Le Film du jour n°76 : Elle voit des nains partout
Un film français de Jean-Claude SUSSFELD (1982) avec Zabou, Thierry Lhermitte, Martin Lamotte, Coluche, Christian Clavier, Marilyne Canto, Philippe Bruneau...
Il n'y a pas qu'à Fort Boyard que l'on rencontre des hommes de petite taille. Le cinéma a su parfois aussi mettre en valeur des personnages de nains. Piéral, par exemple, est resté dans toutes les mémoires pour son rôle dans L'éternel retour (Delannoy, 1943), où il joue le cousin jaloux et hargneux de Jean Marais. Auteur d'un intéressant livre de souvenirs ("Vu d'en bas"), Piéral, de son vrai nom Pierre Aleyrangues (1923-2003), a aussi marqué de sa présence des films célèbres comme Voyage surprise (P. Prévert, 1946), Lucrèce Borgia (Christian-Jaque, 1952), Lola Montès (Ophüls, 1955), Notre-Dame de Paris (Delannoy, 1956), Le capitan (Hunebelle, 1960) ou Cet obscur objet du désir (Bunuel, 1977).
Piéral, sans doute le plus célèbre acteur "de petite taille" du cinéma français (image : www.toutlecine.com)
Interprété par David Bennent, le personnage central du Tambour (Schlöndorff, 1979) décide, lui, de ne plus grandir à trois ans et de devenir le témoin privilégié de la montée du nazisme. On se souvient aussi de deux films "hors norme" où les nains jouent les rôles principaux : le fameux Freaks (ou La monstrueuse parade), tourné par Tod Browning en 1932, et Les nains aussi ont commencé petits (1970), signé par Werner Herzog dans une espèce de centre de détention pour lilliputiens récalcitrants et teigneux. Enfin, n'oublions pas David Lynch qui, dans Twin Peaks (1992) et Mulholland Drive (2001), fait toujours intervenir un homme de petite taille particulièrement inquiétant lorsque le héros ou l'héroïne errent aux frontières de la réalité et du fantasme.
Le petit homme en rouge, célèbre personnage de la série "Twin Peaks" (image : www.bienvenueapalma.com)
Quant à Jean-Claude Sussfeld, le réalisateur du Film du jour, il a fait ses premières armes comme premier assistant de Claude Sautet sur Les choses de la vie (1970), Max et les ferrailleurs (1971), César et Rosalie (1972), Vincent, François, Paul et les autres (1974) et Mado (1976), avant de passer à la mise en scène avec Elle voit des nains partout. Suivront Le léopard (1983), une comédie avec Claude Brasseur et Dominique Lavanant, La passerelle (1987), un thriller psychologique avec Mathilda May, et Quand j'avais cinq ans, je m'ai tué (1994), un drame tiré du roman homonyme de Howard Buten. Jean-Claude Sussfeld travaille désormais pour la télévision ("Madame le Consul", "Fabien Cosma", "Plus belle la vie", etc.).
Elle voit des nains partout, l'histoire : Elle voit des nains partout est une adaptation cinématographique de la pièce de théâtre du même nom écrite et mise en scène par Philippe Bruneau (et jouée par Claire Nadeau) à la fin des années 70 (P. Bruneau et C. Nadeau faisaient partie de la fine équipe du Collaro Show et du Cocoricoco Boy, qui furent deux très grands moments de la télévision française). Le film raconte donc l'histoire de Blanche-Neige sur le ton de l'humour décalé et du calembour (plus ou moins) amusant. On y croise les Misérables (dont Jean Valjean et Cosette), une multinationale de fées débordées, les trois petits cochons, le Chaperon rouge, Robin des Bois, Tarzan (joué par le chanteur Renaud), le Petit Poucet et... Charmant Prince, le fils du roi d'Angleterre. Ah, j'oubliais ! La Banche-Neige, eh bien, elle est obsédée sexuellement par les nains...
Voilà un petit exemple de l'humour du film. Lors d'un conseil extraordinaire, les fées décident de confier l'affaire Blanche-Neige à une jeune stagiaire. Affolée, celle-ci se lève d'un bond et s'exclame : "Mais il faut que je me change !" D'un seul élan, toutes les fées hurlent : "Vous vous changez ? Changez de Kelton !" Évidemment, pour rire à cette bonne blague, il faut être un fan des pubs télévisuelles des années 70 ou être âgé de plus de quarante ans... et ce n'est pas donné à tout le monde...
Zabou dans Elle voit des nains partout (image : www.toutlecine.com)
Blanche-Neige est interprétée par Zabou, née en 1959. Elle y trouve là son premier rôle au cinéma. De son vrai nom Isabelle Breitman, la jeune actrice enchaîne rapidement avec La boum 2 (1982) de Claude Pinoteau, Banzaï (1983) de Claude Zidi et Gwendolyne (1983), le dernier film à ce jour de Just Jaeckin, le réalisateur cul-te d'Emmanuelle (1973).
Zabou décroche une nomination comme meilleur espoir féminin lors de la cérémonie des César 1986 pour sa prestation dans Billy Ze Kick (1985) de Gérard Mordillat. Elle se spécialise alors dans les rôles de rigolote de service dans des films qui ne restent pas forcément gravés dans les mémoires : Suivez mon regard (Curtelin, 1986), Fucking Fernand (Mordillat, 1987), Les cigognes n'en font qu'à leur tête (Kaminka, 1988), Promotion canapé (Kaminka, 1990), etc. L'actrice tient toutefois un joli rôle dans le nostalgique La Baule-les-Pins (1989) de Diane Kurys. En 1993, elle s'offre une nouvelle nomination aux César - cette fois-ci dans un second rôle féminin - pour La crise (1992) de Coline Serreau. Cette même année 1992, Zabou joue aussi une épouse hystérique dans le réjouissant Cuisine et dépendances (Muyl), où elle "affronte" le duo Agnès Jaoui / Jean-Pierre Bacri.
Zabou et Agnès Jaoui dans Cuisine et dépendances (Muyl, 1992) (image : www.telequebec.tv)
Devenue réalisatrice, Zabou signe en 2001 l'émouvant Se souvenir des belles choses, qui vaut surtout pour les interprétations de Bernard Campan (ex-Inconnus) et d'Isabelle Carré (un rôle qui vaut à cette dernière le César de la meilleure actrice en 2003). Se souvenir des belles choses remporte d'ailleurs aussi le César de la meilleure première œuvre. Zabou Breitman met en scène en 2006 son deuxième film, L'homme de sa vie, avec à nouveau Bernard Campan, œuvre qui sera suivie en 2008 de Je l'aimais avec Daniel Auteuil, Marie-Josée Croze et Florence Loiret-Caille, puis en 2009 de No et moi avec Julie-Marie Parmentier en SDF.
Je l'aimais (2008), le troisième film signé Zabou Breitman sorti sur les écrans français (image : www.toutlecine.com)
Parallèlement, Zabou continue sa carrière d'actrice. Au cours de la décennie 2000, on l'a vue notamment dans Un monde presque paisible (Deville, 2002), Narco (Lellouche & Aurouet, 2004), Le parfum de la dame en noir (Podalydès, 2005), Le premier jour du reste de ta vie (Bezançon, 2007) et Rien de personnel (Gokalp, 2008). Récemment, Zabou a tenu avec brio le rôle d'une attachée de communication d'un ministre des Transports (Olivier Gourmet) dans L'exercice de l'état de Pierre Schoeller.