Le Film du jour n°199 : Mourez... nous ferons le reste !
Un film français de Christian STENGEL (1953) avec Roger Nicolas, Noël Roquevert, Suzet Maïs, Magali Noël, Armontel, Balpêtré...
Voilà un titre qui pourrait servir de joyeuse devise à la confrérie des croque-morts ou, pour être politiquement correct, aux sociétés de pompes funèbres ! D'ailleurs nous n'en sommes pas loin avec le long métrage qui nous intéresse aujourd'hui : on y suit en effet les pérégrinations d'un joyeux luron à l'origine de la création d'un cimetière ultra-chic baptisé du doux nom de "Champ du divin repos". Y a pas à dire, un nom comme ça, ça doit attirer le chaland désireux de passer l'éternité à manger les pissenlits par la racine dans un petit coin tranquille !
Roger Nicolas et Lise Delamarre dans Le roi du blablabla (M. Labro, 1950) (image: www.toutlecine.com)
Le héros de Mourez... nous ferons le reste est incarné par Roger Nicolas (1919-1977), un célèbre fantaisiste et chansonnier des années 40 et 50 passablement oublié aujourd'hui. Au casting de nombreuses opérettes et pièces de théâtre, dont "Baratin", un triomphe de 1949 avec la tonitruante Jackie Sardou (à l'époque encore Jackie Rollin), le gars Nicolas joua au cours des années 40 dans plusieurs courts-métrages en compagnie de Raymond Souplex (l'un de ses collègues de la radio où l'homme se produisait également et qui le rendit célèbre auprès des Français).
Roger Nicolas montra sa bouille au cinéma dans une dizaine de longs métrages qui, presque tous, fleurent bon le navet bien de chez nous. Le cinéphile sourcilleux ne se satisfera guère en effet des pitreries de Ma tante d'Honfleur (Jayet, 1948), du Dernier Robin des Bois (Berthomieu, 1952), de Baratin (Stelli, 1956) ou de Clodo (G. Clair, 1970), "œuvres" auxquelles les encyclopédies du cinéma dites sérieuses ne daignent même pas consacrer une seule ligne. Peut-être peut-on saisir la quintessence du bonhomme de Le roi du blablabla (M. Labro, 1950), où Roger Nicolas endosse... le rôle-titre.
Roger Nicolas dans Jamais deux sans trois (Berthomieu, 1951) (image: www.toutlecine.com)
Mourez... nous ferons le reste, l'histoire : Ulysse Sylvain, camelot parisien désargenté, débarque un jour dans son village natal, trônant comme un pacha dans une Cadillac conduite par l'un de ses amis, chauffeur de son état. A la suite de nombreux quiproquos défiant la notion même de vraisemblance (un "art" dans lequel les scénaristes de navets franchouillards étaient passés maîtres dans les années 40 et 50), notre homme passe pour un milliardaire américain. Harcelé par des villageois cupides, Ulysse, bien incapable d'aider financièrement ses concitoyens, n'hésite pas à céder généreusement quelques-unes de ses idées susceptibles d'attirer les espèces sonnantes et trébuchantes. L'une d'elles, qui consiste à lancer à grand renfort de publicité un cimetière "dernier cri" (jeu de mots !), est une véritable réussite. Mais des complications administratives risquent de provoquer une grosse catastrophe... Mon Dieu, quel suspense !
Magali Noël
Mourez... nous ferons le reste est l'un des tout premiers films de la mutine Magali Noël, née en 1931 à Smyrne (Izmir) en Turquie (mais élevée en France) et décédée le 23 juin 2015. Quelques années plus tard et avec quelques rondeurs gracieuses en plus par rapport à la photo ci-contre, Magali Noël passa à la postérité en devenant l'un des symboles des fantasmes sexuels de Federico Fellini. Un fantasme à l’œuvre dans La dolce vita (1960), Satyricon (1969) et, surtout, Amarcord (1973), chef-d’œuvre où l'actrice interprète la pulpeuse Gradisca, coiffeuse dont tous les hommes sont amoureux et qui rêve de Hollywood et de Gary Cooper en passant devant le cinéma de la ville où Fellini passa son enfance.
Jean Gabin et Magali Noël dans Razzia sur la chnouf (Decoin, 1955) (image : www.toutlecine.com)
Dès son plus jeune âge, Magali Noël étudie le chant, la musique et la danse. Elle débute comme chanteuse de cabaret à l'âge de seize ans et se produit dans des revues. Elle suit des cours dramatiques et se fait alors remarquer sur les scènes de théâtre parisiennes. C'est en 1950 que Magali Noël démarre sa carrière sur grand écran, dans Demain, nous divorçons de Louis Cuny, avec Jean Desailly et Sophie Desmarets en vedettes.
Mais c'est en 1955 que le public la découvre vraiment, d'abord dans Du rififi chez les hommes (Dassin, 1954), puis face à Jean Gabin et Paul Frankeur dans Razzia sur la chnouf (Decoin, 1955). "J'étais très très intimidée la première fois que j'ai vu Gabin, avait confié Magali Noël il y a quelques années à la revue Schnock (n°4). Il était là, dans un fauteuil, je suis arrivée : "Bonjour Monsieur Gabin". Il a dit, en m'indiquant de m'asseoir : "Allez la môme, pose ton gagne-pain là-dessus." Je me disais :" "Il a une drôle de façon de me parler." Mais il a été adorable avec moi."
Magali Noël et Jean Poiret dans Assassins et voleurs (Guitry, 1956) (image : www.toutlecine.com)
Magali Noël enchaîne avec des prestations tout aussi remarquées dans Les grandes manœuvres (1955) de René Clair, Elena et les hommes (1955) de Jean Renoir et Assassins et voleurs (1956) de Sacha Guitry. Devenue une star en France, l'actrice se spécialise dans les rôles de femmes fatales et de vamps dans des films comme OSS 117 n'est pas mort (Sacha, 1956) avec Ivan Desny dans le rôle-titre, Le désir mène les hommes (Roussel, 1957), où elle louvoie entre les beaux Philippe Lemaire, Christian Marquand et Gérard Blain, dans Des femmes disparaissent (Molinaro, 1959) face à Robert Hossein, ou Oh ! Qué Mambo (Berry, 1958), où elle donne la réplique à Dario Moreno et au duo Poiret/Serrault.
Magali Noël est la mutine Gradisca dans Amarcord (1973) de Federico Fellini