Le Film du jour n°139 : Ce monde si merveilleux et si dégueulasse

Publié le par lefilmdujour

Titre original : Questo sporco mondo meraviglioso

Un film documentaire italien de Mino LOY et Luigi SCATTINI (1970)

Le Film du jour, au titre explicite, appartient au genre légèrement crapoteux du "mondo movie". Très prisé dans les années 60, le mondo est un documentaire (présenté comme tel, en tout cas) qui enchaîne des scènes filmées un peu partout dans le monde, avec une préférence marquée pour l'exotisme (peuples "primitifs", civilisations non occidentales, traditions et mœurs étranges aux yeux du pékin moyen, etc.). Prétendument prises sur le vif, les images recherchent pratiquement toujours le sensationnalisme et virent parfois au malsain, voire au morbide.

Gualtiero Jacopetti devant l'affiche de Mondo Cane (1961), l'archétype du mondo (image : www.guim.co.uk)

Ce sont les Italiens qui exploitèrent le mieux le filon. L'archétype du genre est le fameux Mondo Cane ("un monde de chiens" en français), signé en 1961 par Gualtiero Jacopetti (décédé en août 2011), Paolo Cavara et Franco Prosperi. Présenté au festival de Cannes en 1962, le long métrage choqua une bonne partie du public, certains criant au génie, d'autres au scandale... "Oserez-vous accepter la vérité de notre monde ?" questionnait jésuitiquement l'affiche du film...

On y voit pêle-mêle des pauvres cochons massacrés à coups de gourdins par une peuplade de Nouvelle-Guinée lors de sacrifices rituels, des sorties de bars passablement arrosées sur le port de Hambourg, du gavage d'oies dans la capitale du foie gras, Strasbourg (sic !), un mouroir de Kuala-Lumpur, un chef indigène de 40 kilos à l'âge canonique entourée d'une myriade de jeunes épouses pesant au bas mot 130 kilos chacune, le peintre Yves Klein badigeonnant des mannequins nus de son fameux bleu, des dégustations d'insectes frits dans des restos de luxe, etc. Le reste est à l'avenant.

Le peintre Yves Klein badigeonne son bleu sur de pauvres créatures dénudées dans Mondo Cane (Jacopetti, Cavara & Prosperi, 1961)

Pendant une dizaine d'années, le succès de Mondo Cane entraîna un déferlement de mondos de plus en plus scabreux sur les écrans. A tous seigneurs, tout honneur : Gualtiero Jacopetti, Paolo Cavara et Franco Prosperi signèrent en 1962 La femme à travers le monde (avec cabaret parisien pour lesbiennes, quartier des prostituées de Hambourg, armée féminine en Israël, etc.). Film qui fut suivi par un Mondo Cane 2, connu également sous le nom de L'incroyable vérité (Jacopetti & Prosperi, 1963).

Puis vinrent, entre autres, Ce monde interdit (Gabella, 1963) et Le monde sans voile (Vicario & Margheriti, alias Dawson, 1964). Les années défilant, les films dérivèrent vers toujours plus de sexe, de sadisme et d'horreur (avec évidemment des scènes bidonnées pour faire "vrai") : Le sexe et l'amour (Mondo Freudo en VO) (Frost & Leigh, 1966), Hollywood USA (Mondo Hollywood) (Cohen, 1967), Ce monde si merveilleux et si dégueulasse, Mondo erotico (Ratti, 1973) et Les derniers cris de la savane (Climati, 1973), avec un touriste dévoré par des lions particulièrement gourmets sous les regards épouvantés de sa petite famille.

Pour plus d'informations sur les "mondo movies", je vous conseille un excellent bouquin intitulé "Reflets dans un œil mort" (S. Gayraud et M. Lachaud) aux éditions Bazaar & Co.

Ce monde si merveilleux et si dégueulasse, l'histoire : vous l'aurez donc compris, Ce monde si merveilleux et si dégueulasse enchaîne les scénettes cracra, sordides et choquantes (pour l'époque !) : fécondation artificielle dans une clinique suédoise, conséquences de la pollution sur les habitants d'un village de pêcheurs japonais, expérimentations des effets de la drogue sur des animaux, bal homo à Londres, opération à crâne ouvert, combat de chiens, etc. Bref, que de la poésie comme on l'aime !

Sexy Girls (1962), un film de cabaret ou d'attractions "nocturnes" signé Mino Loy

Mino Loy, coréalisateur de Ce monde si merveilleux et si dégueulasse et accessoirement frère du réalisateur Nanni Loy (La bataille de Naples), avait commencé sa carrière de cinéaste avec des films dits de "cabaret", prétexte à glisser quelques effeuillages de charmantes jeunes femmes entre des numéros de music-hall. On lui doit ainsi Nuits capiteuses (1961), Sexy girls (1962), Nuits scandaleuses (1963), Furia du Désir (1963) et Vénus interdites (1964), titres qui témoignent, si ce n'est d'un talent, tout du moins d'une certaine constance dans l'inspiration...

Sous divers pseudos (Martin Donan ou J.Lee Donan), Mino Loy a par ailleurs tourné, seul ou en duo, des films d'espionnage, des films de guerre et des films policiers qui n'ont malheureusement pas marqué l'histoire du cinéma : Les espions meurent à Beyrouth (1964), La mort paie en dollars (1966), Sept hommes pour Tobrouk (1969, où l'on retrouve un certain Robert Hossein). A l'actif de Mino Loy également un improbable Flashman contre les hommes invisibles (1967).

Sous le pseudonyme de J. Lee Donan se cache le réalisateur et producteur Mino Loy

Devenu producteur, le bonhomme a notamment soutenu financièrement Umberto Lenzi (voir Pardon... vous êtes normal ?) pour des films comme Si douces, si perverses (1969), Brigade spéciale (1976), La secte des cannibales (1980) et Cannibal Ferox (1981). Lamberto Bava, le fils de Mario Bava (voir L'espion qui venait du surgelé), a, lui aussi, bénéficié de la manne financière de Mino Loy, en particulier pour La maison de la terreur (1983) et Apocalypse dans l'océan rouge (1984). Que des films pour midinettes !

Mondo Cane 1 et 2, films qui restent les prototypes du mondo movie :

Publié dans Titres étranges

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article