Le Film du jour n°33 : Les anges mangent aussi des fayots
Titre original : Anche gli angeli mangiano fagioli
Un film italo-franco-espagnol d'E.B. CLUCHER (1972) avec Giuliano Gemma, Bud Spencer, Robert Middleton, Bill Vanders...
Les anges sont des créatures qui hantent régulièrement les écrans des salles obscures. Tout le monde (ou presque) se souvient de Bruno Ganz contemplant tristement les humains du haut du ciel berlinois et tombant amoureux d'une jeune trapéziste dans Les ailes du désir (Wenders, 1987). On n'a pas oublié non plus Audrey Hepburn dans son dernier rôle, celui d'un ange accueillant Richard Dreyfuss après que son avion s'est écrasé dans Always (Spielberg, 1989).
Jessica Lange a également incarné une créature céleste, bien qu'annonciatrice de mort, dans All That Jazz (1980), le film de Bob Fosse palmé à Cannes. Sans oublier Cary Grant qui, en ange descendu sur terre pour sauver le couple d'un pasteur protestant, fait craquer l'épouse à son corps défendant dans Honni soit qui mal y pense (Koster, 1947). Mangeaient-ils aussi des fayots ? Difficile à dire... mais un ange émettant des flatulences, avouez que c'est pas très poétique... Ça tombe bien, parce que la poésie, c'est pas le fort de E.B. Clucher, pseudonyme du réalisateur italien Enzo Barboni, né en 1922 et décédé en 2002. Son credo à lui, c'est plutôt rots, pets, baffes, parodie facile, rire gras et humour d'une finesse toute relative !
Le duo infernal Bud Spencer et Terence Hill sont réunis dès le deuxième film signé par E.B. Clucher (image : www.toutlecine.com)
Malgré un bon premier film (Ciakmull/Le bâtard de Dodge City, 1969), E.B. Clucher, qui fut un brillant directeur de la photographie, s'oriente dès son second long métrage vers le western comique avec On l'appelle Trinita (1970), où cabotine le duo célèbre formé par Bud Spencer et Terence Hill. Le film est un tel triomphe qu'il sonne le glas du western-spaghetti "sérieux" (tendance Sergio Leone) et qu'il entraîne une inévitable suite, intitulée On continue à l'appeler Trinita (1971) et couronnée également de succès.
E.B. Clucher mettra également en scène un couple de rigolos dans les parodies lourdingues de films de gangsters que sont Les anges mangent aussi des fayots (avec Bud Spencer et Giuliano Gemma à la place de Terence Hill) et Même les anges tirent à droite (1974) (avec Giuliano Gemma et, cette fois-ci, le champion suédois du lancer du disque Ricky Bruch, surnommé l'Ours de Malmö...). Il retrouvera le couple Bud Spencer-Terence Hill en 1976 avec Deux super-flics, auquel succéderont Quand faut y aller, faut y aller (1983) et Attention les dégâts (1984). Attention les dégâts, tu l'as dit bouffi !
Les anges mangent aussi des fayots, l'histoire : New York. 1929. La grande dépression s'abat sur l'Amérique et les gangs mafieux en profitent pour faire régner leur loi sur la ville. Sans un sou et la faim au ventre, Sonny et Charlie, un catcheur au chômage (on aura deviné que c'est notre ami Bud Spencer, le roi de la mandale dans la tronche), se mettent au service du gangster Angelo. Leur travail : racketter les commerçants et les passer à tabac en cas de besoin (ça tombe bien, c'est leur spécialité, les torgnoles et les coups de latte !). Mais Sonny et Charlie ont aussi un cœur (ah bon !). A ceux qu'ils doivent rançonner et qui sont dans le besoin, ils n'hésitent pas à distribuer l'argent de la pègre (qu'ils sont mignons !). Chemin faisant, ils déclenchent une guerre des gangs (ah, ça va fritter méchamment, alors ?).
Bud Spencer, champion de natation dans les années 50 (image : www.comune.torino.it)
Né en 1929 et décédé en 2016, le Napolitain Bud Spencer (de son vrai nom Carlo Pedersoli) fut, dans sa jeunesse et avant l'apparition de ses abdos Kronenbourg, un vrai champion de natation. Il participa pour l'Italie aux Jeux olympiques d'Helsinki en 1952 et à ceux de Melbourne quatre ans plus tard. Après six petits rôles joués sous son véritable nom dans les années 50, Bud Spencer éclate pour la première fois au cinéma en 1967 dans Dieu pardonne, moi pas ! (tout un programme !) et dans Les quatre de l'Ave Maria, deux films de Giuseppe Colizzi, déjà aux côtés de Terence Hill (pseudonyme derrière lequel se cache Mario Girotti).
Les deux compères joueront également ensemble dans les films de E.B. Clucher cités plus haut, ainsi que dans des bandes à l'humour de plus en plus épais comme Maintenant, on l'appelle Plata (Colizzi, 1972), Attention on va s'fâcher (Fondato, 1974), Cul et chemise (Zingarelli, 1976), Salut l'ami, adieu le trésor (Sergio Corbucci, 1981) ou Les super-flics de Miami (Bruno Corbucci, le frère du précédent, 1985). Terence Hill signera lui-même Petit papa baston (1994), dernier film où apparaissent ensemble les deux joyeux lurons.
Bud Spencer acteur... avec quelques kilos en plus dans Petit Papa baston (T. Hill, 1994) (image : www.toutlecine.com)
Bud Spencer a également distribué les baffes et les coups de boule en solo dans L'inspecteur Bulldozer (Steno, 1977), Mon nom est Bulldozer (au cas où on n'aurait pas compris...) (Lupo, 1978), On m'appelle Malabar (j'ai l'impression de tourner en rond...) (Lupo, 1980) et Capitaine Malabar (ça y est, je crois qu'on a bien saisi le personnage maintenant...) (Lupo, 1983). Mais, au fait, pourquoi ce nom de Bud Spencer ? C'est très simple. Spencer Tracy était l'acteur préféré de notre ami et Bud... sa marque de bière favorite (Budweiser) ! Voilà, vous savez tout.
En 2003, on a revu Bud Spencer, qui a beaucoup joué à la télévision italienne tout au long des années 1990, en vieux capitaine dans En chantant derrière les paravents du réalisateur Ermanno Olmi.