Le Film du jour n°60 : Le chat miaulera trois fois
Titre original : A noi piace freddo...!
Un film italien de STENO (1961) avec Ugo Tognazzi, Francis Blanche, Yvonne Furneaux, Raimondo Vianello, Peppino de Filippo...
Vous l'aurez deviné au premier coup d’œil, le titre français du Film du jour se veut un décalque humoristique du fameux Train sifflera trois fois (1952), le western intellectuel de Fred Zinneman interprété par Gary Cooper et Grace Kelly. "Intellectuel" au sens où le film de Zinneman, comme dans les tragédies classiques, respecte la règle des trois unités : unité de lieu, unité de temps et unité d'action. Il est 10 h 30 au début du long métrage et le dénouement intervient à midi (le titre original du film est High Noon).
"Intellectuel" aussi, parce que Le train sifflera trois fois, dont le scénario est signé Carl Foreman, une victime du maccarthysme, peut se lire comme une allégorie du reniement et de la trahison. "Comme le triple reniement de Pierre avant le chant fatidique du coq, les trois coups de sifflet d'une locomotive retentissent comme les premières notes du grand air de la trahison", écrit Gilbert Salachas, dans le Dictionnaire de films de Bernard Rapp et Jean-Claude Lamy.
Gendarmes et voleurs (1951), célèbre comédie cosignée par Steno et Mario Monicelli
Bref, revenons sur terre... Le chat miaulera trois fois, film signé par Steno, l'un des spécialistes de la comédie populaire italienne, n'a pas ce type d'ambition.
De son vrai nom Stefano Vanzina, Steno (1915-1988) démarre sa carrière de réalisateur en tandem avec Mario Monicelli, un grand nom du cinéma transalpin. Les deux cinéastes signeront ensemble une dizaine de films, dont Au diable la célébrité (1949) avec le boxeur Marcel Cerdan (!), et Gendarmes et voleurs (1951) avec le célèbre comique Toto.
A partir de 1952, Steno en solo s'engage dans une carrière placée sous le signe de la fidélité à Toto, puisque ce dernier joue dans une douzaine de longs métrages mis en boîte par le réalisateur, jusqu'à la dernière apparition de l'acteur napolitain dans Caprice à l'italienne (1968). C'est aussi Steno qui révèle en 1954 Alberto Sordi, autre grand comédien italien, dans Les gaietés de la correctionnelle. Quelques acteurs français feront aussi un détour devant sa caméra comme Francis Blanche (Le chat miaulera trois fois donc), Brigitte Bardot (Les week-ends de Néron, 1956) ou Louis de Funès (Fripouillard et Cie, 1959).
Brigitte Bardot aux côtés de Vittorio de Sica et Gloria Swanson dans Les week-ends de Néron (1956) de Steno (image : www.toutlecine.com)
Au détour des années 70, faute de disposer d'interprètes de la classe de Toto, Steno est obligé de se rabattre sur des "vedettes" de cabaret aux grimaces passablement outrancières. C'est à cette époque qu'il signe des bandes aux titres évocateurs et follement attirants comme Comment épouser une Suédoise (1971) ou Elles sont dingues, ces nénettes (1972). Puis c'est Bud Spencer qui entre en scène.
Steno signera ainsi plusieurs films où le gros barbu n'en finit plus d'asséner les mandales : Un flic hors-la-loi (1973), Le cogneur (1975), Inspecteur Bulldozer (1978), Pied-Plat sur le Nil (1979) et Banana Joe (1982). Au terme d'une carrière bien remplie, notre réalisateur retrouvera une verve originale avec Il tango della gelosia (1981) et Monica Vitti, film qui battra tous les records de recettes de l'autre côté des Alpes.
Le chat miaulera tois fois, l'histoire : En 1943, Rome est occupée par l'armée allemande. Deux trafiquants du marché noir sont pris par une danseuse pour deux résistants chargés d'exécuter un colonel SS (interprété par Francis Blanche... pas de problème, on est dans une comédie !). Ils sont arrêtés. L'un des deux est alors considéré comme étant le Chat, un grand chef de la Résistance. Il tente en vain de s'évader. L'arrivée des Américains le sauvera.
Yvonne Furneaux
Principale interprète féminine du Chat miaulera trois fois, la sublime Yvonne Furneaux, de son vrai nom Elisabeth Scarcherd, est née à Lille de parents anglais en 1928. En l'espace de vingt ans (de 1953 à 1973), elle va marquer de son empreinte indélébile tout un pan des cinématographies américaine, française, britannique et italienne (et hanter à jamais les paysages fantasmatiques de toute une génération de cinéphiles).
Dès ses débuts au cinéma, elle côtoie Erroll Flynn (malheureusement déjà fatigué et passablement bouffi) dans Le vagabond des mers (Keighley, 1953), Le maître de Don Juan (Krims, 1953) et L'armure noire (Levin, 1955). Yvonne Furneaux apparaît également aux côtés de Laurence Olivier dans la version cinématographique de L'opéra des gueux (1953) signée par l'anglais Peter Brook. En Italie, elle figure aux génériques de Femmes entre elles (Antonioni, 1955) et de La Dolce Vita (Fellini, 1959). En 1959, on l'aperçoit aussi outre-Manche dans La malédiction des pharaons (Fisher, 1959), film d'épouvante de la grande période de la Hammer.
La pauvre Yvonne Furneaux a les chocottes face à Christopher Lee dans La malédiction des pharaons (Fisher, 1959) (image : www.toutlecine.com)
En France, Claude Autant-Lara l'enrôle auprès de Louis Jourdan dans Le comte de Monte-Cristo (1961), puis la glisse entre Robert Hossein et Marina Vlady dans Le meurtrier (1962). Traversant les frontières en un clin d’œil, Yvonne Furneaux fait ensuite un petit détour par le péplum italien dans les rôles-titres de Sémiramis, déesse de l'Orient (Zeglio, 1962) et Hélène, reine de Troie (Ferroni, 1964). Dans ce dernier film, quelles que soient les avanies qu'elle subit (naufrage, traversée du désert en plein cagnard, déshydratation avancée, etc.), son maquillage et sa coiffure restent impeccables (parce qu'elle le vaut bien, me direz-vous...).
Yvonne Furneaux et Catherine Deneuve dans Répulsion (1964) de Roman Polanski (image: www.horrorphile.com)
Toujours pas fatiguée et toujours aussi fortiche, la Vovonne franchit alors le Rhin pour affronter Les rayons de la mort du docteur Mabuse, film également connu sous le nom de Mission spéciale au deuxième bureau (Fregonese, 1964). On se souvient encore d'Yvonne Furneaux dans le rôle de la sœur (saine d'esprit, elle !) de Catherine Deneuve dans Répulsion de Polanski (1964), réalisé en Angleterre. Elle tournera par ailleurs sous la direction du Français Claude Chabrol (Le scandale, 1966) et celle de l'Italien Dino Risi (Au nom du peuple italien, 1971). Quand je vous disais qu'Yvonne Furneaux, c'était pas n'importe qui !
Ci-dessous la bande-annonce de La malédiction des pharaons avec une momie (Christopher Lee tout en bandelettes) qui en pince grave pour Yvonne Furneaux :