L’œil de Crazy Bug : Pauvres créatures

Publié le par lefilmdujour

Un film de Yorgos Lanthimos (2021), sorti en salles le 17 janvier 2024

Le réalisateur Yorgos Lanthimos construit certains de ses films à partir d'une idée forte, souvent très originale, qu'il développe comme s'il s'agissait d'une hypothèse mathématique qu'il faut démontrer d'une manière formelle. Ainsi, dans The Lobster, la spectateur est plongé dans un monde où toute personne célibataire est obligatoirement internée et dispose de 45 jours pour y trouver l'âme sœur. Passé ce délai, elle est transformée en un animal spécifié au préalable. (Le personnage incarné par Colin Farrell a choisi le... homard.)

Dans Mise à mort du cerf sacré, un jeune garçon, dont le père est décédé lors d'une opération, fait abattre sur la famille du chirurgien une sorte de malédiction morbide dont ce dernier ne pourra se défaire qu'au terme d'un sacrifice expiatoire.

Avec Pauvres créatures, le postulat est encore poussé un peu plus à l'extrême. Vers la fin du XIXe siècle, un chirurgien londonien au visage étrangement couturé (Willem Dafoe) récupère le cadavre d'une jeune femme enceinte fraîchement noyée et décide de remplacer le cerveau de la morte par celui du bébé... S'ensuit alors une (très, très) longue exposition où la "ressuscitée" passe par toutes les phases du développement intellectuel pour accéder, au travers de pérégrinations dans diverses contrées (Portugal, Égypte, Paris), au stade de jeune femme émancipée, féministe, socialiste et misandre dans le sillage de #MeToo, les hommes étant ici au pire des exploiteurs et des goujats, au mieux des naïfs, mais en tout cas des dignes représentants d'un patriarcat rance.

Le tout malheureusement est tellement démonstratif qu'il est vraiment difficile d'adhérer au film dont les tentatives comiques sont globalement vouées à l'échec. Reste que l'esthétique très kitsch (recréée en 3D) est assez remarquable, comme l'est le jeu d'Emma Stone à laquelle le réalisateur a confié un rôle impossible, aux outrances quasi permanentes. Un bonheur toutefois dans cet océan théorisant et auteurisant, celui de revoir Hanna Schygulla en vieille dame qui initie la jeune femme au plaisir de la lecture et de la philosophie. 

Crazy Bug

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