Le Film du jour n°180 : Dans les replis de la chair
Titre italien : Nelle pieghe della carne
Titre espagnol : Las endemoniadas
Un film italo-espagnol de Sergio BERGONZELLI (1970) avec Eleonora Rossi-Drago, Anna Maria Pierangeli, Fernando Sancho, Alfredo Majo...
Pas d'affolement ! Dans les replis de la chair n'est ni un film documentaire médical sur les vilaines bébêtes qui se logent, les infâmes, dans les plis de la peau des touristes en goguette dans certains pays tropicaux, ni un film X avec vues imprenables sur les parties intimes de personnes pondéralement surchargées en plein ébat amoureux... N
on, Dans les replis de la chair n'est qu'un thriller mâtiné de giallo avec, dans le désordre (et selon la Cinémathèque française qui a diffusé l’œuvre lors d'une soirée thématique intitulée "Machinations italiennes"), citations freudiennes, décapitation, flash-back dans un camp de concentration, asile de fous, prise d'otages, chantage, jalousie, névrose, poursuite en moto, bouteilles de whisky J&B et bain d'acide ! Le tout sous la direction de Sergio Bergonzelli, un "faiseur" comme on n'en fait plus justement.
Autre titre (avec faute d'accent) pour Dans les replis de la chair
Également connu sous le titre français du Piège de la chair et relativement culte malgré tout, Dans les replis de la chair a aussi été projeté en janvier 2008 au Festival fantastique de Gérardmer dans le cadre d'un hommage au cinéma fantastique (comme de juste...) espagnol. Pour la Cinémathèque française, le film, apparemment revendiqué aussi bien de l'autre côté des Alpes que de l'autre côté des Pyrénées, est particulièrement conseillé aux "cinéphiles fétichistes, aux amoureux d'un cinéma déviant, opportuniste et sans complexe, involontairement dada". Si vous en êtes, n'hésitez pas (le DVD existe... mais pas en France).
Dans les replis de la chair... Eleonora Rossi-Drago et Anna Maria Pierangeli sont au bout du rouleau
Dans la filmographie du sieur Bergonzelli, déjà évoqué dans un précédent numéro (lire Tout le monde il est sexy, tout le monde il est cochon), Dans les replis de la chair se niche, non dans les replis de la chair, mais entre Tout le monde, il est sexy, tout le monde, il est cochon (1969) et La provocation sexuelle (1971), film avec la ravissante Malisa Longo.
Vous l'aurez donc compris, Sergio Bergonzelli, né en 1924, est relativement porté sur la "chose". C'est à lui qu'on doit aussi des titres éminemment évocateurs comme Sylvia et l'amour (1968), Georgina, la nonne perverse (1972), Elles en veulent... (1975), long métrage connu également sous les noms de Voluptés érotiques et de Volupté sexuelle (c'est vrai, ça change tout !), Une petite femme très brûlante (1976), Daniela mini-slip (1979), etc. Bref, un grand ! Le fameux Joy (1983), gros succès érotique en son temps dans l'Hexagone, est aussi à mettre à l'actif du monsieur, bien qu'il le signât sous le pseudonyme francisé de Serge Bergon.
Un film de Sergio Bergonzelli où tout (ici, presque rien) est dans le titre (image : www.ivid.it)
Dans les replis de la chair, l'histoire : Un motocycliste, poursuivi par des voitures de police, traverse la campagne italienne à fond les ballons. Il se réfugie sur le terrain d'une villa où il aperçoit une jolie femme s'activer pour enterrer un cadavre dans le jardin. Bientôt arrêté par la police qui n'y a vu que du feu, il est jeté en prison pour treize ans. Treize ans plus tard donc, l'ex-taulard revient à la villa, espérant pouvoir exercer un chantage. Il tombe sur une gouvernante et son fils ainsi que sur la fille du présumé mort. Mais les choses ne vont pas se passer exactement comme prévu...
Dans les replis de la chair se situe à la toute fin de carrière de ses deux actrices principales. Nous avons déjà évoqué le destin digne d'un mélodrame d'Anna Maria Pierangeli qui, après bien des déboires sentimentaux, de nombreuses déceptions professionnelles et une chute sans fin dans le cinéma d'exploitation le plus attristant, décéda brutalement le 10 septembre 1971 à seulement 39 ans (lire aussi Alexandra, aime ma femme et aimez-moi). Si Eleonora Rossi-Drago ne connut pas, heureusement, une fin aussi tragique, elle eut tout de même à surmonter les affres d'une carrière déclinante de plus en plus engluée dans des films minables et miteux.
Magnifique Eleonora Rossi-Drago
D'une grande beauté classique et d'une élégance quasi aristocratique, Eleonora Rossi-Drago, née en 1925, avait pourtant joué avec les plus grands réalisateurs italiens tels Luigi Comencini (Les volets clos, 1950), Michelangelo Antonioni (Femmes entre elles, 1955), Pietro Germi (Meurtre à l'italienne, 1958) ou Ettore Scola (Parlons femmes, 1963). L'actrice est par ailleurs sublime dans Été violent (1959) du sous-estimé Valerio Zurlini, chronique d'un amour impossible entre une veuve de guerre et le fils d'un dignitaire fasciste (Jean-Louis Trintignant tout petiot) durant la Seconde Guerre mondiale.
Jean-Louis Trintignant dans les bras d'Eleonora Rossi-Drago dans Été violent (Zurlini, 1959) (image © Ad Vitam)
Après des débuts comme mannequin, Eleonora Rossi-Drago est repérée en 1947 au concours de Miss Italie où, la même année, s'étaient aussi alignées (excusez du peu) Lucia Bose, Gianna Maria Canale, Gina Lollobrigida et Silvana Mangano ! Elle est toutefois disqualifiée quand on découvre qu'elle est déjà maman d'une petite fille issue d'un premier mariage avec un époux qui avait fichu le camp.
C'est en 1949 qu'Eleonora Rossi-Drago débute donc à l'écran avec un petit rôle dans Le pirate de Capri (Scotese & Ulmer), début d'une filmographie riche de plus de 60 titres en 20 ans ! Au début des années 50, on la voit dans divers mélos populaires transalpins et dans plusieurs films français qui lui apportent une certaine reconnaissance critique (L'esclave, Ciampi, 1953, aux cotés de Daniel Gélin ; L'affaire Maurizius, Duvivier, 1953, avec Daniel Gélin encore et Madeleine Robinson).
Elle joue même Madame Fourès, maîtresse de Bonaparte en Égypte, dans le Napoléon (1954) de Sacha Guitry. Malheureusement, malgré un passage chez Antonioni et ne bénéficiant pas, à la différence de Claudia Cardinale, de Silvana Mangano ou de Sophia Loren, du soutien énamouré d'un producteur/mentor (Franco Cristaldi, Dino de Laurentiis et Carlo Ponti respectivement pour les trois belles), Eleonora Rossi-Drago ne réussit ni à s'engager sur la voie d'un cinéma plus exigeant ni à embrayer sur une carrière internationale.
Eleonora Rossi-Drago dans Femmes entre elles (Antonioni, 1955) (image : www.toutlecine.com)
Dans les années 60, l'actrice accumule les rôles insignifiants, les films d'aventures fauchés et les comédies sans invention. Chasse à la drogue (Freda, 1961), Le glaive du conquérant (Campogalliani, 1961, avec Jack Palance), Le tueur à la rose rouge (Martin, 1962), Paradis de femmes (Sala, 1962), une improbable adaptation de La case de l'Oncle Tom (Radvanyi, 1964, avec Mylène Demongeot et... Juliette Gréco) et Le dépravé (Dallamano, 1969), œuvrette avec Helmut Berger en Dorian Gray, viennent ainsi ponctuer une trajectoire professionnelle en pleine déconfiture.
On repère aussi Eleonora Rossi-Drago en épouse de Lot dans La Bible (1966), un gros ratage de John Huston. Les déconvenues personnelles s'ajoutant aux échecs artistiques, l'actrice fait une tentative de suicide en 1971 lors d'une grave crise de dépression.
Eleonora Rossi-Drago face à Jack Palance dans Le glaive du conquérant (Campogalliani, 1961) (image : www.ivid.it)