Le Film du jour n°150 : SuperNichons contre mafia
Titre original : Double agent 73
Un film américain de Doris WISHMAN (1974) avec Chesty Morgan, Frank Silvano, Saul Meth, Louis Burdi...
Pour ce numéro 150 du Film du jour, il fallait du lourd, voire du très lourd... Nous avons donc fouillé nos archives pour vous dénicher du mastoc, de l'énorme, de l'herculéen, du gargantuesque, du pantagruélique, du pachydermique. Amateurs de gros bonnets, vous allez donc être copieusement servis !
SuperNichons contre mafia, disponible depuis peu en France en DVD, met en avant les atouts impressionnants, pour ne pas dire ahurissants (et pourtant 100% naturels), de la dénommée Chesty Morgan. Cette stripteaseuse d'origine polonaise acquit une réputation mondiale grâce à son tour de poitrine phénoménal (et pas vraiment sexy, faut quand même être honnête...). Un don de dame Nature qui la propulsa, avec l'aide de la réalisatrice Doris Wishman, star du cinéma trash et "dégradation ultime du glamour hollywoodien" selon les propres termes de la Cinémathèque française qui consacra en janvier 2000 une soirée hommage à Doris Wishman.
Avec Chesty Morgan, il y a foule au balcon...
Car SuperNichons contre mafia (Double agent 73 en version originale, 73 pour le périmètre de nénés, et pas en centimètres s'il vous plaît, mais en pouces... Sachant que le pouce fait un peu plus de 2,5 centimètres, je vous laisse faire le calcul... quand on vous dit phénoménal, il faut nous croire...), SuperNichons contre mafia, donc, fut précédé d'un premier volet sorti sur les écrans français sous le titre éminemment poétique de Mamell's Story (1973), "mis en scène" (le mot est peut-être un peu fort) par la même Doris Wishman. Les deux œuvres font la paire, si j'ose dire...
Selon François Kahn, auteur de l'Encyclopédie du cinéma ringard (aux éditions Grancher), Chesty Morgan est affublée dans les deux films d'une garde-robe faite sur mesure (forcément...) dont les teintes semblent tirer d'un catalogue de papiers peints psychédéliques. Elle serait également l'une des pires comédiennes qui aient jamais existé, ce que nous n'avons pu vérifier jusqu'ici, faute d'avoir pu poser nos yeux sur ces deux monuments (les deux films en question évidemment). Un manque que nous allons combler d'ici peu, vu que le film est sorti en DVD en France (en mars 2015...). Chesty se contenterait de tourner la tête vers la caméra, le regard vide, en espérant vaguement que ses deux "compagnons" suivent le mouvement... Ajoutons qu'un accent polonais à couper au couteau obligea la réalisatrice à doubler sa voix (on peut pas avoir toutes les qualités...).
Une affiche française du meilleur goût (image : www.nanarland.com)
SuperNichons contre mafia, l'histoire : Nous reprenons ici textuellement la description du film paru dans L'encyclopédie du cinéma ringard... on peut difficilement faire mieux : "[...]Chesty incarne Jane, un agent secret chargé d'infiltrer un réseau de communistes trafiquants d'héroïne. Elle doit photographier et éliminer les méchants un par un. Pour éviter que l'appareil photo ne tombe entre de mauvaises mains, on le lui implante dans le sein gauche. (On lui implante aussi une bombe à retardement mais ça, on ne le lui dit pas. De toute façon, il devait encore rester de la place). Donc, dès que Jane veut prendre une photo, elle doit retirer son soutien-gorge et presser le téton.
[...] Elle conçoit aussi des plans machiavéliques, comme de se faire passer pour la maîtresse d'un truand à moitié endormi. Ce dernier lui lèche alors les nibards sans savoir qu'elle les a préalablement enduits de poison. La dernière vision de toutes ses victimes sera la perruque blonde, un rictus révélant des dents pourries et deux énormes seins qui pendouillent comme qu'il y avait dix kilos de patates à l'intérieur de chacun. Le film défile comme un atroce accident survenant au ralenti. On voudrait détourner le regard, mais une curiosité malsaine nous l'interdit."
Le portrait de Chesty Morgan, née en 1928, ne serait pas tout à fait complet si l'on omettait de préciser que la dame a aussi été repérée par Fellini (c'était pas difficile, même nous qui sommes bigleux, on l'avait repérée...). Amateur de fortes poitrines s'il en est (on se souvient de la pulpeuse Anita Ekberg dans La dolce vita en 1960), le réalisateur italien lui confia un petit rôle dans son Casanova de 1976.
Née en 1912 et décédée en 2002, la réalisatrice Doris Wishman mérite aussi qu'on s'attarde un peu sur son cas. Jeune veuve, c'est en 1960 qu'elle se lance dans le cinéma... sans rien y connaître. Son premier film, Hide-out in the Sun, est l'un des tout premiers consacrés au phénomène du... nudisme !
Pionnière de la sexploitation au féminin, elle enchaîne alors comme un métronome les longs métrages dont les titres témoignent, si ce n'est d'un talent, tout du moins d'une certaine constance dans l'inspiration : Nude on the moon (1961) (traduction : Nue sur la Lune), où des astronautes découvrent que le satellite de la Terre abrite une communauté de nudistes, Diary of a Nudist (1961) (Le journal d'une nudiste), Gentlemen Prefer Nature Girls (1962) (Les hommes préfèrent les naturistes), Behind the Nudist Curtain (1962) (Derrière le rideau du naturisme), The Prince and the Nature Girl (1965) (Le prince et la naturiste), etc. Le tout est produit, écrit et réalisé par madame Wishman sans que personne ne s'en émeuve vraiment. En d'autres termes, tout le monde ou presque s'en contrefiche éperdument...
Doris Wishman, l’œil à la caméra, surveille ses nudistes (image : www.sleazoidexpress.com)
Le genre érotique évoluant, Doris Wishman s'adapte. Elle signe petit à petit des œuvres plus explicites en les parsemant d'une pointe de féminisme. En 1965, elle met en boîte The Sex Perils of Paulette (je ne traduis pas, vous avez compris...) et Bad Girls Go to Hell (Les vilaines filles vont en enfer), son meilleur film en noir et blanc paraît-il.
La dame n'hésite pas à virer dans le trash avec The Amazing Transplant (1971), vague histoire de greffe de pénis signée sous le pseudonyme de Louis Silverman, et à taquiner le scabreux avec Keyholes are for Peeping (1972) (Les trous de serrure sont faits pour les mateurs). Tout un programme !
Après les deux essais avec la doublement et pectoralement joufflue Chesty Morgan, Doris Wishman n'hésitera pas à descendre sous la ceinture pour boucler un faux documentaire sur les changements de sexe parsemé de plans de véritables opérations (Let Me Die a Woman, Laissez-moi mourir en femme, 1978)...
Deux belles nudistes dans Hide-out in the Sun (1960), premier film de Doris Wishman (image : www.wrongsideoftheart.com)
Dans les années 80 et 90, Doris Wishman devient culte, tout du moins dans les milieux underground. Le réalisateur John Waters passe même des extraits de ses films dans Serial Mother (1994). C'est la consécration absolue ! Forte de ce regain de popularité, Doris Wishman reprendra la caméra en 2001 à l'âge de 88 ans. Elle signera encore trois films avant de passer de vie à trépas et d'aller vérifier si le paradis est peuplé de nudistes. Sa dernière œuvre a pour titre... hum... Dildo Heaven (2002) (Oh ! My Gode !... en traduction libre)
Un dernier mot sur le style Wishman : elle filme les seins avec les pieds ! La réalisatrice s'attarde longuement sur des détails n'ayant aucun rapport avec l'histoire ou avec les dialogues en privilégiant les gros plans sur des objets quelconques avec une prédilection pour les godasses et ce qu'il y a dedans. Vous me direz que Bergman et Antonioni font la même chose (cf. les dix premières minutes de Persona ou le dernier quart d'heure de L'éclipse). Chez ces deux maîtres, le montage est toutefois censé donner un arrière-plan philosophique aux images. Mais on ne mange pas de ce pain-là chez Doris Wishman, où les films sont montés en dépit du bon sens.
Reflets de Chesty Morgan sur les lunettes de Doris Wishman
Nous terminerons par une profonde réflexion de la Cinémathèque française sur l'art de Doris Wishman, personnalité qui figure quand même au nombre des "501 réalisateurs" incontournables de la collection Omnibus (entre Richard Brooks et Samuel Fuller).
Nous vous laissons méditer là-dessus : "Triomphes de la débilité ou sommets de la bizarrerie involontaire, les films de Wishman s'appréhendent comme des manifestations inconscientes de cinéma brut. Ils témoignent d'une croyance sans faille dans l'acte de filmer, relayée pour le meilleur et pour le pire par une technique bouffonne. Tant mieux si le résultat déclenche l'incrédulité. Et le fou rire".