Le Film du jour n°225 : Une drôle de bourrique
Un film français de Jean CANOLLE (1971) avec Jean Lefebvre, Eliane Maazel, Jacques Astoux, Régine Ginestet, Maurice Chevit, Tino Rossi.
Connu également sous le titre de L'âne de Zigliara, Une drôle de bourrique est le seul film que signa pour le cinéma Jean Canolle, réalisateur et scénariste français passé de vie à trépas le 15 septembre 2009 à l'âge de 90 ans. L'homme aura marqué les esprits (si si... enfin... les esprits des meilleurs d'entre nous... et Dieu sait qu'ils ne sont pas nombreux...) en tant que scénariste du feuilleton télévisé Le temps des copains, adapté de son roman du même nom et diffusé dès octobre 1961 sur la seule chaîne TV existante (heureuse époque où, quand il y avait grève de l'ORTF, tout le monde devait se farcir L'année dernière à Marienbad...).
Ce feuilleton suivait les aventures de trois jeunes étudiants de province partis à la conquête de la capitale. C'est également à Jean Canolle que l'on doit les dialogues de la série TV Maurin des Maures diffusée en 1970. Le générique (admirable...) est à visionner ci-dessous.
Signalons enfin que Jean Canolle a écrit le scénario et les dialogues du Roi du village (Gruel, 1963) avec Henri Tisot, la plantureuse Catherine Rouvel et le groupe de rock "Les chats sauvages" mené par Dick Rivers (c'est d'ailleurs la seule apparition au cinéma de ce groupe mythique. Si ça, c'est pas un scoop !).
Sur un scénario de Jean Canolle
L'histoire : Maddalena, une jeune veuve de Zigliara, petite commune de Corse, voit reparaître son âne perdu depuis des mois. Le jour même, au village voisin de Sainte-Marie, disparaît l'âne de Colombani. Coïncidence regrettable ! Pour une histoire de bourricot, la guerre est bientôt déclarée entre les deux villages. La situation est surtout fâcheuse pour le fils de Colombani et la sœur de la veuve qui en pincent l'un pour l'autre. Un procès est intenté pour déterminer quel est le véritable propriétaire du grison, mais peine perdue... On sollicite même l'évêque d'Ajaccio et Tino Rossi, le Corse le plus célèbre après l'autre (c'est pour dire que l'affaire est d'importance...). Tout, évidemment, finira bien pour les deux tourtereaux.
"C'est une bien brillante réussite", a dit du film Marcel Pagnol (si c'est écrit sur l'affiche... c'est donc que c'est vrai !). Si vous faites confiance à l'auteur méridional, vous vous empresserez de vous dégoter une copie du film...
Une drôle de bourrique marque la dernière apparition au cinéma de Tino Rossi qui fut, ne vous en déplaise, une véritable idole en son temps. Car Tino Rossi - Constantin Rossi de son vrai nom - fut d'abord un mythe... avant de devenir le vieux monsieur bedonnant et aussi frétillant qu'une momie que la télévision ressortait chaque fin d'année pour nous susurrer en play-back "Petit Papa Noël". Tout du moins jusqu'en 1983, année du décès du chanteur corse né en 1907.
A noter que Tino Rossi chanta pour la première fois la célèbre rengaine en 1946 dans le film Destins de Richard Pottier. Et comme le Film du jour adore faire plaisir à ses lecteurs, vous pouvez vous en reprendre une rasade ci-dessous (émotion garantie, préparez vos mouchoirs...).
Évidemment, quand on revoit aujourd'hui les prestations à l'écran de Tino Rossi, on est quelque peu stupéfait : le ton est faux, la gestuelle empruntée, le naturel absent. D'aucuns n'hésitèrent pas à parler de "l'embonpoint des ténorinos qui craignent les rhumes" et de "mains dont son propriétaire ne sait que faire une fois qu'il les a suffisamment pressées sur son cœur" (L'écran français). Quoi qu'il en soit, ce que l'on lui demandait surtout, au Tino, c'était de chanter et c'était ce qu'il faisait de mieux à l'écran !
Tino Rossi, qui enregistre ses premiers 78 tours en 1932 (ça nous rajeunit pas), débute sa carrière cinématographique en 1934, année où il remporte ses premiers succès sur scène. Comme les physiques à la Rudolph Valentino (visage inexpressif, gueule de croupier, cheveux gominés) sont à la mode et que les chanteurs de charme plaisent à ces dames (même si les textes à la guimauve sont nullissimes), c'est un véritable triomphe que reçoit Tino Rossi au cinéma, surtout à partir de Marinella (Caron, 1936). Dans ce film, le chanteur y joue un... chanteur et, comme de bien entendu, il chante... "Marinella". Le public est ravi, surtout qu'il y quarante guitaristes corses en sus ! Ne manquez ce grand moment sous aucun prétexte en visionnant l'extrait ci-dessous.
Tino Rossi enchaîne avec Au son des guitares (Ducis, 1936) et surtout Naples au baiser de feu (Genina, 1937), sans contexte le meilleur film du lot avec Michel Simon, Dalio, Viviane Romance et la délicieuse Mireille Balin, alors la maîtresse en titre de notre ténor (voir On a trouvé une femme nue). La Seconde Guerre mondiale et l'Occupation n'affectent en rien la carrière de Tino Rossi. En 1941, il apparaît dans Fièvres de Jean Delannoy, où il joue dans le plus pur style saint-sulpicien un religieux à la voix rédemptrice, et rencontre cette même année Lilia Vetti, une jeune danseuse qui deviendra sa femme en 1947 et qui lui donnera un fils, Laurent Rossi (lui aussi, chanteur à ses heures...).
Tino Rossi enquille alors les films comme un métronome (puisque ça marche) : Le soleil a toujours raison (Billon, 1941) avec Charles Vanel et Micheline Presle, Le chant de l'exilé (Hugon, 1942) avec Ginette Leclerc et... Lilia Vetti (ben tiens, faut pas se priver...), Mon amour est près de toi (Pottier, 1943), L'île d'amour (Cam, 1943) avec, je vous le donne en mille, Lilia Vetti (faut pas t'en faire Tino...), Sérénade aux nuages (Cayatte, 1945), Le gardian (de Marguenat, 1945) avec.. la même (quelle santé, ce Tino !), Le chanteur inconnu (Cayatte, 1946) avec... encore la même (sacré Tino, jamais crevé !!!), etc.
Tino Rossi, Raymond Bussières et Lilia Vetti dans Le chanteur inconnu