Le Film du jour n°50 : Il pleut toujours où c'est mouillé
Un film français de Jean-Daniel SIMON (1974) avec Jean Le Mouël, Myriam Boyer, Jacques Serres, Sylvie Fennec...
Certains lecteurs se plaignent ici ou là que le Film du jour n'évoque que des longs métrages sans intérêt, des nanars ou, pire, des débilités sans nom. Nous nous inscrivons en faux contre cette opinion. L'aubergine était presque farcie, Mais... qu'avez-vous fait à Solange, Cache ta femme, prends ton fusil, voici les Scavengers, La mort a pondu un œuf ou Les grands sentiments font les bons gueuletons sont de très bonne tenue et méritent un visionnage attentif.
Le long métrage traité aujourd'hui constitue une nouvelle preuve du "sérieux" de cette rubrique. Il pleut toujours où c'est mouillé, qui se veut un film, si ce n'est politique, tout du moins engagé, expose en effet les problèmes ruraux de la France des années 70, les difficultés de la petite paysannerie pour joindre les deux bouts et les manœuvres politiciennes de groupuscules de droite à l'approche d'élections législatives.
Jean-Daniel Simon. Son film, Il pleut toujours où c'est mouillé, reçut en 1975 le Prix Paul Vaillant-Couturier des mains de Roland Leroy, membre du comité directeur du parti communiste français
Cinéaste ambitieux, Jean-Daniel Simon, né en 1942, a déjà trois longs métrages derrière lui lorsqu'il signe Il pleut toujours où c'est mouillé. Assistant réalisateur depuis 1960 (pour Maurice Pialat et Claude Lelouch notamment), il avait débuté en 1967 par La fille d'en face, une histoire d'amour romantique sur un scénario de Roman Polanski et de Gérard Brach, avec Dani en vedette.
Jean-Daniel Simon enchaîna l'année suivante avec Adélaïde, qui compte les rivalités d'une mère et d'une fille attirées par le même homme sur fond de landes bretonnes. A l'affiche, Ingrid Thulin (une actrice fétiche d'Ingmar Bergman) et Jean Sorel. Intitulé Ils... (1970) et interprété par Charles Vanel, Michel Duchaussoy et Alexandra Stewart, son troisième film se veut, quant à lui, une "dénonciation du malthusianisme culturel de la bourgeoisie" (je vous livre ça tout de go... je ne sais pas ce que ça veut dire... j'ai toujours été d'une nullité crasse en philosophie et en sociologie).
L'échec public de ce dernier film, tout comme celui de Il pleut toujours où c'est mouillé, mettra un terme quasi définitif à la carrière cinématographique de Jean-Daniel Simon (il signera toutefois en 1977 un documentaire sur Angela Davis).
Ce documentaire de 1977 est le dernier film réalisé pour le grand écran par Jean-Daniel Simon
Il pleut toujours où c'est mouillé, l'histoire : Un petit village du Lot-et-Garonne pendant la campagne électorale pour les législatives. André, un paysan, connaît avec sa femme Marianne une vie matérielle difficile et n'a pas le temps de s'occuper de politique : le vieux tracteur est hors d'usage, l'argent manque et les moissons approchent (sanglots compatissants...). André tente une démarche auprès du Crédit agricole, mais il n'est pas prioritaire (comme chacun sait, l'argent va à l'argent : il pleut toujours où c'est mouillé, autrement dit) et sa neutralité politique exclut tout piston. Il est toutefois obligé d'intervenir lorsque des hommes du SAC (Pasqua, si tu nous lis...) dirigés par un certain Raoul, ancien repris de justice, molestent son ami Pierre, militant communiste, et tabassent Marianne après avoir saccagé la ferme. André tend un piège à Raoul et le rue de coups. Lorsqu'il est appréhendé par la police, ses amis lui fournissent un alibi (tout ça, c'est un petit peu manichéen, mais, bon, c'est l'époque qui voulait ça).
Myriam Boyer
Née en 1948 à Lyon sur la colline de la Croix-Rousse, Myriam Boyer joue Marianne dans Il pleut toujours où c'est mouillé. Premier prix de conservatoire à Lyon à dix-sept ans, elle apparaît pour la première fois au cinéma dans Peau d'âne (Demy, 1970) dans un rôle non crédité. Ne craignant ni le ridicule, ni le contre-emploi, on la repère en épouse psychotique de Patrick Dewaere dans Série noire (Corneau, 1979), une prestation qui lui vaut une nomination de meilleur second rôle féminin aux César en 1980.
Elle joue aussi les ouvrières à la chaîne dans Le voyage à Paimpol (1986), signé par son mari John Berry, et les nourrices dans Tous les matins du monde (Corneau encore, 1990). Myriam Boyer passe également plusieurs fois devant la caméra de Bertrand Blier (Trop belle pour toi, 1988 ; Un, deux, trois, soleil, 1992, deuxième nomination comme meilleur second rôle féminin aux César) et devant celle de Claude Sautet (Vincent, François, Paul et les autres, 1974 ; Un cœur en hiver, 1991).
Myriam Boyer et Patrick Dewaere dans Série noire (Corneau, 1979) (image : www.toutlecine.com)
Maman de Clovis Cornillac, né en 1967 (le père de l'acteur est le metteur en scène de théâtre Roger Cornillac), Myriam Boyer a également réalisé elle-même un film - La mère Christain (1998) - qui narre la vie de petites gens dans les milieux populaires lyonnais qu'elle connaît bien. Elle a épousé en 1985 le réalisateur américain John Berry (1917-1999), dont la carrière fut brisée par le maccarthysme et qui se réfugia en France au début des années 50. John Berry réalisa notamment dans l'Hexagone des films policiers avec Eddie Constantine (Ça va barder, 1954 ; Je suis un sentimental, 1955 ; A tout casser, 1967) ainsi qu'un Fernandel assez moyen (Don Juan, 1955). Il fit jouer Myriam Boyer dans Le voyage à Paimpol et dans Il y a maldonne (1987) (avec, aussi, dans ce dernier film, le fiston Clovis qui interprétait là son deuxième rôle sur grand écran après Hors-la-loi (1985) de Robin Davis).
Myriam Boyer dans La mère Christain, le film qu'elle a réalisé en 1998 (image : www.toutlecine.com)