Le Film du jour n°71 : Les croulants se portent bien

Publié le par lefilmdujour

Un film français de Jean BOYER (1961) avec Fernand Gravey, Claudine Coster, Jacques Perrin, Sophie Daumier, Pierre Dux, Nadia Grey...

Fils de l'auteur de chansons Lucien Boyer et frère de la célèbre chanteuse des années 30 Lucienne Boyer, Jean Boyer (1901-1965) est souvent classé dans la catégorie des tâcherons du cinéma français, quand il n'est pas carrément oublié par les historiens. Georges Sadoul, par exemple, n'écrit pas une ligne sur lui dans Le cinéma français 1890/1962 et ne le cite à aucun moment dans son Dictionnaire des cinéastes...

Le réalisateur des Croulants se portent bien mérite-t-il une telle opprobre ? Certes, Jean Boyer a beaucoup trop tourné avec vingt-sept films mis en boîte entre 1945 et 1958 ! Seul le fameux André Berthomieu le surpasse avec... trente-deux films enquillés dans le même laps de temps. Mais tout n'est pas à jeter dans sa filmographie. On lui doit en effet l'excellent Circonstances atténuantes (1939) avec Michel Simon et Arletty (Marie "Qu'a de ça" dans le film), d'assez corrects Fernandel (L'acrobate, 1940 ; Le couturier de ces dames, 1956 ; Sénéchal le Magnifique, 1957), un bon Louis Jouvet (Sérénade, 1939) et quelques comédies entraînantes avec Charles Trenet (Romance de Paris, 1940 ; Frédérica, 1942).

Jean Boyer mit en scène le fou chantant dans Romance de Paris (1940)... (image : www.cinema-francais.fr)

De par son héritage génétique, l'homme s'avère d'ailleurs un spécialiste de la mise en images de chanteurs ou d'orchestres. Georges Guétary fredonne ainsi dans Les aventures de Casanova (1946). Line Renaud tourne dans La Madelon (1955), Mademoiselle et son gang (1957) et L'increvable (1958). Ray Ventura et son orchestre se produisent dans Mademoiselle s'amuse (1947) et dans Nous irons à Paris (1949). Et Maurice Chevalier promène sa pomme dans J'avais sept filles (1954).

En 1954, Maurice Chevalier passa lui aussi devant la caméra de Jean Boyer (image : www.encyclocine.com)

Jean Boyer fixera aussi Bourvil sur la pellicule (Le rosier de Madame Husson, 1950 ; Le passe-muraille, 1950 ; Le trou normand, 1951 ; Cent francs par seconde, 1952), tout comme Darry Cowl (L'increvable, 1958 ; Bouche cousue, 1960) et le duo Roger Pierre/Jean-Marc Thibault (Une vie de garçon, 1953). A noter que Micheline Presle et Gérard Philipe, le couple romantique du Diable au corps (Autant-Lara, 1946), sera réuni une nouvelle fois par Jean Boyer dans Tous les chemins mènent à Rome (1948). Avec moins de succès évidemment... Bref, rien de vraiment génial mais rien de vraiment honteux non plus.

Les croulants se portent bien, l'histoire : François Legrand, compositeur "léger" et encore très vert pour son âge, entretient dans le luxe sa vieille maman, ses deux enfants, Michel et Martine, et son éditeur Émile, le parrain de sa fille. L'atmosphère de la maison familiale est très décontractée. Oui mais voilà, le jour où François ramène au bercail Jacqueline, une starlette de l'âge des lardons, rien ne va plus. Les deux jeunes sont indignés ! Le chef de famille tient bon car la Jacqueline, non seulement elle a du charme, mais en plus elle est sérieuse...

Pour obtenir le consentement de sa progéniture, François organise donc une rencontre à l'amiable. Mais, pour se venger, Michel amène avec lui une voisine d'un âge incertain et au cœur disponible, et Martine saute au cou de son parrain en lui susurrant qu'il est l'homme de sa vie. La situation devient cornélienne, on l'aura compris, et risquée pour tout ce beau monde. Tout finira bien néanmoins. Émile et la voisine consoleront leur solitude en tombant dans les bras l'un de l'autre, les enfants retrouveront leurs copains et copines de surboums (eh oui, ça s'appelait comme ça, les teufs dans le temps...) et François pourra la croquer, sa Jacqueline (ouf ! je suis soulagé, j'ai cru que ça finirait mal, c'est que j'ai un cœur de midinette, moi, je ne suis pas qu'un monstre !).

Sophie Daumier et Guy Bedos, un couple quasiment légendaire (image : sgales.chez.com)

Martine, la fille de cette famille bon enfant, est jouée par Sophie Daumier, née Élisabeth Hugon en 1936 et fille du compositeur de musique classique Georges Hugon (personnellement, je ne connais pas, mais ça doit être sûrement quelqu'un de très bien). Après des études de danse classique, elle débute comme chanteuse fantaisiste au cabaret parisien La Nouvelle Eve. Sous le pseudonyme de Betty Daumier, elle fait sa première apparition au cinéma en 1955 dans Paris coquin de Pierre Gaspard-Huit. Sa liaison avec le chanteur de rock Vince Taylor défraie alors la chronique.

Puis les rôles s'enchaînent. On la voit notamment dans les deux monuments de la cinéphilie française que sont A pied, en cheval et en voiture (Delbez, 1957) et sa suite A pied, à cheval et en... spoutnik (Devaivre, 1958). Elle côtoie Delon dans Quand la femme s'en mêle (Y. Allégret, 1957), Darry Cowl dans Chéri, fais-moi peur (J. Pinoteau, 1958), Marie-José Nat et Jean Sorel dans Amélie ou le temps d'aimer (Drach, 1961), puis Serrault et De Funès dans Carambolages (Bluwal, 1962).

C'est en 1963 sur le tournage de Dragées au poivre (Baratier) qu'elle rencontre Guy Bedos. Bedos qu'elle épousera en 1965 et avec qui elle formera un duo comique irrésistible pendant plusieurs années (le sketch de La drague reste dans la mémoire de tous). Le couple sera également réuni devant la caméra dans Aimez-vous les femmes ? (Léon, 1964) et, sous leurs propres patronymes, dans Pouce (Badel, 1971). Ils se sépareront en 1977.

Guy Bedos et Sophie Daumier dans Dragées au poivre (Baratier, 1963) (image : www.allocine.fr)

On retrouve aussi Sophie Daumier aux génériques de Par un beau matin d'été (Deray, 1964), Pas de caviar pour tante Olga (Jean Becker, 1965), Violette et François (Rouffio, 1977), ...Comme la lune (Séria, 1977), où elle forme un couple hilarant avec Jean-Pierre Marielle, et Une histoire simple (Sautet, 1978), où elle joue une bonne copine de Romy Schneider. Malheureusement, une très grave maladie génétique héréditaire (la chorée de Huntington) l'oblige à s'éloigner des écrans à la fin des années 70. Sophie Daumier est décédée le 31 décembre 2003. Elle avait écrit en 1979 un livre dans lequel elle décrivait sa maladie : "Parle à mon coeur, ma tête est malade".

Ci-dessous, le célébrissime sketch de "La drague" avec Guy Bedos et Sophie Daumier. Inénarrable !

Publié dans Titres rigolos

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