Le Film du jour n°88 : La présidente est peu farouche
Titre original : La pretora
Un film italien de Lucio FULCI (1976) avec Edwige Fenech, Raf Luca, Giancarlo Dettori, Mario Maranzana, Carlo Sposito, Walter Valdi...
A y regarder de plus près, le titre du Film du jour pourrait évoquer une actualité chaude de l'été 2007. A l'époque, une certaine Cécilia S., alors "présidente", n'aurait-elle pas joué de ses charmes pour amadouer un certain Colonel K. (aujourd'hui décédé) afin de récupérer et ramener de Libye des infirmières bulgares ? On ne sait, mais, comme l'a susurré alors le Président S., "la personne qui fera parler ma femme, si elle ne l'a pas décidé, n'est pas encore née". Effectivement, Cécilia S. n'a pas pipé mot, et, depuis, elle est partie vers d'autres cieux. Heureusement, le Président S. a déniché chez EuroDisney une nouvelle présidente...
La présidente est peu farouche, l'histoire : Juge intransigeante et passablement coincée, Viola Orlando est soumise à la pression de ses pairs, jaloux de ses prérogatives. Ceux-ci engagent sa sœur jumelle, Rosa, prostituée de haute volée - et héroïne de romans photos érotiques à ses heures -, pour prendre sa place et ruiner sa réputation. Pendant ce temps, Viola est déchirée entre son métier et l'amour qu'elle voue à son ami d'enfance.
Edwige Fenech dans La présidente est peu farouche (Fulci, 1976)
Connue aussi sous les titres On a demandé la main de ma sœur et Juge ou putain (nettement moins classe...), La présidente est peu farouche est une "sexy comédie à l'italienne". Rien de surprenant, donc, de retrouver, dans le rôle-titre, l'actrice plutôt gironde Edwige Fenech, spécialiste du genre (voir aussi Tais-toi quand tu parles). Les amateurs de la belle seront doublement satisfaits à la vision de ce long métrage, car notre amie joue la paire de jumelles. Une autre actrice prête toutefois sa voix à l'une des sœurs, afin que le spectateur inattentif (ou trop focalisé sur la poitrine de la demoiselle) puisse les différencier... Un procédé qui n'est pas vraiment nouveau.
Les cinéphiles se souviendront à cet égard du classique de Jacques Feyder, Le grand jeu (1934), film dans lequel Marie Bell interprète deux femmes physiquement identiques (l'une blonde, l'autre brune), mais dotées d'une signature vocale différente. De quoi profondément troubler le héros du film (Pierre-Richard Willm), obligé de s'engager dans la Légion et de partir pour l'Afrique du Nord pour échapper au déshonneur suite aux détournements d'argent commis pour entretenir Florence, sa frivole et effervescente maîtresse. Dans un cabaret miteux du bled, il croira revoir Florence sous les traits d'une prostituée un peu nunuche et passablement molle du genou... Le tout, évidemment, sent bon le sable chaud !
Quatre de l'apocalypse (1975), un western crépusculaire et morbide signé Lucio Fulci (image : www.dvdtoile.com)
La présidente est peu farouche est signé Lucio Fulci (1927-1996), ce qui peut paraître étonnant de la part de celui qui est considéré comme le pape du "gore" italien. En fait, l'homme a démarré au cinéma en cosignant des scénarios de comédies pour Toto, le grand comique transalpin, et Steno, son metteur en scène attitré (voir Le chat miaulera trois fois). Lorsqu'il aborde la mise en scène en 1959, Fulci continue donc dans ce registre et réalise des films destinés à une consommation purement locale. De fait, peu d'entre eux sont sortis en France, à l'exception des Faux jetons (1962), avec... Philippe Noiret et Louis Seigner. Fulci enchaîne ainsi les pastiches de films d'espionnage, de casse ou de prison.
Même s'il continue à réaliser de-ci de-là des comédies, c'est avec le western-spaghetti que le réalisateur trouve enfin une porte de sortie (Le temps du massacre, 1966). Puis il saute sur l'opportunité offerte par la mode des giallos, ces thrillers érotiques et sanglants à la sauce italienne (voir Mais qu'avez-vous fait à... Solange et La mort a pondu un œuf).
On doit ainsi à Lucio Fulci Perversion story/La machination (1969) et Le venin de la peur/Les salopes vont en enfer/Carole (1971), tous deux avec Jean Sorel, puis La longue nuit de l'exorcisme (1972) avec Georges Wilson et Marc Porel, acteur connu pour avoir joué l'un des fils de Jean Gabin dans Le clan des Siciliens (Verneuil, 1969), puis son petit-fils dans La horse (Granier-Deferre, 1970). Un Marc Porel que l'on retrouvera dans le rôle d'un psychiatre dans l'excellent L'emmurée vivante (1977) de Lucio Fulci, au scénario particulièrement tortueux.
Héroïne d'Un été 42 (Mulligan, 1970), Jennifer O'Neill tourna aussi pour Lucio Fulci (image : www.allocine.fr)
Mais les scènes gore restent encore gentillettes. Tout juste peut-on déceler une insistance de Lucio Fulci sur les séances de torture dans Beatrice Cenci/Liens d'amour et de sang (1969), qui narre un sombre mélodrame véridique de la Renaissance, et un éclatement facial de très belle facture dans L'emmurée vivante.
Sa réputation, Fulci la gagnera en fait avec sa "tétralogie de l'horreur", réalisée en seulement trois ans : L'enfer des zombies (1979), Frayeurs (1980), L'au-delà (1981) - son chef-d'oeuvre - et La maison près du cimetière (1981). Ambiances macabres et glauques, chairs putréfiées ou liquéfiées, cadavres dévorés avec un appétit réjouissant, éventrements en veux-tu en voilà, énucléations en gros plan, crânes transpercés à la foreuse électrique, jeune femme vomissant ses propres organes, j'en passe et des meilleurs. A ne surtout pas visionner après un bon gueuleton !