Le Film du jour n°242 : Ma femme... ma vache et moi

Publié le par lefilmdujour

Un film français de Jean DEVAIVRE (1951) avec Erminio Macaro, Irène Corday, Arlette Poirier, Albert Dinan, Jacques Dufilho, Fernand Sardou, Annette Poivre...

Nous l’avons déjà écrit ici. La vache (animal dont nous pensons pis que pendre, il va sans dire…) est un « personnage » qui apparaît de manière récurrente dans les titres de films, tant français qu’étrangers. L’importance de la vache dans l’histoire du cinéma français est telle qu’à intervalles réguliers la bestiole à la mamelle avantageuse joue carrément le rôle moteur d’un long métrage. On se souviendra forcément de la fameuse Marguerite que Fernandel traîne avec lui de Munich à Stuttgart dans La vache et le prisonnier (Verneuil, 1959). Preuve que la Normande ou la Limousine, c’est pas de la gnognotte, le réalisateur n’hésita pas à auditionner plus de six cents postulantes pour trouver la bonne !

Au panthéon des vaches sur celluloïd, on n’oubliera pas non plus l’excellente Dorothée, la bête à cornes expérimentale capable de rendre 200 litres de lait par jour dans Les malabars sont au parfum (Lefranc, 1965). Il convient également d’ajouter à cette modeste liste l’irrésistible Yolande qui accompagne l’acteur Rellys dans ses mésaventures dans Les mémoires de la vache Yolande (Neubach, 1951). Quoi qu’il en soit, on aurait bien tort de se moquer des réalisateurs qui ont le courage – le mot n’est pas trop fort – de bâtir leurs films autour d’un animal de la ferme. Robert Bresson, qui était tout sauf un rigolo (il suffit de voir un seul film du maître pour s’en souvenir à jamais…), a bien choisi un âne comme héros de son Au hasard Balthazar (1965)… et personne n’y a jamais rien trouvé à redire. D’aucuns meuglent même au chef-d’œuvre !

Anne (Wiazemsky) et son âne dans Au hasard Balthazar (Bresson, 1965) : tout sauf hilarant ! Pas comme Ma femme… ma vache et moi !

Ma femme… ma vache et moi, l’histoire : Marinette en a plus qu’assez de la vie à la campagne. Un beau jour, elle décide de monter à la capitale en laissant derrière elle son mari et son bébé. Mario, le monsieur de Marinette, se lance à la poursuite du train qui emporte sa moitié vers Paris, emmenant dans sa camionnette vache et marmot. N’ignorant pas que sa femme voulait faire du music-hall, il fait la tournée des grands ducs pour retrouver la pécheresse.

Dans la carrière du cinéaste Jean Devaivre (1912-2004), Ma femme… ma vache et moi se situe juste après L’inconnue de Montréal (1950), un film franco-canadien tourné au Québec avec René Dary et Patricia Roc, une célèbre actrice britannique des années 40 et 50 qui était alors mariée au directeur de la photographie français André Thomas (et qui, entre parenthèses, lui fit un enfant dans le dos avec l’acteur Anthony Steel… ah, ces Anglaises !). Dans la foulée de Ma femme… ma vache et moi, Jean Devaivre signa Un caprice de Caroline chérie (1952) où Martine Carol, tout en décolleté avantageux, reprenait le rôle de l’héroïne de Cecil Saint-Laurent. Un rôle qui l’avait starifiée deux ans plus tôt (Caroline Chérie, Pottier, 1950).

Après Un caprice de Caroline chérie (1950), film signé par Jean Devaivre, Martine Carol transposera son mythe dans une suite de films historiques réalisés par son mari Christian-Jaque : Lucrèce Borgia (1952), Madame du Barry (1954), Nana (1956)

Passé à la réalisation de longs métrages juste après la Seconde Guerre mondiale, Jean Devaivre s’était fait la main comme réalisateur de courts métrages puis assistant-metteur en scène pour le studio Continental, structure de production cinématographique mise en place à Paris par les Allemands sous l’Occupation. Il avait ainsi travaillé pour Richard Pottier (Huit hommes dans un château, 1942 ; Mon amour est près de toi, 1943 ; Les caves du Majestic, 1944), Maurice Tourneur (La main du diable, 1942) ou André Cayatte (Au bonheur des dames, 1943 ; Pierre et Jean, 1943).

Si Le roi des resquilleurs (1945) avec Rellys est son premier film, c’est son second, La dame d’onze heures (1947), qui le fait véritablement connaître. Polar au rythme effréné, souvent tourné dans des décors naturels, faisant un usage étonnant de l’ellipse et du flashback, l’œuvre a plus de dix ans d’avance sur le cinéma français de l’époque et vaudra à son auteur une réhabilitation méritée dans les années 90, notamment grâce à Bertrand Tavernier.

La dame d’onze heures (1947), un film remarquable de Jean Devaivre, avec Paul Meurisse

La ferme des sept péchés (1948) que Jean Devaivre boucle juste après La dame d’onze heures est tout aussi remarquable. Le film renoue avec le genre policier mais en le transposant au XIXe siècle via une enquête croisée sur la mort suspecte du journaliste et polémiste Paul-Louis Courier, assassiné d’un coup de fusil en 1825. Le réalisateur va ensuite s’essayer au western avec Vendetta en Camargue (1949) qui réunit Brigitte Auber, Rosy Varte et Jacques Dufilho, déjà au générique de La ferme des sept péchés.

Après la Camargue et le Québec (pour L’inconnue de Montréal), c’est au Maroc que Jean Devaivre, grand voyageur, tourne en 1953 Alerte au sud, avec Jean-Claude Pascal, Gianna Maria Canale et Eric Von Stroheim dans l’un de ses dernières prestations sur grand écran (l’acteur décédera en 1957). Sorte de James Bond avant la lettre, le film est un énorme succès au box-office et tient l’affiche pendant quatre ans. Jean-Claude Pascal remettra d’ailleurs le couvert avec le cinéaste en interprétant le rôle-titre du Fils de Caroline chérie (1954). Martine Carol n’est plus en course… mais elle est remplacée avantageusement par une Brigitte Bardot alors quasi débutante (Et Dieu… créa la femme ne sortira qu’en 1956).

Signé Jean Devaivre, Alerte au Sud (1953) tint l’affiche pendant quatre ans

Après Le fils de Caroline chérie, Jean Devaivre ne tournera plus que deux films, L’inspecteur aime la bagarre (1956) avec Paul Meurisse encore et Nicole Courcel, puis le documentaire Un Français à Moscou (1959). Moscou où il travaille sur le procédé Kinopanorama, concurrent soviétique du Cinérama qui diffuse également une image géante à partir de trois projecteurs différents.

Dans Laissez-passer (Tavernier, 2001), Jacques Gamblin interprète Jean Devaivre. A sa gauche, l’acteur Ged Marlon qui joue le réalisateur/scénariste communiste Jean-Paul Le Chanois

En 2002, Jean Devaivre publie ses mémoires sous le titre « Action ! ». Un ouvrage qui inspire en partie le film de Bertrand Tavernier Laissez-passer (2001), long métrage qui s’intéresse au cinéma sous l’Occupation via les destinées de deux hommes, l’un travaillant pour la Continental afin de cacher ses activités de résistant (l’assistant-metteur en scène Jean Devaivre, joué par Jacques Gamblin) et l’autre s’évertuant à refuser toutes les propositions émanant des Allemands (le scénariste Jean Aurenche, interprété par Denis Podalydès).

Publié dans Titres débiles

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