Le Film du jour n°67 : Tue-moi vite, j'ai froid !
Titre original : Fai in fretta ad uccidermi... ho freddo !
Un film franco-italien de Francesco MASELLI (1967) avec Monica Vitti, Jean Sorel, Roberto Bisacco, Daniela Surina, Barbara Pilavin...
Né en 1930, Francesco Maselli, le réalisateur de Tue-moi vite, j'ai froid, commença sa carrière sous le signe du néoréalisme, un terme appliqué à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux films italiens qui témoignaient de la réalité sous une forme documentaire, brutale et immédiate. Roberto Rossellini (Rome ville ouverte, 1945), Luchino Visconti (La terre tremble, 1947) et Vittorio de Sica (Le voleur de bicyclette, 1947) sont les premiers grands cinéastes du mouvement néoréaliste, un mouvement qui compte aussi dans ses rangs Giuseppe de Santis (Chasse tragique, 1948 ; Riz amer, 1949, avec, dans ce dernier film, une Silvana Mangano sexuellement agressive dans son short et ses bas noirs...), Pietro Germi (Au nom de la loi, 1950) ou Luigi Comencini (De nouveaux hommes sont nés, 1948).
Jean-Pierre Mocky et Luca Bose dans Gli Sbandati (1955), premier film de fiction de Francesco Maselli
Collaborateur d'Antonioni sur Chronique d'un amour (1950, avec Lucia Bose) et sur La dame sans camélias (1953, avec Lucia Bose encore), Francesco Maselli signe son premier long métrage en 1955. Gli sbandati (
Betsy Blair, Tomas Milian et Claudia Cardinale dans Les dauphins (1960) de Francesco Maselli
Par la suite, Francesco Maselli signa notamment Les dauphins (1960), qui décrit la jeunesse désœuvrée et sans idéal d'une petite ville d'Italie du Nord (avec Claudia Cardinale, Tomas Milian et Gérard Blain), et Les deux rivales (1963). Cette adaptation d'un roman de Moravia avec Claudia Cardinale et les américains Rod Steiger et Shelley Winters est "la description glacée d'une désespérance qui évoque le meilleur Antonioni" (dixit Georges Sadoul dans son Dictionnaire des cinéastes). Autant dire qu'on doit se marrer !
Francesco Maselli dirigea une nouvelle fois la Cardinale dans Un couple pas ordinaire (1968), puis Gian Maria Volonte et Annie Girardot dans Le soupçon (1975), film de fiction sur l'émigration communiste italienne dans les années 30 à Paris. Je sais, c'est pas drôle... mais on peut pas parler toutes les semaines de Bud Spencer et Terence Hill !!! Ajoutons que Francesco Maselli coordonna le film collectif tourné le 12 novembre 1994 lors de la grande manifestation syndicale romaine contre Silvio Berlusconi.
Tue-moi vite, j'ai froid !, l'histoire : Dans la carrière de Francesco Maselli, Tue-moi vite, j'ai froid !, vous allez le comprendre tout de suite, entre dans la veine "alimentaire" de ce cinéaste engagé politiquement. Deux escrocs/amants qui se prétendent frère et sœur, y filoutent les riches clients des palaces et les passagers nantis de yachts luxueux. Un jour, ils rencontrent Cristiana, qui se dit menacée par son propre frère. Celui-ci veut devenir le seul héritier de la fortune familiale... Nos deux héros vont joindre l'utile à l'agréable...
Jean Sorel
Né en 1934, Jean Sorel, l'un de nos deux escrocs/amants (Monica Vitti jouant son pendant féminin), fut rapidement repéré par sa beauté charismatique que d'aucuns comparèrent à celle d'un Delon. Sa carrière toutefois fut très loin d'égaler celle de son compatriote, même si, avec Sandra (1965) où il joue le frère quasi incestueux de Claudia Cardinale, il tourna, lui aussi, sous la direction de Visconti (qui s'y connaissait en beauté masculine).
Lilli Palmer et Jean Sorel dans Adorable Julia (Weidenmann, 1961) (image : www.toutlecine.com)
Jean Sorel débuta en 1959 au cinéma dans Les lionceaux (Bourdon), film de suspense qui fut un gros succès à l'époque, et dans J'irai cracher sur vos tombes (Gast), adaptation plutôt ratée du roman de Boris Vian. En 1960, l'acteur est engagé par Mauro Bolognini pour figurer au générique de Ça s'est passé à Rome aux côtés de Lea Massari. La réussite de ce long métrage lui ouvre pour quinze ans les portes d'un cinéma italien où il jouera un peu tout et n'importe quoi, des bels Apollons des films érotico-sentimentaux aux héros de gialli ou de films de guerre, en passant par les comiques de comédies à sketches.
Traqué par la Gestapo (Lizzani, 1961), La bataille de Naples (Loy, 1962), L'homme qui rit (Corbucci, 1965), Les poupées (Bolognini, 1965), Play-boy Party (Risi, 1965), Danger Diabolik (Bava, 1966), Les ogresses (Salce, 1966), L'adorable corps de Déborah (Guerrieri, 1968), Perversion story (Fulci, 1969), Carole/Les salopes vont en enfer (Fulci, 1970), Je suis vivant (Lado, 1971) ne sont que quelques titres parmi une filmographie foisonnante entre 1960 et 1975.
Jean Sorel, héros de giallo dans Perversion Story (Fulci, 1969) (image : www.luciofulci.fr)
Du côté du cinéma français, Jean Sorel a été vu chez Yves Allégret (Germinal, 1962, où il interprète le rôle de Lantier), Julien Duvivier (Chair de poule, 1963), Roger Vadim (La ronde, 1964), Luis Bunuel (Belle de jour, 1966, où il joue le mari délaissé de Catherine Deneuve), Benoît Jacquot (Les enfants du placard, 1976 ; Les ailes de la colombe, 1980), André Téchiné (Les sœurs Brontë, 1978) et Paul Vecchiali (Rosa la rose, fille publique, 1986). A partir de 1991, Jean Sorel délaisse le cinéma pour apparaître dans des séries télévisées françaises ou italiennes. Il a toutefois tourné en 2015 dans L'origine de la violence d'Elie Chouraqui et en 2016 dans Drôles d'oiseaux d'Elise Girard.
Biblio : Le cinéma italien, de 1945 à nos jours, Laurence Schifano, Collection Cinéma 128
Jean Sorel danse avec Carroll Baker dans "Paranoia" (1970), giallo signé par Umberto Lenzi