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Jean Aymar de Thou dit tout : Melancholia
Publié le
par lefilmdujour
Lars von Trier, 2010, film sorti en salles le 10 août 2011
Articulé en deux parties, le dernier opus de Lars von Trier s'ouvre par un prologue apocalyptique qui semble vouloir résumer l’œuvre à venir et anticiper sa conclusion : la planète Melancholia va frôler la Terre, s'en éloigner, pour finalement revenir la percuter. Sur l'air de l'ouverture du très wagnérien Tristan et Isolde, opéra qui met en musique un amour/haine qui finit par se consumer dans la mort, des images formellement magnifiques et puissamment évocatrices défilent au ralenti : une pluie d'oiseaux morts, un cheval mourant, une mariée flottant paisible sur l'onde, une mariée - la même - à la démarche entravée par les racines d'un arbre, une femme et un enfant embourbés sur le green du trou n°19 (sic) d'un parcours de golf, etc.
Cette mariée, c'est Justine (Kirsten Dunst, prix d'interprétation à Cannes pour son rôle) et la première partie du film est entièrement centrée sur sa soirée de mariage. Planifiée à outrance par sa sœur Claire (Charlotte Gainsbourg, très juste), la cérémonie s'enraye inexorablement, Justine souffrant apparemment d'une dépression qui la rend inapte à goûter les bonheurs que sa famille veut lui imposer à tout prix (hormis la mère, jouée par une Charlotte Rampling féroce, bien décidée à ne pas "jouer le jeu"). Dépression n'est peut-être pas le mot juste ici, le terme "mélancolie", pris dans son sens poétique, semblant plus approprié : une sorte d'état qui fait se côtoyer génie et folie et provoque une profonde tristesse.
Justine est en effet présentée à la fois comme une professionnelle hors pair (son patron la flanque d'un sous-fifre qui la suit pendant toute la soirée afin de saisir au vol le slogan d'une future campagne publicitaire que la jeune femme pourrait trouver ex abrupto) et comme un personnage doué de prescience et de divination (elle connaît le nombre exact de haricots secs contenus dans une bouteille, nombre laissé à l'appréciation des convives sommés de participer à un jeu-concours). Nous ne sommes pas loin ici de l'oracle prophète de malheur.
Dans cette première partie du film, Lars Von Trier se hisse presque au niveau des grandes scènes chorales de repas de mariage vues dans des chefs-d’œuvre comme Le parrain ou Voyage au bout de l'enfer. Le tout est assaisonné évidemment à la sauce noire de chez noir du cinéaste danois. Tout au bout de la nuit, la pauvre mariée ne trouvera aucun secours dans sa détresse, et surtout pas auprès des hommes qui préfèrent déserter le terrain (père et jeune époux compris !).
Articulée autour du personnage de Claire, la deuxième partie du film est d'un abord plus aisé. Dans un état proche de l'aphasie, Justine est recueillie chez sa sœur, là où avait été organisé le repas de mariage, alors qu'approche de la Terre la planète Melancholia (justement...). Ici pas de catastrophisme à l'échelle planétaire et à la sauce hollywoodienne. Filmés et mis en scène admirablement, les événements sont vécus en vase clos au sein du microcosme familial. Alors que Claire plonge inexorablement dans un état de panique incontrôlable, Justine revient doucement à la vie, son paysage mental s'accordant idéalement à l'atmosphère délétère de fin du monde.
Évidemment, on est en droit de penser que cette seconde partie du film est purement symbolique et ne reflète en rien des événements censés être réels. Le spectateur attentif retrouvera d'ailleurs ce fameux trou n°19... alors que le parcours de golf - on nous l'a dit et répété dans la première partie - ne comporte que 18 trous. La mélancolie de Justine a viré au nihilisme ravageur et destructeur où surnage quand même, dans une fin de toute beauté, la petite lueur d'humanité apportée par son jeune neveu Leo.