Le Film du jour n°63 : Y en a pas deux comme Angélique
Un film français de Roger LION (1931) avec Colette Darfeuil, Henry Laverne, Marthe Sarbel, Marthe Régnier, Gil Clary, Madeleine Guitty...
Une précision d'emblée : Y en a pas deux comme Angélique n'a rien à voir avec la fameuse Angélique, marquise des Anges. En 1931, Michèle Mercier n'était pas née ! C'est tout du moins ce qu'elle prétend... non, je rigole !
Quoi qu'il en soit, avant 1930, la production cinématographique nationale se limitait à environ 50 à 90 films par an. Mais, avec le parlant, l'intérêt du public pour le cinéma qui cause français (oui, môssieu) décupla et ce sont 98 films qui furent produits en 1930, 156 en 1931 et 157 en 1932 ! Toutefois, les premiers films parlants à 100% n'étaient pas des chefs-d’œuvre, très loin s'en faut. La plupart se contentait de coucher sur pellicule des pièces de théâtre de boulevard et des vaudevilles, sans beaucoup d'imagination. Y en a pas deux comme Angélique ne déroge pas à cette règle.
Un court-métrage "parlant français" réalisé par Roger Lion en 1930 (image : www.chisholm-poster.com)
Décédé en 1934 à l'âge de 52 ans, Roger Lion, son réalisateur, est essentiellement réputé pour son travail de scénariste à l'époque du muet, occupation qu'il menait en parallèle de son activité de metteur en scène de cinéma, démarrée en 1912. Roger Lion fut ainsi l'un des fondateurs de la Société des auteurs de films et il contribua, de 1922 à 1924, à la création d'un cinéma portugais digne de ce nom. Quelques années donc, avant que le cinéaste lusitanien Manoel de Oliveira (décédé en 2015 à l'âge de 106 ans) signe son premier film, le documentaire Doura Faina Fluvial (1931).
Y en a pas deux comme Angélique, l'histoire : Comme dans toute pièce de boulevard qui se respecte, les portes claquent et les quiproquos s'enchaînent ! Ça fait de mal à personne et ça fait pas mal à la tête... Jean Larivière reçoit donc la visite impromptue de son futur beau-père alors que Lina, sa maîtresse, est venue lui faire une scène. Le vieux barbon est séduit par la jeune femme, bientôt conquise elle aussi, et Jean qui a constaté qu'Angélique, la jeune fille qu'on lui destine, eh bien, elle est pas si mal que ça après tout, est tout heureux de l'épouser. C'est-y pas beau, tout ça ! La vie est vachement bien faite tout de même !
Colette Darfeuil
C'est l'actrice Colette Darfeuil qui interprète le rôle de Lina dans Y en a pas deux comme Angélique. "Fort appétissante jeune femme, élégante mais non pas distinguée" (Noir & Blanc, Olivier Barrot et Raymond Chirat), Colette Darfeuil aurait pu aligner une carrière équivalente à celles d'une Ginette Leclerc (La femme du boulanger) ou d'une Viviane Romance (La belle équipe), deux actrices habituées, elles aussi, aux emplois de tentatrices aux mœurs frivoles.
Oui, mais voilà, notre amie Colette est trop restée cantonnée aux vaudevilles pendant les années 30, passant allègrement de Eau, gaz et amour à tous les étages (Lion, 1930) à La belle de Montparnasse (Cammage, 1937), tout en papillonnant dans Tout pour l'amour (May, 1933), Le chéri de sa concierge (Guarino-Glavany, 1934), Tout va très bien, Madame la Marquise (Wulschleger, 1936) ou Prête-moi ta femme (Cammage, 1936).
L'un des rares films d'après-guerre avec Colette Darfeuil en vedette
Colette Darfeuil se livra aussi sans compter dans le comique troupier, genre à succès de l'époque (voir notamment Soldat Duroc, ça va être ta fête). Elle fricote ainsi avec les pioupious et les vieilles badernes dans Le béguin de la garnison (Weill et Vernay, 1932), Les bleus de la marine (Cammage, 1934), La caserne en folie (Cammage, 1934), Mam'zelle Spahi (de Vaucorbeil, 1934) ou J'arrose mes galons (Pujol, 1936).
Dans cette filmographie pléthorique (soixante-dix films en dix ans !), on peut sauver La fin du monde (1930), le chef-d’œuvre d'Abel Gance, et La chanson du souvenir (1936), signé par le grand Douglas Sirk (Écrit sur du vent, Mirage de la vie, Le secret magnifique, Tout ce que le ciel permet, etc.), peu de temps avant que celui-ci ne file aux États-Unis. Colette Darfeuil a également tourné sous la direction de bons réalisateurs comme Robert Siodmak (Autour d'une enquête, 1931), Maurice Tourneur (Le patriote, 1938) et Julien Duvivier (Untel père et fils, 1940).
Colette Darfeuil et Pierre Fresnay dans L'escalier sans fin (Lacombe, 1943) (image : www.toutlecine.com)
Après 1939, Colette Darfeuil n'apparaît plus que fugitivement au cinéma. On la voit notamment dans Bibi Fricotin (Blistène, 1950), avec Maurice Baquet, et dans Le costaud des Batignolles (Lacourt, 1951), où sévit le tandem de choc Raymond Bussières et Annette Poivre. Elle est décédée dans l'anonymat à l'âge respectable de 92 ans en 1998.