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L'oeil de Crazy Bug : Drive
Publié le
par lefilmdujour
Michael Winding Refn, 2010, film sorti en salles le 5 octobre 2011
Prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes, Drive est un petit bijou. Pas étonnant de la part d'un réalisateur qui aligne avec ce film trois œuvres remarquables focalisées sur des figures de mâles solitaires, soit logorrhéiques (Tom Hardy dans Bronson en 2008), soit taiseux (Mads Mikkelsen dans Le guerrier silencieux en 2009), mais tous caractérisés par des accès de violence irrépressibles.
Solitaire, taciturne, romantique - mais d'un romantisme noir - et violent (pour ne pas dire ultraviolent, cf. la scène désormais culte de l'ascenseur), le personnage joué par Ryan Gosling dans Drive est tout cela à la fois. Garagiste et cascadeur le jour, notre homme prête la nuit venue ses dons de conducteur hors pair à des malfrats afin de les éloigner au plus vite des lieux de leurs méfaits. Apparemment dénué de vie affective, passant son temps libre à huiler des mécaniques et à agencer des engrenages de moteurs, il semble indifférent à la vie. Jusqu'au jour où ses pas croisent ceux d'une jeune femme et de son jeune fils. Lorsque des mafieux vont vouloir s'en prendre à eux, la violence de notre héros ne connaîtra plus de limite.
Jouant avec efficacité d'une "cool attitude" et de (rares) sourires qui évoquent irrésistiblement Steve McQueen (héros de Bullitt et champion automobile), Ryan Gosling est absolument extraordinaire dans Drive. Et son apparent manque d'affect laisse tout loisir au spectateur de projeter sur lui ses propres sentiments et de s'investir émotionnellement dans ce film très fort auquel on pense longtemps après que la lumière s'est rallumée dans la salle. D'autant que, malgré ses scènes d'ultraviolence frontale (Michael Winding Refn a pris les conseils de Gaspar Noé pour réaliser la séquence de tête éclatée, clin d’œil à Irréversible), Drive fourmille de passages lyriques à faire littéralement pleurer d'émotion (exemple : Ryan Gosling dans le couloir avec l'enfant endormi dans ses bras et la jeune femme marchant juste derrière lui). La bande originale, géniale et en adéquation parfaite avec le style du film, participe aussi de cette même émotion.
Flanqué de son blouson avec scorpion brodé dans le dos (évocation assumée du Scorpio Rising de Kenneth Anger et de ses motards homos n'en finissant pas d'astiquer les cuivres de leurs engins...), Ryan Gosling rejoint la longue cohorte des grands solitaires du western, du film noir et du polar. Au premier rang desquels on citera les héros de Jean-Pierre Melville et notamment Alain Delon dans Le samouraï. Bel endormi stoïque et asocial, le héros de Drive n'attendait que le regard d'une jeune femme pour réveiller son romantisme enfoui quasi psychopathe et tout casser (dans tous les sens du terme). Que l'on se rassure, le film de Michael Winding Refn, lui aussi, casse tout !