Le Film du jour n°195 : Deux nigauds contre Dr Jekyll et Mr Hyde
Titre original : Abott and Costello Meet Doctor Jekyll and Mister Hyde
Un film américain de Charles LAMONT (1953) avec Bud Abott, Lou Costello, Boris Karloff, Helen Westcott, Craig Stevens, Reginald Denny...
Nouvelle écrite par Robert Stevenson en 1886, L'étrange cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde fut portée à l'écran dès 1908 et connut une première adaptation majeure en 1920 avec dans le rôle-titre l'immense acteur John Barrymore, grand-père de l'actrice Drew Barrymore. Lorsque le cinéma devint parlant, le célèbre récit fut adapté par deux fois par Hollywood, une première fois avec Fredric March (Docteur Jekyll et Mister Hyde, Rouben Mamoulian, 1931), puis dix ans plus tard avec Spencer Tracy (Docteur Jekyll et Mister Hyde, Victor Fleming, 1941). Le faciès de Fredric March en Hyde dans la version 1931 choqua particulièrement les spectateurs de l'époque (Myriam Hopkins, elle, sut apprécier comme il se doit la dentition et la main velue du monsieur, voir ci-dessous...).
Fredric March et Myriam Hopkins dans Docteur Jekyll et Mister Hyde (Mamoulian, 1931)
Mais Docteur Jekyll et Mister Hyde n'en avaient pas terminé avec le grand écran. Le studio britannique Hammer, qui remit au goût du jour les "monstres" comme Dracula ou Frankenstein dans les années 50 et 60, s'intéressa aussi au cas avec Les deux visages du Docteur Jekyll (Terence Fisher, 1960) tout en inversant les figures des deux personnages. Le premier est ici un monsieur plutôt mûr, au physique austère et pas très sexy, tandis que le second est un blondinet plutôt beau gosse (ce qui ne l'empêche pas de se comporter de façon ignoble). Ce principe sera repris quelques années plus tard par Jerry Lewis dans son Docteur Jerry et Mister Love (1963), où un docteur introverti et moche se transforme sous l'influence d'un élixir fumant en crooner imbu de lui-même, gros amateur de jolies filles.
Jerry Lewis dans Docteur Jerry et Mister Love (1963) (image : www.toutlecine.com)
Les spectateurs avides de perversions eurent même droit dans les années 70 à un Docteur Jekyll et Sister Hyde (Roy Ward Becker, 1971). Dans ce film, le "bon" Docteur Jekyll se transforme en une vénéneuse et pulpeuse Mrs. Hyde, particulièrement ravie de commettre des exactions éhontées. Nous ne sommes pas loin ici d'un hymne à la transsexualité, d'autant que la ressemblance entre l'homme et la femme qui jouent Docteur Jekyll et Sister Hyde est particulièrement troublante ! L'actrice britannique Martine Beswick trouve d'ailleurs là son meilleur rôle.
Le cinéma érotique évidemment n'est pas passé à côté d'une telle aubaine... et l'amateur de jolies créatures pourra se rassasier les pupilles en visionnant aussi La vie intime du Docteur Jekyll (L-Ray Monde & Byron Mabe, 1972), connu par ailleurs sous le titre nettement plus explicite des Aberrations sexuelles d'un monstre. Le Film du jour lui conseillera également de jeter un œil sur Docteur Jekyll et les femmes (1981) de Walerian Borowczyk avec Udo Kier et Marina Pierro, la muse du réalisateur déjà à l’œuvre dans Intérieur d'un couvent (1977) et Les héroïnes du mal (1978).
Walerian Borowczyk, réalisateur de Contes immoraux et d'Intérieur d'un couvent, s'est aussi intéressé au cas du Dr. Jekyll
Le cinéaste espagnol Jesus Franco s'est lui aussi penché sur la question dans Les maîtresses du Docteur Jekyll (1964), dont le titre original n'a pourtant strictement rien à voir à l'affaire (El secreto del Doctor Orloff, mais faut pas chercher à comprendre...), tandis qu'Anthony Perkins a endossé le costume du docteur mutant dans Docteur Jekyll et Mister Hyde (Gérard Kikoïne, 1988). Jean Renoir, pour sa part, transposa le mythe dans la France des années 60 dans Le testament du docteur Cordelier (1967) et Stephen Frears raconta l'histoire à travers les yeux de la servante du docteur Jekyll dans Mary Reilly (1996), avec John Malkovich et Julia Roberts. Enfin, le personnage du docteur Jekyll est apparu dans La ligue des gentlemen extraordinaires (Norrington, 2003) et dans Van Helsing (Sommers, 2006).
Deux nigauds contre le Docteur Jekyll et Mister Hyde, l'histoire : le film est évidemment une parodie, on l'aura compris au titre ! Les deux nigauds en question sont joués par le duo comique Abbott et Costello qui sévit au cinéma de la fin des années 30 au milieu des années 50. Ici, les deux zigotos (le grand efflanqué et le petit rondouillard) sont des policiers lancés à la poursuite d'un assassin mystérieux en plein Londres. Tous ceux qui savent lire auront compris qu'il s'agit du fameux docteur Jekyll ! Les duettistes font leur numéro classique à base (parfois) de burlesque échevelé et Boris Karloff (la créature de Frankenstein dans les années 30) endosse le costume de Jekyll, un costume qui manquait encore à sa panoplie de "monstres". Pour voir sa transformation en Mr Hyde, dont la laideur arrive à stupéfier un domestique passablement hideux lui-même (!), visionnez l'extrait plus bas.
Abbott et Costello
Bud Abbott (1895-1974) et Lou Costello (1906-1959) sont souvent présentés comme les héritiers directs de Laurel et Hardy, de par leur morphologie et leurs gags souvent basés sur le contraste de leurs tempéraments. Après avoir rôdé leurs numéros à Broadway et à la radio, ils entament leur carrière cinématographique en 1940 pour les studios Universal. En 1941, ils connaissent un très gros succès avec Deux nigauds soldats (Lubin, 1941).
Les films vont alors s'enchaîner pendant une dizaine d'années sans que le public ne fasse d'infidélités au duo. Dans une série interminable de bandes plus ou moins drôles (plutôt moins), Abbott et Costello exercent tous les métiers et parcourent le monde inlassablement : Deux nigauds marins (Lubin, 1941), Deux nigauds aviateurs (Lubin, 1941), Deux nigauds détectives (Kenton, 1942), Deux nigauds dans le foin (Kenton, 1953), Deux nigauds dans la glace (Lamont, 1943), Deux nigauds au collège (Yarbrough, 1945), Deux nigauds toréadors (Barton, 1948), Abbott et Costello en Afrique (Barton, 1949), j'en passe et des meilleurs...
Abbott et Costello en charmante compagnie dans Deux nigauds chez Vénus (Lamont, 1953)