incroyable Hulk à la télévision) et Mickey Hargitay (ex-mari de Jayne Mansfield et acteur notamment dans Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle)...