Le Film du jour n°208 : Sammy et Rosie s'envoient en l'air
Titre original : Sammy and Rosie Get Laid
Un film britannique de Stephen FREARS (1987) avec Shashi Kapoor, Claire Bloom, Frances Barber, Roland Gift, Ayub Kan Din, Wendy Gazelle...
Certes, le titre du Film du jour est plutôt osé (et vous savez que ce n'est pas l'habitude du Film du jour de traiter ce genre de sujet... hum... délicat...), mais la teneur du long métrage d'aujourd'hui l'est beaucoup moins (ouf ! vous entends-je déjà souffler, rassérénés que vous êtes...).
De fait, Sammy et Rosie s'envoient en l'air raconte la vie de Sammy, un immigré d'origine pakistanaise, et de Rosie, sa petite amie britannique, dans le contexte socialement difficile et peu réjouissant de l'Angleterre thatchérienne. C'est aussi le deuxième film du réalisateur Stephen Frears bâti sur un scénario du romancier Hanif Kureishi après le célébrissime My Beautiful Laundrette (1985) qui révéla l'acteur Daniel Day-Lewis. Un film qui traitait déjà du racisme et de l'intégration des minorités, et qui distillait, tout comme Sammy et Rosie s'envoient en l'air, une bonne dose d'humour et quelques pincées d'émotion !
Gordon Warnecke et Daniel Day-Lewis dans My Beautiful Laundrette (Frears, 1985) (image : www.toutlecine.com)
Né en 1941, Stephen Frears, le réalisateur de Sammy et Rosie s'envoient en l'air, est bien connu des cinéphiles. C'est lui qui a réalisé en 2006 The Queen, film qui valut à l'actrice Helen Mirren un Oscar de la meilleure actrice pour son interprétation remarquable de la reine Elizabeth II en pleine valse-hésitation quant à l'attitude à adopter face à la mort soudaine de Lady Di...
C'est à Stephen Frears que l'on doit également Chéri (2008), adaptation du roman éponyme de Colette sortie sur les écrans français en avril 2009 avec la délicate Michelle Pfeiffer en tête d'affiche. Une Michelle Pfeiffer qui avait déjà tourné vingt ans plus tôt sous la direction du réalisateur, et aux côtés des excellents Glenn Close et John Malkovich, dans Les Liaisons dangereuses (1988), d'après l'œuvre célèbre de Choderlos de Laclos.
Depuis, Stephen Frears a réalisé Tamara Drewe (2009), histoire tragi-comique d’une citadine adepte de la chirurgie esthétique de retour dans le village qui l’a vue grandir et des répercussions sur son entourage, puis Lady Vegas, les mémoires d’une joueuse (2011), avec Bruce Willis et Rebecca Hall en têtes d’affiche. Il a enchaîné avec Philomena (2012) sur l'histoire véridique d'une Irlandaise partie à la recherche du fils qu'on lui a enlevé contre son gré à sa naissance 50 ans plus tôt, puis a bouclé The Program (2014), sur l'imposture Lance Armstrong.
John Malkovich et Glenn Close dans Les liaisons dangereuses (Frears, 1988) (image : www.toutlecine.com)
Stephen Frears, qui a fait ses classes à la télévision britannique, tourna son premier film pour le cinéma en 1971. Avec Albert Finney en vedette, Gumshoe suit les aventures d'un minable animateur de boîte de nuit qui admire Humphrey Bogart et qui rêve de devenir détective privé.
Ce n'est que treize ans plus tard, retour à la TV oblige, que le réalisateur reviendra du côté du grand écran en signant un excellent petit thriller, The Hit (1984), avec John Hurt et un tout jeune Tim Roth. Après trois films à sujets "sociaux" réalisés chez sa Gracieuse Majesté (My Beautiful Laundrette, Prick Up Your Ears (1987) - sur la vie du dramaturge Joe Orton tué par son amant en 1967 -, Sammy et Rosie s'envoient en l'air), Stephen Frears s'envola vers les États-Unis pour boucler Les Liaisons dangereuses, puis un très bon polar noir avec Anjelica Huston, John Cusack et Annette Bening, Les Arnaqueurs (1990).
Stephen Frears (au premier plan) et Helen Mirren sur le tournage de The Queen (2006) (image : www.toutlecine.com)
Après une comédie réussie avec Dustin Hoffman (Héros malgré lui, 1992), Stephen Frears franchit l'océan Atlantique à nouveau (mais dans l'autre sens) pour réaliser deux films en Irlande (The Snapper, 1993 ; The Van, 1996) avec, entre les deux, une adaptation de l'histoire du docteur Jekyll (John Malkovich) vue à travers les yeux de sa servante (Julia Roberts) : Mary Reilly (1995).
A mettre également au crédit de Stephen Frears un bon film de cow-boys dépassés par la modernité (The Hi-Lo Country, 1999, avec Woody Harrelson et Patricia Arquette), un film sur l'immigration illégale en Grande-Bretagne avec une étonnante Audrey Tautou en jeune Turque (Dirty Pretty Things/Loin de chez eux, 2003) et une savoureuse biographie de la vieille dame (géniale Judi Dench) qui introduisit dans les années 40 le nu dans le théâtre britannique (Madame Henderson présente, 2005). Bref, pas grand-chose à jeter chez Stephen Frears ! L'homme a été deux fois nommé à l'Oscar du meilleur réalisateur (pour Les Arnaqueurs et pour The Queen), mais, pour l'instant, la statuette lui a toujours échappé...
Gemma Arterton dans Tamara Drewe (Frears, 2009) (image : www.toutlecine.com)
Sammy et Rosie s’envoient en l’air, l'histoire : Rafi, un ancien militaire indien, arrive du Pakistan pour rendre visite à son fils Sammy et à sa compagne Rosie. Le jeune couple mène une vie libre et indépendante dans un quartier populaire de Londres à majorité noire, où règnent le désordre et la violence. Rafi retrouve aussi Alice, un amour de jeunesse, qui reste toutefois quelque peu distante. Lorsque son passé de tortionnaire est finalement su de tous, Rafi se sent désemparé (on le serait à moins...).
Claire Bloom
C'est l'actrice britannique Claire Bloom, née en 1931, qui joue Alice dans Sammy et Rosie s'envoient en l'air. Comment ? Claire Bloom, ça ne vous dit rien ? Et si je vous rappelle que cette actrice interprète la jeune ballerine sauvée du suicide par le personnage joué par Charlie Chaplin dans Les Feux de la rampe (Chaplin, 1952) ? Ça y est, vous y êtes ? Les Feux de la rampe était le deuxième film tourné par Claire Bloom, grande actrice shakespearienne et pensionnaire du célèbre Old Vic (ce qui ne l'empêchait pas, comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessus, de porter la nuisette avec élégance...).
Claire Bloom et Charlie Chaplin dans Les feux de la rampe (Chaplin, 1952) (image : www.allocine.fr © D.R.)
Passée en un seul film au statut de vedette internationale, Claire Bloom va rapidement donner la réplique aux plus grands : James Mason dans L'Homme de Berlin (Reed, 1953), Laurence Olivier dans Richard III (Olivier, 1955), Richard Burton dans Alexandre le Grand (Rossen, 1956) et Les Corps sauvages (Richardson, 1959), Yul Brynner dans Les Frères Karamazov (R. Brooks, 1958), Anthony Quinn dans Les Boucaniers (Quinn, 1958), Paul Newman dans L’Outrage (Ritt, 1964) etc.
Avec Shelley Winters, Jane Fonda et Glynis Johns, elle est également au générique des Liaisons coupables (1961), un film de George Cukor plutôt controversé à l'époque de sa sortie. Plusieurs années avant la révolution sexuelle de la fin des années 60, Les Liaisons coupables explore en effet les fantasmes féminins par le biais d'une enquête d'un médecin sur la femme américaine. Y sont évoquées une nymphomane, une frigide, une coureuse d'athlètes musclés et la maîtresse d'un gigolo.
Laurence Olivier et Claire Bloom dans Richard III (Olivier, 1955)
On voit encore Claire Bloom dans le célèbre film d'épouvante La Maison du diable (1963) de Robert Wise, ou dans L'Espion qui venait du froid (Ritt, 1965), une fois encore face à Richard Burton. En 1968, elle interprète l’institutrice d’un attardé mental qui accède à un degré supérieur d’intelligence suite à une opération dans Charly de Ralph Nelson, film qui permit à Cliff Robertson de décrocher l’Oscar du meilleur acteur.
Mais, privilégiant le théâtre et la télévision à partir de la fin des années 60, on ne l'aperçoit plus guère sur le grand écran. Claire Bloom joue toutefois la déesse Hera dans Le Choc des titans (D. Davis, 1979), accepte par deux fois les propositions de Woody Allen (Crimes et délits, 1989 ; Maudite Aphrodite, 1995), figure au générique du Temps de l'innocence (Scorsese, 1993) et participe à un film-catastrophe emmené par Sylvester Stallone (Daylight, R. Cohen, 1996).
L’actrice est réapparue récemment au cinéma sous les traits de la reine Mary, l’épouse du roi britannique George V et donc la mère de George VI (et la grand-mère d’Elizabeth II) dans Le Discours d’un roi (2010). Claire Bloom n’en continue pas moins de jouer régulièrement dans des séries et des téléfilms pour la TV britannique.
Cliff Robertson et Claire Bloom dans Charly (Nelson, 1968)
Claire Bloom a été mariée trois fois. Elle fut l'épouse de l'acteur américain Rod Steiger (1925-2002) de 1959 à 1969 (leur fille, Anna Steiger, est une célèbre chanteuse d'opéra). Ils jouèrent ensemble dans deux films : L'Homme tatoué (Smight, 1968) et Auto-Stop Girl (Hall, 1969). Elle fut également de 1990 à 1995 l'épouse du grand romancier Philip Roth (Portnoy et son complexe, Le Complot contre l'Amérique, etc.).