Le Film du jour n°6 : Bouboule Ier, roi nègre
Un film français de Léon MATHOT (1933) avec Georges Milton, Simone Deguyse, Victor Vina, Fifi Precar...
Voilà un film qui fleure bon (ou plutôt mauvais) le colonialisme et la condescendance envers les peuples indigènes d'Afrique noire... L'attitude était assez traditionnelle dans les films français de l'entre-deux-guerres, que ceux-ci ressortent du comique boulevardier (comme ici) ou entrent dans une catégorie particulièrement bien fournie dans les années 30 et communément vilipendé : le cinéma colonial. Un genre passé de mode après la Seconde Guerre mondiale pour cause de... décolonisation justement, et judicieusement revisité, avec une bonne dose de recul, par Bertrand Tavernier dans Coup de torchon (1981).
Le grand jeu (1933) de Jacques Feyder, un grand moment du cinéma colonial français
Le film colonial français, qu'est ce que c'est ? Un assemblage plus ou moins bien agencé de légionnaires qui sentent bon le sable chaud, de batailles que les Français gagnent contre les natifs du coin (malgré le déséquilibre des forces en présence), des baroudeurs burinés qui cachent un grand cœur, des aventuriers qui veulent oublier ou faire oublier un passé peu glorieux, des prostituées revenues de tout qui sont tout droit sorties d'une filière de traite des Blanches, des dames du monde qui viennent s'encanailler à bon compte dans les colonies, etc.
Genre codifié par excellence, le film colonial français n'en compte pas moins de belles réussites comme Le grand jeu (1933) de Jacques Feyder avec Marie Bell et Pierre Richard-Willm ou La bandera (1935) de Julien Duvivier avec Jean Gabin et Robert Le Vigan. Et, comme l'indiquent Claude Beylie et Philippe d'Hugues dans Les oubliés du cinéma français, ouvrage paru aux éditions Cerf, bien d'autres réalisateurs hexagonaux ont livré des œuvres "de moindre ampleur [qui] dissimulent, sous leur apprêt de nanars, une plus juste appréhension du genre". Et les deux auteurs de citer notamment Jacques Séverac (Les réprouvés en 1936 avec Jean Servais), Léon Poirier (Brazza ou l'épopée du Congo en 1939), Maurice Gleize (Légions d'honneur en 1938 avec Charles Vanel ; L'appel du bled en 1942 avec Madeleine Sologne), René Chanas (L'escadron blanc en 1948 ; La patrouille des sables en 1954, ultime sursaut du cinéma colonial).
Bouboule Ier, roi nègre, l'histoire : Bouboule est chargé par des bandits de passer frauduleusement des diamants de France au Sénégal. Les bandits ont pris sur sa tête une assurance-vie et tentent de le faire disparaître au cours de la traversée. Mais Bouboule déjoue leurs manœuvres et s'installe dans un village sénégalais dont il devient roi.
Georges Milton
Personnage récurrent tout au long des années 30, Bouboule est interprété par le chanteur comique Georges Milton (1886-1970), parfait représentant du citadin français moyen à l'humour rigolard et adepte de la débrouillardise.
De son vrai nom Georges Michaud, ami de Maurice Chevalier et interprète de l'indétrônable "Pouet-Pouet" et de l'inoubliable "Fille du bédouin", l'homme se vit tresser des couronnes par bon nombre de ses contemporains.
L'affiche de l'un des multiples films tournés par Georges Milton dans les années 1930
De fait, dès 1930, de nombreux cinéastes tentèrent de transposer dans les salles obscures les succès que Milton connaissaient à la scène avec des films comme Le roi des resquilleurs (Colombier, 1930), Le comte Obligado (Mathot, 1934) ou la série des Bouboule qui connut trois volets (La bande à Bouboule, 1931 ; Bouboule 1er, roi nègre, 1933, tous deux de Léon Mathot, et Le prince Bouboule, 1938, de Jacques Houssin).
L'acteur fut aussi Le roi du cirage (Colombier, 1931), Nu comme un ver (Mathot, 1933), Gangster malgré lui (Hugon, 1935) et l'un des Deux combinards (Houssin, 1937). En 1935, Milton s'était quand même glissé dans les vêtements de Jérôme Perreau, héros des barricades sous Anne d'Autriche, dans le film éponyme d'Abel Gance. Après guerre, l'homme ne tournera plus que deux films pour le cinéma : Ploum, ploum, tra la la (Hennion, 1946) puis Et dix de der (Hennion, 1947). Et le nom de Milton, qui officia encore à la radio pendant quelques années - s'enfonça dans un anonymat d'où il n'est pas vraiment ressorti depuis...