Le Film du jour n°47 : Ma tante dictateur
Un film français de René PUJOL (1939) avec Marguerite Moréno, Fernand Charpin, Pauline Carton, Christian Gérard, Gaby Wagner...
Avec Ma tante dictateur, on évolue à cent coudées (en dessous évidemment) du Dictateur (1940), film dans lequel Charlie Chaplin, qui apparaît sous les traits de Charlot pour la dernière fois au cinéma, ridiculise le dictateur Hynkel et... règle ses comptes à Hitler. Non, ici, nous sommes plutôt dans le registre du gros vaudeville où l'objectif vise à faire rigoler sans arrière-pensée et sans migraine excessive.
Les films de René Pujol (1887-1942), un spécialiste du comique troupier et de la comédie provençale, sont d'ailleurs tous fabriqués dans ce but, et certains d'entre eux furent même de très gros succès commerciaux dans les années 30. Ce fut le cas de Chacun sa chance (1930), version française d'un film allemand de Hans Steinhoff où débute un Jean Gabin de 25 ans. Les rois de la flotte (1937), Un de la Canebière (1938) et Titin des Martigues (1938) permirent également à leurs producteurs de se remplir copieusement les poches.
Chacun sa chance (1930) de René Pujol marque les débuts de Gabin à l'écran (image : www.toutlecine.com)
Également scénariste très prolifique, René Pujol fit tourner par deux fois le comique troupier Bach (1882-1953) qui endossa l'uniforme dans une vingtaine de films entre 1930 et 1949. Désormais oublié mais très populaire à l'époque ("L'ami Bidasse" fut l'un de ces tubes), Bach joue ainsi dans Bach détective (1936) et J'arrose mes galons (1936). René Pujol fut par ailleurs à l'origine du "cycle" des Trois artilleurs, aujourd'hui complètement démodé. Il signa Trois artilleurs au pensionnat (1937) et Trois artilleurs en vadrouille (1938).
Ma tante dictateur, l'histoire : Ma tante dictateur est une adaptation d'une pièce d'Eugène Labiche, Maman Sabouleux. Un jeune homme emprunte une grosse somme à sa tante pour acheter une épicerie. Mais, en fait, il veut utiliser cet argent pour "lancer" sa femme au théâtre. Un jour, la tante, à qui on ne la fait pas, vient visiter "l'épicerie". Les quiproquos vont s'enchaîner...
Marguerite Moréno (et Sacha Guitry) dans Le roman d'un tricheur (Guitry, 1936) (image : www.toutlecine.com)
La tante du film, c'est Marguerite Moréno (de son vrai nom Lucie Marie Marguerite Monceau), grande comédienne, premier prix de Conservatoire et pensionnaire de la Comédie-Française. Certes, Ma tante dictateur ne fait pas partie des meilleurs films qu'elle ait tournés... Mais elle est exceptionnelle dans le rôle de Madame Thénardier dans Les Misérables (1933) de Raymond Bernard (une version qui surpasse toutes les autres adaptations du roman de Victor Hugo, très loin devant celle de Jean-Paul Le Chanois avec Jean Gabin). Elle atteint également des sommets dans Douce (1943), le chef-d’œuvre d'Autant-Lara, où elle joue la terrible grand-mère, douairière pleine de préjugés adorant sa petite-fille, interprétée par Odette Joyeux. Sacha Guitry fit également appel à Marguerite Moréno dans plusieurs de ses films et, notamment, dans Le roman d'un tricheur (1936), Le mot de Cambronne (1937) et Ils étaient neuf célibataires (1939).
Dotée d'un physique disons... euh... difficile (ce qui ne l'a pas empêché d'être très appréciée de la gent masculine), il lui a souvent fallu mettre l'accent sur ses "disgrâces" physiques pour le besoin de ses rôles. Son amie Colette rapporte une anecdote à ce propos, anecdote citée dans l'excellent ouvrage Noir & blanc : 250 acteurs du cinéma français 1930-1960 d'Olivier Barrot et Raymond Chirat. Pendant une prise de vues, le metteur en scène lui crie : "Attention, bon Dieu, Moreno, tu es jolie ! - Je te demande pardon, mon vieux, répond Moreno, j'étais distraite". Tout le personnage est là. Née en 1871, Marguerite Moréno est décédée en 1948.
Ci-dessous, Marguerite Moreno et Michel Simon dans La chaleur du sein (1938) de Jean Boyer :