Le Film du jour n°203 : Cendrillon aux grands pieds

Publié le par lefilmdujour

Le Film du jour n°203 : Cendrillon aux grands pieds
Titre original : Cinderfella
Un film américain de Frank TASHLIN (1960) avec Jerry Lewis, Judith Anderson, Ed Wynn, Henry Silva, Robert Hutton, Anna Maria Alberghetti, Count Basie (et son orchestre !)...
"Il fut le roi borgne au pays des aveugles à l'époque où ses films étaient les seuls efforts de comique un peu personnel venant des États-Unis". C'est en ces termes peu gratifiants pour les réalisateurs de comédies américaines des années 50 et 60 que Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, dans 50 ans de cinéma américain, décrivent Frank Tashlin (1913-1972), l'homme à qui l'on doit ce Cendrillon aux grands pieds.
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Jerry Lewis tout en introspection dans Cendrillon aux grands pieds

Après avoir fait ses armes comme "cartoonist" pour les dessins animés de la Warner, Frank Tashlin passe à la mise en scène en 1952 en se mettant au service de comiques plus ou moins grimaçants comme Bob Hope (Le fils de Visage Pâle, 1952) (lire aussi Un crack qui craque) ou Tom Ewell (Chéri, ne fais pas le zouave, 1955) (le dénommé Tom Ewell est surtout connu pour avoir donné la réplique à Marilyn Monroe dans Sept ans de réflexion de Billy Wilder).
Mais c'est en 1955 que Tashlin aborde sa "grande période", notamment en signant La blonde et moi (1955) et La blonde explosive (1957) où "éclate" (le mot n'est pas trop fort, puisque sa seule présence mammaire fait exploser les bouteilles de lait...) la fort galbée Jayne Mansfield ! On retrouve d'ailleurs au générique de La blonde et moi... Tom Ewell qui avait décidément un faible pour les blondes créatures à forte poitrine !
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Frank Tashlin mit Jayne Mansfield au top avec La blonde et moi (1955)

A la même époque, Frank Tashlin aborde une collaboration fructueuse avec Jerry Lewis. C'est en effet à ce réalisateur que l'on doit Artistes et modèles (1955) et Un vrai cinglé de cinéma (1956), deux films où Jerry Lewis est encore flanqué de son acolyte de l'époque, Dean Martin. C'est également Frank Tashlin qui dirige Jerry Lewis dans Trois bébés sur les bras (1958), Le kid en kimono (1958), Cendrillon aux grands pieds et L'increvable Jerry (1962) - avec les célèbres tondeuses à gazon qui dévastent tout sur leur passage -. Et c'est encore lui qui signe Un chef de rayon explosif (1963) et Jerry chez les cinoques (1964).
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Jerry Lewis dans Un chef de rayon explosif (Tashlin, 1963)

C'est dans Un chef de rayon explosif que le spectateur hilare peut apprécier la fameuse scène de l'aspirateur qui avale tout et n'importe quoi dans un magasin (dont le petit chien et la gaine d'une grosse dame) et celle, tout aussi célèbre, où Lewis mime une secrétaire en train de taper à la machine. Un sketch repris par Michel Leeb, notre Jerry Lewis à nous...
Certes, les films de Frank Tashlin sont un cran inférieurs à ceux que Jerry Lewis réalise lui-même à la même époque (on pensera surtout au Dingue du palace, 1960, au Tombeur de ces dames, 1961, et à Docteur Jerry et Mister Love, 1963), mais les trois derniers (L'increvable Jerry, Un chef de rayon explosif et Jerry chez les cinoques) sont vraiment très bons et hautement recommandables.
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L'un des multiples films de Jerry Lewis réalisés par Frank Tashlin

Malheureusement, une fois la page Jerry Lewis tournée, Frank Tashlin va servir la soupe à Doris Day (lire aussi Il y a un homme dans le lit de maman) et des films comme Opération caprice (1966) ou Blonde défie FBI (1966) sont d'un humour particulièrement poussif. Dans la dernière période de sa filmographie, Tashlin va aussi réaliser une adaptation d'un roman d'Agatha Christie (ABC contre Hercule Poirot, 1965, avec quand même Anita Ekberg en tête d'affiche... quoique "tête" ne soit pas la partie du corps pour laquelle Miss Ekberg fut réputée). Connu également sous le titre hautement subtil de A la guerre comme à la bière, La marine en folie (1968), le dernier long métrage du réalisateur, réunit de manière totalement improbable le comique Bob Hope, le beau Jeffrey Hunter (un transfuge des westerns de John Ford), la sublime Gina Lollobrigida et notre Mylène Demongeot à nous !
Cendrillon aux grands pieds, l'histoire : On l'aura compris tout de suite, Cendrillon aux grands pieds est une adaptation comique et masculinisée du célèbre conte de fées déjà porté à l'écran par les studios Disney en 1949. Jerry Lewis y est un travailleur acharné et honnête constamment maltraité par sa belle-mère et ses deux grossiers demi-frères. Heureusement que les miracles existent... Si, madame ! Car un beau jour débarque "la bonne fée", ici un monsieur spécialiste de magie et de sorcellerie, quoique souvent pris de boisson. Voici donc Jerry Lewis transformé en un délicieux célibataire prêt à séduire le cœur de toutes les Princesses charmantes qui passeront à sa portée... Mais ce qui devait arriver arrive : les fameux douze coups de minuit.
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Jerry Lewis

Né en 1926, Jerry Lewis forme dès 1946 un duo au music-hall avec le "crooner" Dean Martin. Une association qui durera dix ans et qui sera à l'affiche d'une quinzaine de films, de Ma bonne amie Irma (Marshall, 1949) au Trouillard du Far-West (Taurog, 1956) en passant par Le soldat récalcitrant (Walker, 1951), La polka des marins (Walker, 1952), Parachutiste malgré lui (Taurog, 1952), Amour, délices et golf (Taurog, 1952) et les deux films signés par Frank Tashlin cités plus haut : Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma, le dernier long métrage que les deux loustics tourneront ensemble. A Dean Martin donc, les rôles de chanteur à la voix de velours, à l’œil aguicheur, au sourire qui fait craquer toutes les filles, à Jerry Lewis les emplois de crétin de service, de naïf tête à claques et de "gosse" insupportable aux grimaces outrancières. Le duo fait recette, même si tous ces films, à l'exception de ceux de Tashlin, sont plutôt médiocres.
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Jerry Lewis et Dean Martin dans La polka des marins (Walker, 1952) (image : www.toutlecine.com)

A partir du Délinquant involontaire (McGuire, 1957) où il interprète une sorte d'anti-James Dean, Jerry Lewis se produit en solo devant les caméras de Frank Tashlin (voir plus haut), George Marshall (P'tite tête de troufion, 1957 ; Cramponne-toi Jerry, 1969) ou Norman Taurog (Mince de planète, 1960). Mais, dès 1960, Lewis passe lui-même à la réalisation avec Le dingue du palace. S'ensuivent cinq ou six films où l'humoriste, dont les grimaces peuvent parfois être horripilantes, se montre un remarquable inventeur de gags : Le tombeur de ces dames (1961) avec l'inoubliable pension de jeunes filles présentée en coupe comme une maison de poupées, Le zinzin d'Hollywood (1962), Docteur Jerry et Mister Love (1963) - où le docteur est un gaffeur introverti et vilain comme un pou et Mr Hyde un crooner bellâtre qui fait tomber toutes les filles (allusion à Dean Martin ?) -, Jerry souffre-douleur (1964) et Les tontons farceurs (1965).
Le Film du jour n°203 : Cendrillon aux grands pieds

Dans ce film de 1965, Jerry Lewis interprète sept rôles différents.

Les films suivants de Jerry Lewis accusent néanmoins une nette baisse de forme (déjà sensible dans Les tontons farceurs) et leur accueil par la critique, notamment française qui a porté l'acteur/réalisateur aux nues, est de plus en plus tiède. Après Trois sur un sofa (1966), Jerry grande gueule (1967), Ya Ya mon général (1970) et One More Time (1970, où il ne joue pas), Jerry Lewis tentera de mettre en scène un long métrage sur un clown enfermé dans un camp de concentration nazi (The Day the Clown Cried). L'expérience fut tellement traumatisante que le réalisateur ne sortit jamais le film (apparemment, il en existe une seule copie que très peu de gens ont vue), sombra dans la dépression et disparut des écrans pendant une dizaine d'années... Lewis ne repassa derrière la caméra que pour Au boulot Jerry (1980) et T'es fou Jerry (1982), deux œuvres assez pauvres au niveau comique.
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Le dernier film réalisé par Jerry Lewis

Ajoutons pour conclure que, dans les années 80 et 90, Jerry Lewis accepta de jouer quelquefois devant la caméra d'autres réalisateurs et, notamment, celle de Martin Scorsese (La valse des pantins, 1982, avec Robert de Niro) et d'Emir Kusturica (Arizona Dream, 1982, avec Johnny Depp et Faye Dunaway). Jerry Lewis, pour son plus grand malheur, voulut aussi faire l'expérience du cinéma français, lui si apprécié dans l'Hexagone. Mais il tomba (on se demande comment...) dans les rets de deux réalisateurs aux petits bras : Michel Gérard (voir Soldat Duroc, ça va être ta fête) et Philippe Clair (voir Tais-toi quand tu parles !). Le résultat : Retenez-moi ou je fais un malheur (1983) et Par où t'es rentré, on t'a pas vu sortir (1984). Seuls points communs de ces deux films, hormis leur médiocrité insigne et leur niaiserie incommensurable : Jerry Lewis donc, et... Jackie Sardou ! Le naufrage est total... et c'est bien triste...
Jerry Lewis a sept enfants, dont six garçons de sa première épouse avec qui il fut marié de 1944 à 1982, et une fille de son épouse actuelle. En 2006, pour son 80e anniversaire, il a été élevé par la France au titre de commandeur de la Légion d'honneur. Cette même année 2006, il a publié "Dean et moi : une histoire d'amour", paru chez Flammarion.

Publié dans Titres étranges

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R
Très bon article mais tu oublies de citer Funny Bones (1995), géniale comédie anglaise dans laquelle Jerry joue son propre rôle. Un des films de l'année, à l'époque.
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