Le Film du jour n°37 : Mais qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu pour avoir une femme qui boit dans les cafés avec les hommes ?
Un film français de Jan SAINT-HAMONT (1980) avec Michel Boujenah, Robert Castel, Antoinette Moya, Lorraine Bracco...
Vous l'avez compris, le Film d'aujourd'hui possède très certainement le titre le plus long du cinéma français... et c'est sans nul doute là le seul titre de gloire de ce long métrage qui se veut la quintessence de l'humour pied noir (Jan Saint-Hamont est également l'un des coscénaristes du Coup de sirocco (1978) d'Alexandre Arcady). Mais qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu... est aussi le premier film où apparaît Michel Boujenah, né en 1952, comique qui sera révélé au cinéma cinq ans plus tard aux côtés de Roland Giraud et André Dussolier dans Trois hommes et un couffin (Coline Serreau, 1985). Michel Boujenah décrochera d'ailleurs le César du meilleur second rôle à cette occasion.
Il est à remarquer que les films français dotés de titres à rallonge sont légion. En voici quelques exemples :
- C'est pas parce qu'on n'a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule (Besnard, 1974) avec Bernard Blier, Jean Lefebvre et Michel Serrault,
- L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune (Demy, 1973), avec Mastroianni et Deneuve, titre qui a sans nul doute inspiré Que faisaient les femmes pendant que l'homme marchait sur la Lune ? (2002) du belge Chris Van Der Stappen (avec une Mimie Mathy dans un registre dramatique),
- Tout le monde n'a pas la chance d'avoir des parents communistes (Zilbermann, 1993) avec Josiane Balasko,
- Êtes-vous fiancée à un marin grec ou à un pilote de ligne ? (Aurel, 1970) avec Jean Yanne,
- et, bien entendu, le fameux Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu (Pécas, 1980).
A cette liste, il faut évidemment ajouter la plupart des films signés Michel Audiard, le spécialiste de cette figure de style : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968), Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais... elle cause (1969), Le cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1971) et Comment réussir dans la vie quand on est con et pleurnichard (1973).
Bel exemple d'un titre de film à rallonge que ce film de Woody Allen...
Quelques traductions de titres de films étrangers valent aussi leur pesant de cacahuètes, comme Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? (Scola, 1968), Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander (Allen, 1972), Docteur Folamour, ou comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe (titre intégral du film que Kubrick signa en 1964) et (je prends ma respiration...) Qu'il est dur d'être farceur, d'aimer la musique pop et les films d'horreur quand on a un père qui se présente aux élections ! (Smithee, 1987). Précisons qu'Alan Smithee est le nom traditionnellement utilisé par les réalisateurs américains lorsqu'ils ne souhaitent pas, pour diverses raisons, signer le film de leur propre patronyme !
Mais qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu, etc. l'histoire : D'origine pied-noir, Gaby Crémieux (Robert Castel, tel qu'en lui-même, avec accent et mimiques de rigueur...) dirige son garage de main de maître. Ses affaires sont prospères (youp, la, boum !) et il file le bonheur parfait auprès de sa femme Odette (perdu, ce n'est pas Marthe Villalonga, c'est Antoinette Moya qui s'y colle !). Oui, mais voilà qu'un polyvalent particulièrement pointilleux débarque (c'est Jacques Legras qui enfile le costume du fonctionnaire tatillon, un rôle routinier pour lui). La compatibilité du père Crémieux présentant quelques irrégularités, le polyvalent s'incruste... Bref, tout ça n'est pas très original...
Lorraine Bracco (image : www.s9.com)
Si le fils Crémieux est joué par Michel Boujenah, sa fiancée américaine est interprétée par Lorraine Bracco, une actrice que les fans de la série TV Les Sopranos connaissent bien, puisque le docteur Jennifer Melfi, c'est elle ! Qu'est-elle donc venue faire dans la galère Mais qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu... ?
En fait, Lorraine Bracco, née en 1954, est un mannequin vedette dans les années 70. Elle travaille à l'époque avec Jean-Paul Gaultier et rencontre dans l'Hexagone son premier mari. Elle débute donc au cinéma en France dans des comédies franchouillardes que l'on peut qualifier aimablement de "navrantes" (personne n'est parfait !). Elle joue ainsi dans Duos sur canapé (Camoletti, 1979), dans le film ici présent de Jan Saint-Hamont, ainsi que dans Fais gaffe à Lagaffe (Paul Boujenah, 1980), une adaptation ratée de la vie du héros de BD bien connu. Elle figure même dans un épisode TV de Commissaire Moulin, la classe absolue !
Lorraine Bracco joue l'épouse de Ray Liotta dans Les affranchis (Scorsese, 1989)
La filmographie de Lorraine Bracco s'améliore nettement dès son retour aux États-Unis, où elle épouse en secondes noces Harvey Keitel (c'est le potin du jour !). On la voit notamment dans Traquée (1987), l'excellent thriller de Ridley Scott, dans le tout aussi bon Mélodie pour un meurtre (Harold Becker, 1988) et, bien entendu, dans Les affranchis (1989), le chef-d'oeuvre de Martin Scorsese.
Dans un rôle qui lui vaut une nomination à l'Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle, elle y joue l'épouse du gangster repenti interprété par Ray Liotta. On se souvient tous de la fameuse scène où elle comprend in extremis que Robert de Niro est en train de la pousser dans un traquenard. Petite anecdote : dans le film, Margaux Guérard et Stella Keitel, les deux filles de Lorraine Bracco, jouent le rôle de la fille du couple Bracco/Liotta à différents âges de l'enfance.
Divorcée de Harvey Keitel en 1993, elle épouse l'année suivante une autre "gueule" de l'écran, l'acteur et réalisateur Edward James Olmos (dont elle divorcera en 2002). Sa carrière cinématographique marque alors le pas et l'actrice se recentre sur la télévision. Elle fera encore un petit coucou au cinéma français en apparaissant dans Les menteurs (1996), signé Elie Chouraqui.
Ci-dessous, la bande-annonce originale des Affranchis (1989) de Martin Scorsese avec Lorraine Bracco :