Le Film du jour n°83 : J'irai verser du nuoc-mâm sur tes tripes
Titre original anglais : The invincible iron palm
Un film hongkongais de ZHU Mu (1972) avec Pai Ying, Chiang Nan, Charlie Chin, Alan Tang, Ingrid Hu, Tony Lin...
Après Karaté à mort pour une poignée de soja, voici, avec J'irai verser du nuoc-mâm sur tes tripes (a.k.a. Le judoka aux poings d'acier), un nouvel exemple de l'imagination délirante des distributeurs français de films de kung-fu dans les années 70. Le quidam chargé de trouver un titre irrésistible à ce long métrage en provenance de Hong-Kong a sans doute voulu vaguement évoquer le fameux "J'irai cracher sur vos tombes" de Boris Vian. Ce roman publié en 1946 sous le pseudonyme de Vernon Sullivan fut adapté au cinéma en 1959 par Michel Gast avec Antonella Lualdi (ah ! Antonella !) et Christian Marquand (frère de Nadine Trintignant et réalisateur du fameux Candy, voir La mort a pondu un œuf).
Profondément déçu par la version cinématographique de "J'irai cracher sur vos tombes" et en délicatesse avec les producteurs, Boris Vian décédera d'une crise cardiaque pendant l'avant-première du film le 23 juin 1959 au cinéma Marboeuf. Il n'y a sans doute pas de cause à effet... mais certains ont dû quand même se sentir dans leurs petits souliers. A noter qu'en 2005 est sorti sur les écrans français J'irai cracher sur vos tongs (on est prié de rire...), un film de Michel Toesca avec Sacha Bourdo et Patrick Chesnais, passé complètement inaperçu.
J'irai cracher sur vos tongs (2004) cherche aussi à faire la blague autour de "J'irai cracher sur vos tombes"
Pour rester sur le même thème, J'irai cracher sur vos tombes a été traduit en anglais par I Spit on Your Grave. C'est justement le titre d'un film américain sorti en 1978 et emblématique d'un sous-genre cinématographique baptisé "rape and revenge" (viol et châtiment, en quelque sorte). Connu aussi sous l'appellation Day of the Woman et sorti sous nos latitudes sous le titre Œil pour œil, I spit on your grave est signé Meir Zarchi et narre la vengeance effroyable d'une jeune femme, Jennifer, laissée pour morte par un groupe de bouseux qui lui ont fait subir les derniers outrages. Jennifer brisée... Jennifer outragée... Jennifer martyrisée... mais Jennifer libérée ! (ah non, je confonds avec autre chose...). Le personnage principal y est interprété par Camille Keaton, compagne de Zarchi à l'époque et petite-nièce du grand Buster. Une Camille Keaton qui, la même année, jouait une jeune fille violentée et perturbée dans Mais... qu'avez-vous fait à Solange ? (Dallamano, 1972). Quel destin !
J'irai verser du nuoc-mâm sur tes tripes, l'histoire : The Invincible Iron Palm (titre anglais du film) serait, paraît-il, l'une des techniques du kung-fu les plus létales qui soient. Dans le film, Charlie Chin (nan, j'ai pas fait de faute de frappe, c'est pas Charlie Chan... les deux acteurs jouent d'ailleurs tous deux dans Le flic de Hong-Kong 1 et 2), Charlie Chin, donc, s'entraîne dur pour acquérir cette technique et venger son honneur bafoué. A la fin de son apprentissage, il est devenu une machine de mort... Bref, tout ça n'a pas grand intérêt...
La main de fer fut le premier gros succès du cinéma hongkongais d'arts martiaux en France
On aurait tort de penser que la folie kung-fu qui a enflammé le cinéma mondial à l'orée des années 70 a démarré avec les films de Bruce Lee et, notamment, Big Boss (Lo Wei, 1971).
Présenté en 1972 au Marché du film pendant le festival de Cannes, ce long métrage n'a à l'époque guère suscité d'enthousiasme chez les distributeurs potentiels. En France, le cinéma asiatique est alors considéré globalement comme de l'art et essai. C'est en fait via le pays de l'Oncle Sam - nous apprend la revue Mad Movies - que les films de kung-fu vont commencer à déferler, et surtout grâce à la Warner. Ce studio avait acquis les droits de La main de fer (1972) du cinéaste d'origine coréenne Chung Chang-Wha (connu aussi sous le nom chinois de Cheng Chang-Ho, eh oui, ça change tout...), et l'avait sorti avec succès dans les salles US. C'est donc durant l'été 1973 que la vague kung-fu atteignit les côtes françaises !
Lo Lieh, première grande star des films dits de "kung-fu"
En conséquence, la première grande star du genre n'a pas été Bruce Lee, mais Lo Lieh (1939-2002), le héros de La main de fer. Ce dernier avait démarré sa carrière cinématographique au milieu des années 60 à Hong-Kong en travaillant pour la Shaw Brothers (Le trio magnifique, Les griffes de jade, Le retour de l'hirondelle d'or, etc.). On verra aussi Lo Lieh dans un western-spaghetti d'Antonio Margheriti dénommé La brute, le colt et le karaté (1975), coproduction entre la Shaw Brothers et Carlo Ponti... Décidément, à l'époque, rien ne les arrêtait, ces producteurs italiens... Surtout Carlo Ponti qui avait déjà fait main basse sur Sophia Loren. Du moment que le tiroir-caisse faisait du bruit...
Biblio : Quand le kung-fu régnait sur le monde, article de Julien Sévéon paru dans le hors-série Mad Movies Grindhouse/Dans les veines du cinéma d'exploitation.