Le Film du jour n°237 : C'est à vous tout ça ?

Publié le par lefilmdujour

Titre original : Freude am fliegen

Un film allemand de Franz-Josef GOTTLIEB (1977) avec Gianni Garko, Corinne Brodbeck (alias Corinne Cartier), Ajita Wilson, Olivia Pascal, Betty Verges...

Une nouvelle fois, que la prude lectrice et le lecteur pudique se rassurent ! Le Film du jour ne s’est jamais hasardé et ne se hasardera jamais à vous parler de films pornos. L’auteur de ces lignes se limite aux films gentiment érotiques (ou aimablement salaces) qui, dans les années 70, récoltaient quand même l’interdiction aux moins de 18 ans (et non pas le label X). Une interdiction qui, de nos jours, serait certainement ramenée aux moins de 16 ans, voire aux moins de 12 ans, vu la précocité de certains ados (et l’accessibilité d’images plus ou moins licencieuses à la télévision ou sur Internet). Bref, tout ça pour vous dire que, si vous avez jamais l’occasion de tomber sur ce film au hasard des programmations des chaînes câblées ou de vos divagations sur le Web, C’est à vous tout ça ? ne risque pas de vous faire péter le palpitant et encore moins de vous émoustiller la libido jusqu’au point de non-retour.

Le film d’aujourd’hui appartient à la période « rose » du réalisateur autrichien Franz-Josef Gottlieb (1930-2006), converti depuis la fin des années 60 aux joyeusetés de la polissonnerie cinématographique qui submergeait les écrans du monde entier. L’homme avait démarré tout doucettement dans le genre, avec des documentaires sociologiques romancés inspirés d’ouvrages de médecins plus ou moins célèbres, comme celui du gynécologue néerlandais Theodoor Hendrik van de Velde (1873-1937), qui, dans « Le mariage parfait » (1930), prône un usage intensif, mais maîtrisé, de la sensualité dans la vie de couple. Si vous messieurs, vous ignorez encore comme rendre folle Bobonne, le Film du jour ne peut donc que vous conseiller vivement la vision des films de Herr Gottlieb comme Le miracle de l’amour (1967), Le mariage parfait (1968) ou Les difficultés de la vie sexuelle du couple (1969), également connu sous le titre moins évocateur de Pour le meilleur ou pour le pire...

La bande originale de deux films romancés d’éducation sexuelle matrimoniale réalisés par Franz-Josef Gottlieb et inspirés des ouvrages du gynécologue néerlandais Van de Velde : Le mariage parfait (1968) et Pour le meilleur et pour le pire (1969)

Après ce tour de chauffe, Franz-Josef Gottlieb se lança carrément dans l’érotisme le plus débridé avec des perles comme Laissez-vous croquer petites chattes (1969), Couple marié cherche couple marié (1969) ou Jeux d’amour chez les jeunes filles (1971). On lui doit aussi la parodie horrifique Lady Dracula (1978) avec une actrice principale (la russe Evelyn Kraft) qui n’a pas la tête à sucer que des glaçons, et un bodybuildeur en totale perte de vitesse, en l’occurrence l’américain Brad Harris (voir Le retour du gladiateur le plus fort du monde).

Evelyn Kraft (1951-2009), héroïne à dentier dans Lady Dracula (Gottlieb, 1975). Par la suite, l’actrice émargera au casting féminin d’Arrête ton char, bidasse (Gérard, 1977) et sera tête d’affiche du Colosse de Hongkong (1977), un King Kong à la sauce chinoise. Une référence !

Franz-Josef Gottlieb, il n’est peut-être pas inutile de le rappeler, avait démarré sa carrière de réalisateur en 1960 avec une comédie sirupeuse à souhait intitulée en français Vas-y Conny ! et mettant en scène Cornelia Froboess, actrice, chanteuse et idole de la jeunesse germanique à la fin des années 50. Née en 1943, la jeune femme fut l’héroïne de toute une flopée de films musicaux dans lesquels le spectateur énamouré pouvait suivre les aventures d’une adolescente berlinoise typique, partagée entre une famille trop stricte et des amis plus ou moins délurés en pleine émergence du rock’n’roll : L’amour en musique (Umgelter, 1958), Hop là, Conny (Paul, 1959), Si mon grand frère savait ça (Ode, 1959), Une sacrée gamine de seize ans (Grimm, 1959), Sérénade à deux (Jacobs, 1960), etc. Tout ça n’a évidemment plus grand intérêt !

Ne brillant guère par son originalité, le réalisateur autrichien s’était ensuite essayé à pratiquement tous les genres en vogue dans le cinéma populaire allemand des années 60 et, notamment, aux films policiers à ambiance mystérieuse inspirés des romans d'Edgar Wallace, un domaine où s’illustrèrent surtout les metteurs en scène Harald Reinl et Alfred Vohrer (voir Cybèle ou comment le dire à ma fille ?). C’est ainsi à Franz-Josef Gottlieb que l’on doit des titres qui fleurent bon la littérature de gare comme La malédiction du serpent jaune (1962), Le crapaud masqué (1963) (avec Klaus Kinski dans un petit rôle), Le fantôme de Soho (1963), La septième victime (1964) ou La serrure aux treize secrets (1964) (avec également Klaus Kinski).

L’une des adaptations des romans d’Edgar Wallace réalisées par Franz-Josef Gottlieb en 1962

C’est à vous tout ça ? l’histoire : Le film s’inspire librement du roman érotique publié par Erica Jong en 1973, « Le complexe d’Icare », livre dans lequel l’écrivain américain raconte sans complexe et avec une bonne dose d’humour les désirs, les fantasmes et les contradictions de la vie sexuelle féminine. Dans C’est à vous tout ça ?, on suit donc les pérégrinations d’une jeune femme dénommée Silvia et passionnée par un roman d’émancipation sexuelle intitulé « Freude am Fliegen » (La joie de voler en v.f., allusion "humoristique" au titre original américain du roman d’Erica Jong : "Fear of Flying", La peur de voler... j’en ris encore !). Se rendant à un congrès de psychanalystes à Vienne, Silvia rêve d’aventures olé-olé pendant son voyage en avion, à l’instar d’Isadora, l’héroïne d’Erica Jong. Elle rencontre alors Jörg, un homme d’affaires...

« C’est à vous tout ça ? - Quoi ? Ça ? », répond naïvement Corinne Cartier (de son vrai nom Corinne Brodbeck) en pleine lecture dans C’est à vous tout ça ? justement... On retrouvera l’actrice quelques années plus tard dans un Max Pecas (Belles, blondes et bronzées, 1981)

Au risque de décevoir certains lecteurs, le Film du jour ne s’attardera pas sur Corinne Brodbeck, l’actrice qui interprète Silvia dans C’est à vous tout ça ? Mais, qu’ils se rassurent, nous reviendrons sur le cas de la miss dans un prochain numéro. Intéressons-nous plutôt à Gianni Garko, celui qui endosse (et retire aussi, voir plus bas) le costume de Jörg. Si sa prestation dans C’est à vous tout ça ? ne vaut guère que l’on s’y attarde - la carrière cinématographique de l’acteur italien qui allait se reconvertir à la télévision touchait alors à sa fin -, l’homme avait marqué quelques années plus tôt l’histoire du cinéma en revêtant sur grand écran les vêtements noirs du redoutable Sartana !

Avec Sartana (Kramer, 1968), Gianni Garko, rebaptisé John Garko selon la mode anglo-saxonne qui prévalait au début du western-spaghetti, allait connaître la consécration internationale

Au même titre que Django, Ringo ou Sabata, Sartana figure au rang des héros mythologiques du western-spaghetti. Véritable ange de la mort, pistoléro mystique et ambigu, vêtu intégralement de noir, le personnage, joué par Gianni Garko (sous le nom de John Garko), apparaît pour la première fois en 1968 dans... ce n'est guère une surprise... Sartana, un film signé Frank Kramer (de son vrai nom Gianfranco Parolini). Gianni Garko reprendra le rôle plusieurs fois d'affilée. On le retrouve ainsi dans Le fossoyeur (Carnimeo, 1969), dans Bonnes funérailles, ami, Sartana paiera (Carnimeo, 1970) et dans Une traînée de poudre... les pistoléros arrivent (Carnimeo, 1970), trois films d'assez bonne tenue malgré leurs titres quelque peu parodiques.

C’est l’acteur Gianni Garko qui immortalisa au cinéma le personnage mythique de Sartana, une figure emblématique du western italien

Si Gianni Garko, né Giovanni Garkovich en 1935, remporta une véritable reconnaissance internationale avec Sartana, l’acteur avait fait ses débuts au cinéma quelques années plus tôt. En 1959, le réalisateur italien Gillo Pontecorvo lui avait déjà confié le rôle du soldat allemand dont s’éprend une jeune parisienne juive déportée dans Kapo, film qui suscita à l’époque une polémique sur la représentation de la solution finale à l’écran. Avant de s’imposer dans les westerns-spaghettis, Gianni Garko avait surtout écumé les péplums et films apparentés. On peut ainsi le voir dans Les Mongols (Savona, 1961) avec Jack Palance et Anita Ekberg, Maciste, l’homme le plus fort du monde (Leonviola, 1961) avec le musclé Mark Forest dans le rôle-titre, Ponce-Pilate (Callegari & Rapper, 1961) avec Jean Marais, ou Conquérants héroïques (Rivalta, 1962) aux côtés du bodybuildé Steve Reeves. L’acteur s’était également frotté à la comédie en jouant auprès d’Ugo Tognazzi dans Elle est terrible (Salce, 1961) et aux côtés de Fernandel et Gino Cervi dans Don Camillo en Russie (Comencini, 1965), le cinquième et dernier volet de la série.

Django ne prie pas (Siciliano, 1967), l’un des multiples westerns-spaghettis tournés entre 1966 et 1973 par Gianni Garko. L’acteur considère ce long métrage comme son meilleur.

C’est en 1966 que Gianni Garko est engagé en vedette sur ses deux premiers westerns-spaghettis (Le jour de la haine de Giovanni Fago et Le temps des vautours de Romolo Guerrieri). Rapidement les tournages s’enchaînent à un rythme effréné et l’acteur enquille pas moins d’une quinzaine de westerns italiens en cinq ou six ans, dont les quatre Sartana précités, Les colts de la violence (Siciliano, 1967), Quand les colts fument… on l’appelle Cimetière (Carnimeo, 1971), On l’appelle Spirito Santo (Carnimeo, 1971) et La charge des diables (Rosati, 1972). Dans ce dernier film, Gianni Garko joue un musulman, particularité suffisamment insolite dans un western pour être notée.

Devenu une star, Gianni Garko se retrouve parfois au casting de grosses coproductions internationales comme Waterloo (1969) de Sergueï Bondartchouk aux côtés de Rod Steiger, Christopher Plummer ou Orson Welles, mais il a du mal à véritablement sortir du genre qui l’a rendu célèbre. Lorsque la mode du western-spaghetti commence à s’étioler à partir de 1972, l’acteur tente bien de se diversifier en jouant dans les films d’épouvante (La nuit des diables, Ferroni, 1972) ou dans des polars urbains à l’italienne (Le boss, Di Leo, 1972). Sans véritable succès toutefois.

Gianni Garko dans Le boss (Fernando di Leo, 1972)

A partir du milieu des années 70, Gianni Garko oriente donc délibérément sa carrière vers la télévision italienne avec une certaine réussite d’ailleurs. Ce qui ne l’empêche pas de rempiler de temps en temps au cinéma pour un giallo (L’emmurée vivante, Fulci, 1977), quelques films de fesses (C’est à vous tout ça ? donc ; Trois danoises en chaleur, Göst, 1977), un péplum tardif et pourrave (le désormais culte Hercule, Cozzi, 1983, avec Lou Ferrigno) ou des films d’épouvante de série Z. Tombé bien bas cinématographiquement parlant, notre ami pointe ainsi au casting de l’épouvantable Apocalypse dans l’océan rouge (John Old Jr., 1984) qui tente, sans succès il va sans dire, de surfer sur la vague des bestioles à nageoires méchantes comme des teignes.

La dernière fois que l’on a pu apercevoir Gianni Garko sur un grand écran, ce fut en 1990 dans Au nom du peuple souverain de Luigi Magni, fresque historique sur la création de la République italienne en 1849 avec Nino Manfredi, Jacques Perrin et Alberto Sordi.

Afin de conclure cette rubrique en beauté, le Film du jour ne résiste pas au plaisir de vous dévoiler Gianni Garko en petite tenue dans C’est à vous tout ça ?

Gianni Garko et Ajita Wilson dans C’est à vous tout ça ? A deux centimètres près, la zigounette de Gianni passait à l’écran !

Publié dans Titres débiles

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