Le Film du jour n°191 : C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule
Un film français de Jacques BESNARD (1974) avec Bernard Blier, Michel Serrault, Jean Lefebvre, Tsilla Chelton, Marion Game...
"Cinéma commercial dépourvu de toute ambition". C'est avec cette formule lapidaire que le Dictionnaire du cinéma "descend" le réalisateur français Jacques Besnard à qui l'on doit C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule ! Un titre qu'on dirait tiré d'une citation d'un Michel Audiard, qui n'a pourtant touché au film ni de près ni de loin.
Non, l'idée de ce long métrage - assez désopilant, il faut le reconnaître - est à mettre au crédit de certains membres de l'équipe du Splendid, Gérard Jugnot, Christian Clavier et Thierry Lhermitte en l'occurrence. De joyeux drilles que l'on retrouve d'ailleurs dans de petits rôles dans le long métrage de Jacques Besnard.
Frederick Stafford et Jean Seberg dans Estouffade à la Caraïbe (1966), film coréalisé par André Hunebelle et Jacques Besnard (image : www.toutlecine.com)
Né en 1929 et décédé en 2013, Jacques Besnard est passé à la réalisation en 1966 après avoir été assistant de André Hunebelle sur Les mystères de Paris (1962), Banco à Bangkok pour OSS117 (1964), Fantômas (1964), Furia à Bahia pour OSS117 (1965) et Fantômas se déchaîne (1965). Il démarre en cosignant avec Hunebelle un petit film d'espionnage (Estouffade à la Caraïbe) avec à l'affiche Jean Seberg et Frederick Stafford, acteur qui avait enfilé ailleurs le costume d'OSS 117. Jacques Besnard enrôle la même année Louis de Funès et Bernard Blier dans le drôlissime Grand restaurant (1966).
Dans la foulée, le réalisateur associe Jean Lefebvre, Bernard Blier et Michel Serrault dans Le fou du labo IV (1967), fine équipe qui débarquera, quelques années plus tard mais toujours aussi guillerette, dans C'est pas parce qu'on n'a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule !
Paul Préboist et Louis de Funès dans Le grand restaurant (1966) de Jacques Besnard (image : © Collection AlloCiné / www.collectionchristophel.fr)
Jacques Besnard, qui avait déjà travaillé avec Michel Serrault sur La belle affaire (1972), retrouvera Jean Lefebvre dans La situation est grave... mais pas désespérée (1975) et Le jour de gloire (1978). Mais c'est Darry Cowl qui sera appelé à la rescousse pour Général... nous voilà ! (1978), bidasserie sans nom sur des dialogues de Jean Amadou (un sommet de finesse... on s'en doute).
Te marre pas, c'est pour rire ! (1981), avec la paire Maccione/Galabru, est le dernier film réalisé par Jacques Besnard pour le cinéma. Ajoutons, pour être complet, que le monsieur, sous un pseudonyme (pas fou !), s'est aussi fendu d'un film érotique intitulé Baby Love (connu également sous le titre Et si tu n'en veux pas... inutile de vous faire un dessin...).
Lefebvre, Serrault et Blier ramassent les biftons dans C'est pas parce qu'on a rien à dire... (image: www.toulecine.com)
C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule, l'histoire : Phano, Max et Riton s'intéressent au magot enfermé dans un coffre dans les sous-sols d'un immeuble à proximité de la gare de l'Est. Coïncidence : ce coffre jouxte le mur des WC publics de la gare. Afin de se relayer dans la percée du mur mitoyen, tout en trompant la vigilance d'une dame pipi particulièrement sourcilleuse, ils endossent une quantité invraisemblable de costumes différents à chaque visite, tous plus improbables les uns que les autres (plombier, contrôleur de la SNCF, pêcheur du dimanche, Écossais, etc.). Tous ces personnages s'enferment les uns à la suite des autres dans le WC n°3 pour creuser le mur et enlever les gravats au fur et à mesure. Oui mais voilà, on ne la fait pas, à la dame pipi ! Au milieu des vapeurs d'urine, elle a senti l'embrouille !
Tsilla Chelton (photo EPA)
La dame pipi est jouée ici par Tsilla Chelton, immortalisée quelques années plus tard sur le grand écran grâce à sa féroce interprétation de Tatie Danielle (Chatiliez, 1990), son seul vrai grand rôle au cinéma.
Née en 1918 et décédée en 2012, Tsilla Chelton a passé son enfance en Belgique et fait ses armes après la Seconde Guerre mondiale dans la première compagnie du mime Marceau. A la fin des années 40, on la retrouve à Paris où elle se produit dans des one-woman-shows dans divers cabarets. En 1950, elle crée au théâtre "Les chaises" d'Eugène Ionesco, auteur dont elle va devenir l'interprète fétiche. La carrière théâtrale de Tsilla Chelton, très riche, prend son envol à ce moment-là.
Bernard Blier et Tsilla Chelton face à face dans C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule (Besnard, 1974)
De temps en temps, l'actrice fait néanmoins un petit tour au cinéma pour des rôles épisodiques. Dans les années 60, on l'aperçoit notamment dans plusieurs films d'Yves Robert (La guerre des boutons, 1961 ; Bébert et l'omnibus, 1963 ; Les copains, 1964 ; Alexandre le bienheureux, 1967). Dans la décennie suivante, on la repère chez Pierre Richard (Le distrait, 1970) et chez Diane Kurys, pour qui elle campe la surveillante générale dans le célèbre Diabolo-Menthe (1977).
Professeur de théâtre de Christian Clavier, Gérard Jugnot et Thierry Lhermitte qui ont l'idée de départ de C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule ! Tsilla Chelton se retrouve donc aimablement et tout naturellement conviée à donner la réplique à Jean Lefebvre, Bernard Blier et Michel Serrault dans cette pochade qui ne fait guère de mal aux neurones et qui lui permet de se reposer à moindre frais de ses rôles nettement plus ardus sur scène. D'autant que les dialogues essaient de lorgner du côté d'Audiard mais ont du mal à arriver à la cheville de leur modèle : "Le jour où on mettra les cons dans un panier, tu seras pas sur le couvercle", distille ainsi Blier à Serrault.
Tsilla Chelton dans Tatie Danielle (Chatilliez, 1990) (image : www.allocine.fr / © Collection Christophe L.)