Agnès Varda (1928-2019)
Agnès Varda en février 2019 (photo Martin Kraft)
Elle a ouvert la voie à la Nouvelle Vague, elle a su alterner avec bonheur documentaires et films de fiction, elle est toujours restée fidèle à ses convictions (indépendance, exigence, humanisme, féminisme). La réalisatrice et productrice Agnès Varda est décédée le 29 mars 2019 à l‘âge de 90 ans.
Photographe de formation, Agnès Varda réalise en 1954 son premier long métrage, La Pointe courte, qui mêle arrière-plan documentaire (une coopérative de pêcheurs à Sète) et des personnages de fiction (incarnés par Philippe Noiret et Sylvia Monfort). Elle enchaîne ensuite les courts métrages documentaires et de fiction, comme Les Fiancés du pont Mac Donald ou (Méfiez-vous des lunettes noires) avec Anna Karina et Jean-Luc Godard, avant de connaître le succès avec Cléo de 5 à 7 (1961), « documentaire subjectif » qui relate en temps réel une heure et demie de la vie d’une chanteuse (Corinne Marchand) qui attend le résultat d’un examen médical important.
Le Bonheur (1964), prix Louis-Delluc, est tourné dans un style pop art aux couleurs soutenues qui n’est pas sans évoquer les films du réalisateur Jacques Demy qu’Agnès Varda a rencontré en 1958, qu’elle a épousé en 1962 et qu’elle va accompagner à Los Angeles à la fin des années 1960. Elle y réalise un film dans la mouvance hippie (Lions Love, 1969) et plusieurs courts métrages documentaires dont l’un en soutien aux Black Panthers.
De retour en France, elle filme des scènes de la vie quotidienne des commerçants de la rue Daguerre à Paris, où se situe le siège de Ciné-Tamaris, la société de production et de distribution créée par le couple Varda-Demy (Daguerréotypes, 1975), puis signe un film féministe, L’une chante, l’autre pas (1976) avec Thérèse Liotard et Valérie Mairesse.
Repartie à Los Angeles entre 1979 et 1981, elle en revient avec un documentaire sur les peintures murales (Mur Murs, 1980) et une fiction inspirée de sa vie à Venice (Documenteur, 1981) où apparaît Mathieu Demy, alors âgé d’une dizaine d’années, le fils d’Agnès Varda et de Jacques Demy.
En 1985, avec Sans toit ni loi, qui confirme le talent de Sandrine Bonnaire (César de la meilleure actrice pour son rôle de marginale), c’est la consécration. Le film reçoit le Lion d’or au festival de Venise. Suivront un diptyque avec Jane Birkin en 1987 (Jane B. par Agnès V., Kung-Fu Master) et un film qui retrace l’enfance nantaise puis l’adolescence de Jacques Demy, qui disparaît en octobre 1990 (Jacquot de Nantes, 1990). Si l’on excepte Les Cent et une nuits de Simon Cinéma (1994), tourné comme une sorte d’hommage au cinéma avec un aréopage de stars françaises et internationales (dont Piccoli, Mastroianni, Belmondo, Delon, Deneuve, De Niro, Depardieu, Jeanne Moreau, Harrison Ford, Gina Lollobrigida, Hanna Schygullah…), Jacquot de Nantes sera le dernier film de fiction d’Agnès Varda.
Avec Les Glaneurs et la glaneuse, la réalisatrice tourne en caméra numérique un documentaire-essai sur les personnes qui ratissent les champs fraîchement récoltés, ramassent légumes et fruits jetés, récupèrent de la nourriture dans les poubelles. Immense succès critique et public, le film sera suivi par un second volet, Deux ans après (2002).
A plus de 70 ans, Agnès Varda reste infatigable, se partageant entre ses travaux de plasticienne, son implication à continuer de faire vivre les films de Jacques Demy, et un documentaire autobiographique, Les Plages d’Agnès (2007), qui obtient le César du meilleur documentaire.
En 2016, à 88 ans, devenue intemporelle, elle coréalise encore Visages villages, avec JR, un artiste contemporain plutôt dans l’air du temps, spécialiste des collages photographiques sur de grandes surfaces murales. Il y a quelques semaines, Agnès Varda présentait encore Varda par Agnès, un documentaire tourné pour Arte, parcours sur l'ensemble de son œuvre.
L'ensemble de l’œuvre cinématographique d’Agnès Varda a été récompensé par un César d'honneur en 2001, le prix René-Clair de l'Académie française en 2002, une Palme d'honneur au Festival de Cannes 2015, un Oscar d'honneur reçu en 2017 et la Caméra de la Berlinale en 2019.
Agnès Varda était la mère de l'acteur et réalisateur Mathieu Demy et de la créatrice de costumes et directrice artistique Rosalie Varda, fille du comédien et metteur en scène Antoine Bourseiller et fille adoptive de Jacques Demy.