Bertrand Tavernier (1941-2021)

Publié le par lefilmdujour

Suite au décès de Bertrand Tavernier le 25 mars 2021 à l’âge de 79 ans, le réalisateur américain Martin Scorsese, qui a rencontré son homologue français au début des années 1970 et qui a tourné sous sa direction dans Autour de minuit (1986), a écrit : « J’ai très vite compris que Bertrand connaissait de fond en comble l’histoire du cinéma. Plus encore, il était un passionné du cinéma : passionné par ce qu’il aimait, passionné par ce qu’il détestait, passionné par ses nouvelles découvertes, passionné par les figures injustement oubliées dans l’histoire du cinéma – Bertrand a été celui qui nous a permis de redécouvrir le réalisateur Michael Powell –, passionné par les films qu’il a lui-même réalisés ».

Président de l’Institut Lumière de Lyon, Bertrand Tavernier fut d’abord assistant-réalisateur, attaché de presse et critique avant de passer à la mise en scène de longs métrages avec L’Horloger de Saint-Paul (1973). Dans le rôle-titre, l’acteur Philippe Noiret, qu’il retrouvera dans Que la fête commence (1974), Le Juge et l’assassin (1975), Coup de torchon (1981), La Vie et rien d’autre (1989) et La Fille de d’Artagnan (1993).

Accordant une place primordiale à la narration, aux dialogues qui font mouche et aux seconds rôles, Bertrand Tavernier travaille avec de grands scénaristes et dialoguistes « assassinés » par la Nouvelle Vague comme Jean Aurenche et Pierre Bost avec qui il collabore sur l’adaptation d’un roman de Simenon qui deviendra L’Horloger de Saint-Paul.

Le réalisateur retravaille avec Jean Aurenche sur Que la fête commence, Le Juge et l’assassin et Coup de torchon, et il adapte avec son épouse Colo Tavernier un roman de Pierre Bost pour filmer Un dimanche à la campagne (1983) avec Sabine Azéma, Michel Aumont et Louis Ducreux. A la clé un César du meilleur scénario d’adaptation.

Bertrand Tavernier fera en outre jouer Jean Aurenche par Denis Podalydès dans Laissez-passer (2000), long métrage qui s’inspire des mémoires du cinéaste et résistant Jean Devaivre (incarné dans le film par Jacques Gamblin).

Si Bertrand Tavernier a filmé bon nombre de films à costumes couvrant des époques diverses – le XIVe siècle (La Passion Béatrice, 1987), le XVIe (La Princesse de Montpensier, 2019), le XVIIe (La Fille de d’Artagnan), le XVIIIe (Que la fête commence), la fin du XIXe (Le Juge et l’assassin), le début du XXe (Un dimanche à la campagne), les mois qui précèdent et qui suivent la fin de la Première Guerre mondiale (La Vie et rien d’autre ; Capitaine Conan, 1996) et l’Occupation (Laissez-passer), le réalisateur n’en a pas moins abordé des sujets sociétaux contemporains.

Il traite des méthodes abusives de certains propriétaires (Des enfants gâtés, 1977, avec Michel Piccoli et Christine Pascal), le voyeurisme médiatique (La Mort en direct, 1979, avec Romy Schneider et Harvey Keitel), les doutes et les difficultés des enseignants (Une semaine de vacances, 1980, avec Nathalie Baye et Gérard Lanvin ; Ça commence aujourd’hui, 1998, avec Philippe Torreton), le quotidien de la brigade des stupéfiants de Paris (L.627, 1992), avec Didier Bezace, les dérives d’une certaine jeunesse (L’Appât, 1994, avec Marie Gillain), le parcours du combattant des couples souhaitant adopter (Holy Lola, 2004, avec Isabelle Carré et Jacques Gamblin).

Fasciné par une certaine culture nord-américaine, Bertrand Tavernier, à qui l’on doit plusieurs ouvrages importants sur le cinéma américain (50 ans de cinéma américain, Amis américains…), a signé quelques films qui baignent dans cette culture comme le documentaire Mississippi Blues (1982-1984) coréalisé avec l’Américain Robert Parrish, Autour de minuit (1986), film avec Dexter Gordon et François Cluzet qui évoque de façon romancée la vie du saxophoniste Lester Young et du pianiste Bud Powell, ou encore Dans la brume électrique (2008), tourné aux États-Unis avec Tommy Lee Jones.

Durant sa carrière, Bertrand Tavernier a reçu de nombreux prix : Prix Louis-Delluc pour L’Horloger de Saint-Paul, César du meilleur réalisateur pour Que la fête commence et pour Capitaine Conan, Prix de la mise en scène au festival de Cannes pour Un dimanche à la campagne, Grand prix du jury pour L’Horloger de Saint-Paul et Ours d’or pour L’Appât au festival de Berlin, Lion d’or en 2015 pour l’ensemble de sa carrière à la Mostra de Venise.

Plusieurs acteurs ont également été couronnés pour leur travail sous la direction du réalisateur à l’instar de Jean Rochefort (César du meilleur acteur dans un second rôle pour Que la fête commence), Michel Galabru (César du meilleur acteur pour Le Juge et l’assassin), Sabine Azéma (César de la meilleure actrice pour Un dimanche à la campagne), Philippe Noiret (César du meilleur acteur pour La Vie et rien d’autre), Dirk Bogarde (Meilleur acteur au festival de Valladolid pour Daddy Nostalgie, 1990), Philippe Torreton (César du meilleur acteur pour Capitaine Conan), Jacques Gamblin (Ours d’argent du meilleur acteur au festival de Berlin pour Laissez-passer), Niels Arestrup (César du meilleur acteur dans un second rôle pour Quai d’Orsay, 2012), Raphaël Personnaz (Meilleur espoir masculin aux Lumières 2014 pour Quai d'Orsay).

Bertrand Tavernier a également réalisé plusieurs documentaires diffusés au cinéma comme La Guerre sans nom (1991) – sur la guerre d’Algérie – avec Patrick Rotman, Histoires de vies brisées (1997-2001) – sur les « double peine » de Lyon – avec son fils Nils Tavernier, et Voyage à travers le cinéma français (2015), qui en 3h15 fait (re)découvrir tout un pan du cinéma français. Un « voyage » qui s’est poursuivi en 2017 dans une série documentaire de 8 épisodes de 52 minutes diffusés en 2018 par France 5.  

Publié dans Claps de fin

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