Patrice Chéreau (1944-2013)
(image : Reuters)
Metteur en scène de théâtre, d’opéra et de cinéma célèbre et célébré, Patrice Chéreau est décédé le 7 octobre 2013 à l’âge de 68 ans. L’occasion de revenir sur la filmographie d’un homme salué par tous les médias.
En 1974, Patrice Chéreau réalise son premier film, La Chair de l’orchidée, adapté d’un roman de James Hadley Chase. A l’époque, il faut le rappeler, le style à la fois baroque et expressionniste de la réalisation n’est pas apprécié par tous, loin s’en faut. C’est l’histoire d’une riche héritière (Charlotte Rampling, ci-contre) enfermée dans un asile psychiatrique par sa tante (Edwige Feuillère dans son dernier rôle au cinéma).
La jeune femme parviendra à s’échapper grâce un éleveur de chevaux (Bruno Cremer). Le générique, assez classe, réunit aussi Simone Signoret, Alida Valli, François Simon (le fils de Michel Simon) et Eve Francis (actrice du muet et, accessoirement, épouse de Louis Delluc).
Quatre ans plus tard, Patrice Chéreau confie à Simone Signoret le rôle-titre de Judith Therpauve (1978). Là encore, le film n’est guère apprécié et jugé même par certains critiques catastrophique.
Mélodramatique, le film raconte l’histoire d’une femme, veuve d’un héros de la Résistance, qui reprend la direction d’un journal créé à la Libération et sur le point d’être vendu à un trust. Bien entendu, tout finira mal. Simone Signoret est excellente, à mon humble avis, comme l’est un (relativement) jeune et (encore) pétillant Philippe Léotard.
Sorti en 1983, L’Homme blessé, écrit avec Hervé Guibert, permet aux deux hommes de recevoir le César du meilleur scénario en 1984 et vaut une nomination au César du meilleur acteur à Jean-Hugues Anglade (ci-contre), quasi débutant sur grand écran. L’atmosphère glauque du film n’est pas sans rappeler l’esthétique du sordide chère à Jean Genet. On y suit un jeune homme (Anglade) qui tombe sous le charme d’un voyou désabusé, une fascination passionnelle qui l’amènera aux pires extrémités. Une descente aux enfers qui finit mal, prémonitoire des années sida, écriront certains.
En 1986, Patrice Chéreau tourne Hôtel de France, un film adapté de « Ce fou de Platonov », de Tchekhov qu'il avait auparavant mis en scène pour ses élèves de l'école de Nanterre-Amandiers. Au générique, quelques acteurs débutants qui allaient confirmer dans les années suivantes : Valeria Bruni Tedeschi, Vincent Pérez, Marianne Denicourt, Isabelle Renauld, Bruno Todeschini, Agnès Jaoui, etc.
Avec La Reine Margot (1994), écrit avec Danièle Thompson, Patrice Chéreau rafle le Prix du jury à Cannes et permet à Virna Lisi, dans le rôle ingrat de Catherine de Médicis, de repartir avec le Prix d’interprétation féminine, au nez et à la barbe d’Isabelle Adjani, pratiquement de tous les plans.
Celle-ci se consolera avec le César de la meilleure actrice en 1995, Virna Lisi et Jean-Hugues Anglade (en Charles IX) repartant avec les César des meilleurs seconds rôles.
En 1998, Patrice Chéreau signe, à mon toujours aussi humble avis, son meilleur film avec Ceux qui m’aiment prendront le train, la première moitié du long métrage s’avérant tout bonnement extraordinaire dans la mise en place des divers personnages en crise qui se rendent en train à Limoges à l’enterrement d’un artiste peintre (Jean-Louis Trintignant qui joue aussi son frère). Détenteur d’onze nominations aux César, le film vaudra à Patrice Chéreau son unique César du meilleur réalisateur.
Avec Intimité (2000), Patrice Chéreau part tourner à Londres l’histoire d’une relation purement sexuelle entre deux êtres qui ne se connaissent pas et qui, tous les mercredis, se retrouvent pour faire l’amour passionnément. Le film lui vaut une nouvelle nomination au César du meilleur réalisateur et remporte l’Ours d’Or au festival de Berlin. Les quelques scènes de sexe non simulées ont aussi fait beaucoup pour le bouche-à-oreille…
Œuvre un tantinet autobiographique, Son frère, réalisé en 2003 par Patrice Chéreau avec Bruno Todeschini et Eric Caravaca, s’attache à deux frères que la vie avait éloignés l’un de l’autre (le cadet est homosexuel) et que la grave maladie de l'aîné va rapprocher.
Huis clos adapté d’une nouvelle de Joseph Conrad, Gabrielle (2005) est absolument remarquable tout au long d’une nuit où un couple bourgeois du début du XXe siècle (Isabelle Huppert et Pascal Greggory) prend conscience que l’amour n’existe plus (et peut-être n’a jamais existé) entre eux. Le choc est dur, surtout pour lui… Isabelle Huppert y est éblouissante.
Dernier film réalisé pour le cinéma par Patrice Chéreau, Persécution (2009), œuvre passablement ennuyeuse, réunit Romain Duris, Charlotte Gainsbourg et Jean-Hugues Anglade.
Il ne faut pas oublier que Patrice Chéreau a également été acteur pour d'autres. On l'a notamment vu en Camille Desmoulins dans Danton (Wajda, 1983), en Bonaparte dans Adieu Bonaparte (Chahine, 1985), en Jean Moulin dans Lucie Aubrac (Berri, 1997). Il a également joué pour Michael Mann et Michael Haneke.