Le Film du jour n°232 : Emanuelle et les derniers cannibales
Titre original : Emanuelle e gli ultimi cannibali
Un film italien de Joe D’AMATO (1978) avec Laura Gemser, Gabriele Tinti, Nieves Navarro (alias Susan Scott), Donald O’Brien, Parcy Hogan, Monica Zanchi, Annamaria Clementi.
Jusqu’alors, vous pensiez qu’au cinéma, Emmanuelle, c’était obligatoirement la belle actrice néerlandaise Sylvia Kristel, tous seins dehors dans Emmanuelle (Jaeckin, 1974), Emmanuelle 2 (Giacobetti, 1975), Goodbye Emmanuelle (Leterrier, 1977), voire Emmanuelle 4 (Leroi, 1983) – même si, dans ce dernier volet, la délicieuse Sylvia laisse sa place après cure de rajeunissement à la splendide Mya Nigren ? Eh bien, vous aviez atrocement tort, et ce doublement, si vous appartenez à l’élite des lectrices et lecteurs assidus du Film du jour. Car l’auteur de ces lignes vous a dit et répété à plusieurs reprises qu’il existait aussi sur grand écran une Emanuelle, également peu avare de ses charmes mais avec un seul M s’il vous plaît (sans doute pour éviter les procès) !
Black Emanuelle, première aventure officielle de l’Emanuelle « noire »
Les aventures, souvent exotiques, de cette Emanuelle débutèrent officiellement en 1975 avec Black Emanuelle, connu aussi sous le titre de Black Emanuelle en Afrique (au cas où on n’aurait pas compris que cette Emanuelle-là n’était pas blanche). Dans le rôle-titre, le spectateur découvre une beauté métissée répondant au doux nom de Laura Gemser, qui va accéder immédiatement à une notoriété internationale (tout du moins auprès des amateurs d’érotisme). A ses côtés, se dénude une blonde qui n’est autre que Karin Schubert, vue quelques années plus tôt en reine d’Espagne dans La folie des grandeurs (Oury, 1971) !
Si, côté réalisation, ce premier volet est à mettre au compte d’un certain Adalberto Albertini (sous le pseudonyme d’Albert Thomas), un monsieur déjà auteur d’un « décamérotique » de derrière les fagots (Ton diable dans mon enfer, 1972), c’est un dénommé Joe d’Amato qui, dès la deuxième aventure d’Emanuelle, va prendre les choses en main.
Né en 1936 à Rome, Joe d’Amato, de son vrai nom Aristide Massaccesi, avait déjà mis en boîte quatre ou cinq films avant de mettre le grappin sur Laura Gemser. Cameraman puis directeur de la photographie, notamment pour le prince du nanar pourave et « pire réalisateur de westerns » Demofilo Fidani (voir Sartana, si ton bras gauche te gêne, coupe-le), l’ami Aristide était passé à la mise en scène en tournant quelques plans de Planque-toi, minable, Trinita arrive ! (Spitfire, 1972). Mais son premier film officiel est en fait un giallo au scénario incompréhensible avec Klaus Kinski, La morte ha sorriso all’assassino (1973), signé, une fois n’est pas coutume, sous son vrai patronyme.
Le premier film officiel d’Aristide Massaccesi, alias Joe d’Amato
Selon le site Nanarland, « Massaccesi affirme dès le début ce qui fera sa marque : une absence assez complète de style, compensée par une habileté technique à toute épreuve. Aristide est avant tout un artisan du cinéma comme d’autres sont des artisans boulangers : il sait tourner en un temps record et à coûts réduits des films avec un début, un milieu et une fin, destinés notamment au public populaire des salles de quartier mais présentables sur les marchés internationaux ».
Très vite, Joe d’Amato (le réalisateur utilisera toutefois un nombre incalculable de pseudos durant toute sa carrière) s’oriente vers l’érotisme et enquille les tournages sans sourciller, ses films s’apparentant plus à des suites de séquences montées à la va-comme-je-te-pousse. Sa collaboration avec Laura Gemser débute avec Black Emanuelle 2 a.k.a La possédée du vice a.k.a Black Emanuelle en Orient (1976) et se poursuit avec Voluptueuse Laura (1976), Black Emanuelle autour du monde (1977), Emanuelle en Amérique (1977), Emanuelle et les derniers cannibales a.k.a Viol sous les tropiques, Emanuelle et les filles de Madame Claude (1978), etc. D’Amato réalise à la même époque des « mondo-movies », faux documentaires sensationnalistes (voir Ce monde si merveilleux et si dégueulasse), dont l’un avec Amanda Lear !
Ambiance délicieusement morbide avec fiancée empaillée dans Blue Holocaust (1979) de Joe d’Amato
Vers la fin des années 70, le réalisateur change son fusil d’épaule et se lance avec appétit dans le gore, le sanguinolent étant déjà présent dans Emanuelle et les derniers cannibales, long métrage qui tente de surfer sur la vague du film de cannibales initiée par Le dernier monde cannibale (Deodato, 1977) (lire aussi Les mémés cannibales). Avec Blue Holocaust (1979), Joe d’Amato atteint alors un sommet : c’est l’histoire d’un jeune homme qui naturalise le cadavre de sa fiancée et commet des meurtres atroces pour préserver son secret (finira-t-il sur la paille ?).
Consacré maître de l’horreur et surnommé "d’Amato Ketchup" (ah ! ah ! ah !), le réalisateur propose alors le fameux Anthopophagous (1980), ouvrage de bon goût où le spectateur médusé suit les traces d’un fou cannibale qui n’hésite pas à manger le fœtus d’une femme enceinte avant de se dévorer lui-même. Bon appétit !
Anthropophagous (1980) : l’homme qui se mange lui-même ou le chemin le plus rapide entre la production de viande et sa consommation !
Particulièrement opportuniste, Joe d’Amato surfe aussi sur les grands succès de l’époque. Dans la foulée du Caligula de Tinto Brass (1979), il livre un Caligula, la véritable histoire (1982). Sur les traces de Conan, le barbare (Milius, 1982), il signe Ator l’invincible (1982) avec le culturiste Miles O’Keefe. En plein mode du post-apocalyptique lancée par Mad Max (G. Miller, 1979), il filme 2020 Texas Gladiators (1982) et Le gladiateur du futur (1984). Lorsque le cinéma de genre italien meurt de sa belle mort au milieu des années 80 (la faute aux berlusconneries télévisuelles qui rivent les Italiens devant leur TV), le réalisateur revient à ses premières amours : le film de fesses, puis le film de sexes garanti XXX – dont plusieurs Rocco Siffredi ! A trop tirer sur la (grosse) corde, Joe d’Amato, toujours aussi actif, meurt malheureusement d’une crise cardiaque en 1999.
Quand Jane tient le bon bout : TarzanX (1994) de Joe d’Amato avec Rocco Siffredi
Emanuelle et les derniers cannibales, l’histoire : Travaillant dans un hôpital psychiatrique, Emanuelle découvre, lors d’un frottis-frotta sensuel, un étrange signe tribal tatoué sur le ventre d’une jeune fille. Cette dernière pourrait bien avoir été en contact avec une tribu de mangeurs d’hommes, pourtant supposés disparus de la région. Intriguée (on le serait à moins...), Emanuelle renfile sa blouse d’infirmière et décide de se rendre dans la forêt amazonienne pour y percer le mystère. Accompagnée de divers comparses (dont un beau photographe joué par Gabriele Tinti, l’époux dans la vraie vie de Laura Gemser), elle va découvrir que les cannibales sévissent toujours, avides de chair fraîche et de boyaux bien fumants...
Laura Gemser, l’Emanuelle "noire"
Laura Gemser, alias Emanuelle, est née en 1950 sur l’île de Java en Indonésie. Élevée aux Pays-Bas, où elle débarque avec ses parents en 1955, elle pose comme mannequin pour divers magazines belges et néerlandais et se lance dans le cinéma érotique en 1974 sous le pseudonyme (déjà) d’Emanuelle. Elle apparaît pour la première fois sur grand écran dans Amour libre (Pavoni, 1974) et se voit décerner un tout petit rôle, celui d’une masseuse, dans Emmanuelle 2 (1975) du photographe Francis Giacobetti.
Amour libre (1974), le premier film de Laura Gemser, créditée sur l’affiche sous le pseudonyme d’Emanuelle !
Cette même année 1975, Laura Gemser impose son personnage de Black Emanuelle, journaliste qui enquête aux quatre coins de monde sans jamais refuser une partie de jambes en l’air avec un monsieur ou une dame, voire les deux en même temps. Parallèlement, l’actrice joue dans des films érotiques qui n’appartiennent pas forcément à la série des Black Emanuelle (mais que les distributeurs vendent comme si) à l’instar de Vicieuse et manuelle (trop drôle...) (Rondi, 1976), Voluptueuse Laura (d’Amato, 1976), Emanuelle et les collégiennes (Vari, 1977), Secrets érotiques d’Emanuelle (Mylonakos, 1978), etc.
Voluptueuse Laura (1976), avec Laura Gemser, tente de surfer sur le succès d’Emmanuelle avec Sylvia Kristel : y a le même fauteuil en rotin !