Le Film du jour n°176 : Les nains aussi ont commencé petits
Titre original : Auch Zwerge haben klein angefangen
Un film allemand de Werner HERZOG (1970) avec : Helmut Döring, Gerd Gickel, Paul Glauer, Gisela Hertwig...
Les nains aussi ont commencé petits (on ne rit pas...) est le deuxième film de fiction signé par le cinéaste allemand Werner Herzog, dont le premier long, Signes de vie (1967), racontait l'histoire d'un soldat allemand qui sombre peu à peu dans une folie destructrice. La folie, l'autodestruction, les marginaux, la solitude, l'enfermement, tels sont les thèmes récurrents de l’œuvre de Werner Herzog, né en 1942. Des thèmes que l'on retrouve dans Les nains aussi ont commencé petits et qui traversent ses films les plus connus, tout particulièrement ceux tournés avec Klaus Kinski, dont le propre grain de folie était parfois difficilement maîtrisable.
Sous la houlette de Herzog, l'acteur joua dans Aguirre, la colère de Dieu (1972), portrait d'un conquistador qui rêve de créer un empire et qui finit seul sur un radeau envahi par les singes, Nosferatu, fantôme de la nuit (1979), reprise du thème du célèbre vampire déjà porté à l'écran par Murnau, Woyzeck (1979), fusilier abruti par les ordres stupides auxquels il doit obéir, Fitzcarraldo (1982), un homme qui souhaite bâtir un opéra au fin fond de la forêt amazonienne, et Cobra Verde (1987), surnom d'un paysan brésilien ruiné devenu conseiller du roi en charge de la traite des noirs à la fin du XIXème siècle. Sur ce dernier film, les tensions entre Herzog et Kinski furent extrêmes et ce fut leur ultime travail commun. Plus de dix ans après, le cinéaste allemand revint sur sa collaboration avec Klaus Kinski, décédé en 1991, dans un documentaire intitulé... Mon ennemi intime (1999).
Isabelle Adjani, Klaus Kinski et Werner Herzog sur le tournage de Nosferatu, fantôme de la nuit (1979) (image : www.toutlecine.com)
Quoi qu'il en soit, les expériences ultimes n'ont jamais fait peur à Herzog. En 1976, dans Cœur de verre, il n'hésita pas à faire jouer tout le casting sous hypnose afin de styliser au plus près la folie et l'hallucination. Le film décrit la descente aux enfers d'un village bavarois au XVIIIe siècle, après la mort d'un maître-verrier qui a emporté avec lui le secret de fabrication du verre-rubis, seule source de richesse de la bourgade. Les travailleurs et le patron de l'usine font appel à un oracle pour retrouver ledit secret, mais le médium n'annonce qu'une chose : l'Apocalypse... et les villageois vont finir par sombrer corps et biens dans l'hébétude et la déchéance.
Les nains aussi ont commencé petits, l'histoire : Un centre pour nains récalcitrants perdu au milieu de nulle part (le tournage a eu lieu aux Canaries). Les pensionnaires se révoltent, tandis que le directeur doit se barricader dans son bureau, en prenant un dénommé Pepe en otage. De sa fenêtre, il tente de faire revenir les rebelles à la raison. Peine perdue, les mutins se livrent à toutes sortes d'exactions : vols, destructions multiples et variées, mauvais traitements envers les animaux (de pauvres poules et un malheureux singe - crucifié sur l'affiche - en font les frais), beuveries, jeux sexuels, etc. Pendant ce temps, le directeur tente de justifier son action disciplinaire auprès de son otage...
Quelques interprètes de Les nains aussi ont commencé petits
Les marginaux, les solitaires, les inadaptés peuplent l’œuvre de Werner Herzog, à l'instar de Kaspar Hauser, jeune homme surgi un beau jour de nulle part dans L'énigme de Kaspar Hauser (1974), ou de Bruno, le paumé incapable de s'adapter à la société tant européenne qu'américaine, dans La ballade de Bruno (1977). Cet intérêt pour les réprouvés amènera Herzog jusqu'aux aborigènes d'Australie bernés et exploités par les compagnies minières dans Le pays où rêvent les fourmis vertes (1984).
Les années 90 ont relégué Werner Herzog, l'égal dans les années 70 d'un Fassbinder, d'un Schlöndorff ou d'un Wenders, dans un certain anonymat. Pour le cinéma, il signa durant cette décennie notamment Échos d'un sombre empire (1990), documentaire sur l'empire créé par Bokassa en Centrafrique (la folie encore, mégalomaniaque ici...), Cerro Torre, le cri de la roche (1991), film de montagne avec Vittorio Mezzogiorno et Mathilda May, puis Mon ennemi intime (1999), opus déjà cité.
Dans sa production cinématographique des années 2000, on retiendra Invincible (2001), film qui narre les aventures d'un jeune juif qui réussit à incarner sur scène le "héros" germanique Siegfried en pleine montée du nazisme, Grizzly Man (2005), documentaire axé sur un personnage réel qui vécut parmi les ours avant de se faire tuer avec sa compagne par l'un d'entre eux, et Rescue Dawn (2006) - sorti directement en DVD en France -, histoire d'un pilote américain (Christian Bale) qui fut capturé au Laos pendant la guerre du Vietnam et qui réussit à s'évader. Cette histoire, présentée comme inspirée d'un fait réel auquel Herzog avait déjà consacré un documentaire, fut un retour aux conditions de tournage extrêmes. Christian Bale, paraît-il, perdit 20 kg pour le tournage en Thaïlande ! Bon, c'est vrai qu'il en avait perdu 28 pour The Machinist (B. Anderson, 2003) et qu'il reperdra encore 20 pour Fighter (Russell, 2010), mais quand même...
Christian Bale dans Rescue Dawn (Herzog, 2006) © Werner Herzog Filmproduktion