José Benazeraf (1922-2012)
Élisabeth Teissier, vedette de Frustration (1971) de José Benazeraf
Considéré par beaucoup comme le père spirituel et intellectuel (tendance sociologie) du cinéma érotique, puis pornographique, en France, le réalisateur français José Benazeraf est décédé le 1er décembre 2012 à l'âge de 90 ans.
"Pourquoi couches-tu toujours avec la bonne ? - Parce que ça me rembourse des charges sociales !" Cet échange piquant, pris au hasard dans une filmographie pléthorique forte de plus de 90 "œuvres", résume à lui seul le credo de José Benazeraf.
"Godard du X", "Antonioni de Pigalle", voire "Buñuel de l'érotisme" pour certains, monstre pseudo-philosophique poseur et prétentieux pour d'autres, José Benazeraf s'est lancé dans le cinéma à la fin des années 1950 en produisant des films "traditionnels" (Les Lavandières du Portugal, 1957, de Pierre Gaspard-Huit ; La Fille de Hambourg, 1958, d'Yves Allégret, etc.).
Il signe sa première mise en scène en 1960 avec L’Éternité pour nous, connu également sous le titre autrement plus explicite du Cri de la chair... Dans ce film que d'aucuns décrivent comme une Année dernière à Marienbad à la sauce érotique, on y découvre un certain Michel Lemoine, acteur mais aussi futur réalisateur de films olé-olé (voir Les Mésaventures d'un lit trop accueillant) et, surtout, une dénommée Monique Just qui n'hésite pas à apparaître vêtue d'une robe mouillée et se caressant le sein. Nous ne sommes qu'en 1960... Autant dire que, pour un premier film, c'est un premier scandale !
Au cours des années 1960, José Benazeraf enchaîne les petits films de série B, tournés en quelques jours et parfois interdits par la censure pour cause d'obscénités. C'est le cas de Joe Caligula (1966) avec Gérard Blain, long métrage qui suit les aventures d'un petit truand ambitieux et totalement inhumain (d'où son surnom). Les autorités justifient leur interdiction par l'extrême violence du film, sa brutalité et une grande complaisance dans le sadisme. Durant la décennie 1960, José Benazeraf signe notamment La Drogue du vice (1963), connu aussi sous le nom de Concerto de la peur (avec Jean-Pierre Kalfon), L'Enfer dans la peau/La Nuit la plus longue (1964), L'Enfer sur la plage (1966), Un épais manteau de sang (1967) (avec Valérie Lagrange), etc. Des films que l'on peut retrouver, pour la plupart, au sein de deux coffrets DVD édités par K-films.
En 1969, avec Le Désirable et le sublime, José Benazeraf se lance dans un film intellectuel "pur", sorte de pamphlet conceptuel anti-bourgeois. Pour que le spectateur en soit bien conscient, le réalisateur donne ses intentions dès le début du long métrage : "Ceci n'est pas un film, du moins au sens contemporain du terme. C'est une sorte d’Éloge de la Folie - qu’Érasme me pardonne - dans la mesure où cette aliénation consiste à refuser le Monde et la Société contemporaine. L'Irréel prolongeant le Réel, le complétant, le sublimant, s'y mêlant intimement, le seule fenêtre de cette aliénation, le seul contact de cet univers abstrait avec le monde extérieur étant la télévision". On peut craindre le pire... et, pour certains, effectivement c'est pire !
Selon les spécialistes de la filmographie du réalisateur, Frustration (1971) reste toutefois l’œuvre la plus aboutie de José Benazeraf. On y suit les aventures d'un trio amoureux joué par Michel Lemoine (encore), Janine Reynaud (la femme du précédent dans la vraie vie) et une dénommée... Élisabeth Teissier. Si si, c'est bien notre astrologue préférée. La miss a d'abord montré ses fesses à l'écran avant de se plonger la tête dans les étoiles et de "lire dans les boules de François Mitterrand" (selon Laurent Gerra !
Après trois ou quatre œuvres érotiques plus ou moins "intellectuelles" au début des années 1970, dont L'Homme qui voulait violer le monde/Black Love (1973) et Adolescence pervertie (1974, avec la sublime Femi Benussi, voir Tarzana sexe sauvage), José Benazeraf prendra résolument le chemin du porno en enquillant comme un métronome - et à une cadence infernale - les films X aux titres explicites : La Veuve lubrique (1975), Les Vices cachés de Miss Aubépine (1977), Je te suce, tu me suces, il nous... (1979), Le Majordome est bien monté (1983, une année où l'artiste signe quinze films...). José Benazeraf avait continué sa carrière de réalisateur tout au long des années 1980 et 1990.