Le Film du jour n°57 : Pas de caviar pour tante Olga
Un film français de Jean BECKER (1965) avec Pierre Brasseur, Pierre Vernier, Sophie Daumier, Dora Doll, Francis Blanche...
Pas de chance pour Tante Olga, elle est privée de caviar, la vilaine ! Mais, dans l'histoire du cinéma, elle n'est pas la seule à avoir subi un tel affront... Ainsi, il n'y eut Pas de lauriers pour les tueurs en 1963, un excellent film d'espionnage de Mark Robson avec Paul Newman, puis Pas de printemps pour Marnie en 1964, un film à tendance psychanalytique de Hitchcock avec Sean Connery et Tippi Hedren. Suivirent Pas de larmes pour Joy en 1968, premier long métrage de Ken Loach qui suit le quotidien des petites gens des quartiers pauvres de Londres, et Pas d'orchidées pour Miss Blandish en 1971, un film de Robert Aldrich, d'après le célèbre roman de James Hadley Chase.
Œuvre comique à la limite du farfelu, agrémentée de délires visuel et verbal (les dialogues sont dus à Henri Jeanson), Pas de caviar pour Tante Olga s'inspire d'un roman d'Exbrayat et constitue la troisième réalisation du français Jean Becker. Né en 1933, celui-ci n'est autre que le fils du célèbre Jacques Becker (1906-1960) à qui l'on doit de grands films comme Goupi Mains-Rouges (1942), Rendez-vous de juillet (1949), Casque d'or (1951) ou Touchez pas au grisbi (1953). Jean Becker fut d'ailleurs l'assistant de son père et tourna plusieurs scènes du Trou (1960) afin de soulager Jacques Becker, déjà très malade.
Un bon polar signé par Jean Becker en 1961 avec Bébel (image : cinema-francais.com)
Jean Becker a également signé dans les années soixante plusieurs films policiers assez bien troussés avec Jean-Paul Belmondo comme Un nommé La Rocca (1961), Échappement libre (1964) et Le voyou (1967). Après un silence d'une dizaine d'années, il est revenu en force au premier plan avec L'été meurtrier (1983). C'est avec ce gros succès qu'Isabelle Adjani gagna ses galons de star populaire et, accessoirement, un César de la meilleure actrice.
On doit également à Jean Becker Élisa (1995) avec Vanessa Paradis, future puis ex Madame Johnny Depp, et Clotilde Courau, future princesse de Savoie, Les enfants du marais (1999), encore un beau succès au box-office, Un crime au paradis (2001), remake de La Poison (1951) de Sacha Guitry avec Villeret et Balasko, et Effroyables jardins (2003). Depuis 2006, le réalisateur a encore accéléré le rythme et a bouclé Dialogue avec mon jardinier (2006) avec Daniel Auteuil et Jean-Pierre Darroussin, Deux jours à tuer (2007) avec Albert Dupontel, La tête en friche (2009) avec Gérard Depardieu et la délicieuse Gisèle Casadesus, Bienvenue parmi nous (2011) avec Patrick Chesnais et Miou-Miou, et Bon rétablissement ! (2013) avec Gérard Lanvin.
Gros succès au cinéma pour ce film signé en 2010 par Jean Becker (image : www.cinemactu.com)
Pas de caviar pour tante Olga, l'histoire : Dans le bureau parisien de l'OTAN où elle fait le ménage, une jeune femme, Rosa (Dora Doll), a dérobé pour le compte de son amant un microfilm surnommé "Le caviar de tante Olga". Avec sa fille naturelle, elle part pour Lyon afin de remettre le document à celui dont elle espère que la reconnaissance lui vaudra un époux... Entre-temps, son amant a reçu l'ordre de livrer le microfilm à un mystérieux Monsieur Casimir (non, ce n'est pas le monstre gentil de l'Ile aux enfants ; la grosse boule orange avec la voix de fausset n'était pas encore née en 1965, tss...). Il consent à emmener avec lui Rosa mais lui demande en contrepartie de confier sa fille à son grand-père maternel. Rosa sera assassinée, alors que c'est Lily, sa fille, qui détient sans le savoir le microfilm (Je t'aime bien, Lily, alors fais gaffe aux requins qui rôdent autour de toi...).
Un petit extrait du dialogue pour vous faire saliver :
Francis Blanche [accueillant sa fille, Sophie Daumier] : - Ah, voilà les amoureux ! Juliette et Roméo, comme disait Shakespeare... Shakespeare que tu as fait un bon voyage ! (oui, moi aussi, j'ai eu du mal à saisir la blague...)
- Je t'en prie, Papa, fais-moi grâce de tes calembours !
- Allez... embrasse Papa sur les deux joues. Dame, je n'en ai que deux... Je ne suis pas comme Napoléon qui en avait cent : les cent joues ! (Henri Jeanson, t'es trop fort !)
Dora Doll (image : www.udenap.org)
Dora Doll, l'héroïne de Pas de caviar pour tante Olga, est née Dorothea Feinberg en 1922. De par son physique de blonde plantureuse un tantinet vulgaire, elle s'est souvent retrouvée cantonnée au cinéma dans des rôles de professionnelles du trottoir ou de femmes de petite vertu. Dora Doll, qui a débuté en 1938 dans Entrée des artistes de Marc Allégret, joue notamment la bonne copine de Jeanne Moreau dans Touchez pas au grisbi.
Jeanne Moreau, Dora Doll, Jean Gabin et René Dary dans Touchez pas au grisbi (image : www.toutlecine.com)
En fait, Dora Doll traverse tout le cinéma français populaire du samedi soir de la fin des années 40 au milieu des années 60. On la alors voit souvent chez l'ami Jean Gourguet, un spécialiste des mélodrames dominés par le sexe (discret quand même le sexe, mais les sujets frôlent souvent le scabreux...). Dora Doll figure ainsi aux génériques de La fille perdue et de Maternité clandestine, deux films que Gourguet signe en 1953. Elle émarge également au casting de La cage aux souris (1954) et des Frangines (1959) du même réalisateur.
Lino Ventura et Dora Doll dans 125, rue Montmartre (Grangier, 1959) (image : www.toutlecine.com)
L'actrice promène aussi sa silhouette voluptueuse dans des "perles" comme Pas de souris dans le bizness (Lepage, 1954), La foire aux femmes (Stelli, 1954), Fernand cow-boy (Lefranc, 1956), Miss Pigalle (Cam, 1957), Certaines chattes n'aiment pas le mou (Logan, 1974), Y en a plein les bottes (Marischka, 1975) ou Les filles du régiment (Bernard-Aubert, 1978).
Même si ses rôles sont parfois courts, Dora Doll n'en est pas moins passée devant les caméras de réalisateurs réputés comme Marcel L'Herbier (Entente cordiale, 1939), Abel Gance (Paradis perdu, 1939), Henri-Georges Clouzot (Quai des Orfèvres, 1947, Manon, 1948), Jean Renoir (French Cancan, 1954, Elena et les hommes, 1955), Edward Dmytryk (Le bal des maudits, 1957), Henri Verneuil (Mélodie en sous-sol, 1962), Bertrand Blier (Calmos, 1975), Jean-Jacques Annaud (La victoire en chantant, 1976, Coup de tête, 1978), Fred Zinnemann (Julia, 1977), Claude Chabrol (Violette Nozière, 1977), Ettore Scola (La nuit de Varennes, 1985), Paul Vecchiali (Encore, 1987) ou Jean-Pierre Mocky (Le mari de Léon, 1992). Une vraie mémoire du cinéma à elle toute seule !
Dora Doll dans Comme un boomerang (Giovanni, 1975) (image : cineclap.free.fr)
Récemment, on a encore aperçue Dora Doll (mais, à plus de 80 ans, la blonde plantureuse n'est plus qu'un souvenir...) dans Je vous trouve très beau (2006), le film d'Isabelle Mergault avec Michel Blanc, dans Jacquou le croquant (2007) de Laurent Boutonnat, et dans La part animale (2007) de Sébastien Jaudeau.
Présente aussi dans de nombreux téléfilms et séries TV, Dora Doll fut l'épouse de l'acteur Raymond Pellegrin de 1949 à 1955 (ils eurent une fille ensemble). Elle a également été mariée au chanteur François Deguelt de 1965 à 1971. Retirée dans le Sud de la France, Dora Doll, décédée le 15 novembre 2015, avait connu de graves difficultés financières à la fin de sa vie.
Ci-dessous, un sketch tourné pour la télévision par Dora Doll avec Pierre Tchernia :