Le Film du jour n°173 : Chassé-croisé sur une lame de rasoir
Titre original : Passi di danza su una lama di rasoio
Un film italo-espagnol de Maurizio PRADEAUX (1973) avec Robert Hoffmann, Nieves Navarro (alias Susan Scott), George Martin, Anuska Borova...
Avec un titre comme ça, les plus finauds d'entre vous auront deviné que Chassé-croisé sur une lame de rasoir entre dans la catégorie du giallo. Pour les nouveaux visiteurs, les retardataires et les amnésiques, rappelons que le giallo est un genre typiquement italien qui fit florès à la fin des années 60 et au début des années 70. Sorte de thriller, le giallo met l'accent sur les actes criminels eux-mêmes, plutôt que sur la résolution d'une intrigue qui passe au second plan et qui s'avère parfois d'un intérêt limité.
Tout est dans le rituel de mise à mort de jeunes femmes le plus souvent en tenue légère... pour la plus grande satisfaction du cinéphile exigeant. Généralement ganté de noir, l'assassin, quant à lui, a le souffle lourd, voire épais, et manipule avec dextérité - et un certain plaisir sadique il faut bien le dire - un instrument contondant : rasoir, mais aussi couteau, scalpel, voire perceuse ou scie sauteuse pour les plus artistes...
Scène typique du giallo. Ici, un hommage au genre par François Gaillard et Christophe Robin, réalisateurs de Blackaria (2009)
Le "giallo" désignait à l'origine une collection de romans policiers populaires à la couverture jaune (giallo en italien) ; il a naturellement été appliqué au genre cinématographique qui en a découlé. Le Film du jour a déjà mis à l'honneur ce type de film avec Mais... qu'avez-vous fait à Solange ? (Dallamano, 1972), La mort a pondu un œuf (Questi, 1967), La trancheuse infernale (Tessari, 1974), Nue pour l'assassin (Bianchi, 1975) et Les salopes vont en enfer (Fulci, 1971). Et, rassurez-vous, ce n'est pas fini...
Chassé-croisé sur une lame de rasoir (on imagine avec effroi le résultat de la manœuvre...) est la première incursion de son réalisateur, Maurizio Pradeaux, sur les terres du giallo. Il y reviendra quatre ans plus tard avec Passi di morte perduti nel buio (1977), apparemment non diffusé en France sous quelque forme que ce soit.
On doit aussi à Maurizio Pradeaux un western-spaghetti (Ramon le Mexicain, 1966), un film de casse parodique (Un casse pour des clous, 1967) et un film de guerre (Les léopards de Churchill, 1970). Au générique de ce dernier long métrage, l'Américain Richard Harrison, bien connu des amateurs de péplums et de westerns-spaghettis, l'Allemand Klaus Kinski (que l'on ne présente plus) et l'Italien Giacomo Rossi-Stuart qui n'est autre que le père de l'acteur Kim Rossi-Stuart (héros des Karaté Warrior de la fin des années 80, tête d'affiche en 2005 de Romanzo Criminale de Michele Placido et réalisateur en 2006 de l'excellent Libero).
Nieves Navarro ouvre l’œil dans Chassé-croisé sur une lame de rasoir
Chassé-croisé sur une lame de rasoir, l'histoire : Kitty attend son petit ami. Pour patienter, elle zyeute le voisinage à travers une longue-vue touristique qui passait par là. Et que voit-elle ? Je vous le donne en mille : elle aperçoit le meurtre brutal d'une jeune femme. Elle n'a malheureusement pas le temps de distinguer le visage de l'assassin. Et voilà qu'arrive Alberto, le copain de Kitty, complètement essoufflé et boitillant (bizarre, bizarre...). "Kèk t'as vu Kitty ?", qu'il lui dit à la Kitty... Lorsque les témoins du meurtre se mettent à passer de vie à trépas les uns après les autres, Kitty commence à paniquer et à craindre pour son matricule... d'autant que, coïncidence troublante, la police pense que le tueur boite bas !
Robert Hoffmann
Né à Salzburg (comme Mozart) en 1939, l'Autrichien Robert Hoffmann est un acteur récurrent du giallo. Certes, il n'a pas joué dans les meilleurs d'entre eux - sans doute à cause de son physique de blondinet un peu fade. Mais, outre dans Chassé-croisé sur une lame de rasoir où il interprète Alberto, le suspect n°1, l'amateur du genre l'aura repéré dans Le tueur frappe trois fois (Dallamano, 1968), Perversion (De Martino, 1969) où il se glisse entre Dorothy Malone et Romina Power, Le manoir aux filles (Brescia, 1972) avec Irina Demick, ou encore Spasmo (Lenzi, 1974) aux côtés de la belle Suzy Kendall, héroïne giallesque par excellence puisque déjà au générique de L'oiseau au plumage de cristal (1969) de Dario Argento.
Robert Hoffmann dans Spasmo (Lenzi, 1974)
Robert Hoffmann avait débuté au cinéma en endossant le costume du chevalier de Lorraine dans Angélique, marquise des Anges (Borderie, 1964) et Merveilleuse Angélique (Borderie, 1964), deux films que les fans de Michèle Mercier ne se lassent pas de voir et de revoir... Sa prestation en Robinson Crusoé dans une série TV des années 60 lui avait aussi apporté une certaine notoriété. Sur grand écran, Robert Hoffmann accéda aux premiers rôles dans Lutring... réveille-toi et meurs (Lizzani, 1966), où il partage l'affiche avec Gian Maria Volonte, puis dans Comment j'ai appris à aimer les femmes (Salce, 1966) où il est entouré du gratin des beautés féminines de l'époque : Michèle Mercier, Nadja Tiller, Elsa Martinelli, Anita Ekberg et Romina Power.
L'acteur donna aussi la réplique à Danielle Darrieux dans 24 heures de la vie d'une femme (Delouche, 1967), adaptation assez réussie du célèbre roman de Stefan Zweig, et participa à l'aventure du Dernier des Romains (1967), péplum réalisé par le vétéran Robert Siodmak avec Laurence Harvey, la sculpturale Sylva Koscina et Honor Blackman, l'actrice qui précéda Diana Rigg dans la série TV britannique "Chapeau melon et bottes de cuir".
Robert Hoffmann et Danielle Darrieux dans 24 heures de la vie d'une femme (Delouche, 1967) (image : www.toutlecine.com)
Parmi les autres films joués par Robert Hoffmann, citons - ç’aurait été trop bête de l'oublier... - La vie sexuelle de Don Juan (Brascia, 1970) avec, côté casting féminin, les sublimes Barbara Bouchet et Edwige Fenech ainsi que la fameuse princesse rebelle Ira de Fürstenberg. L’œil attentif saura également repérer le bonhomme en affreux Allemand dans Le vieux fusil (Enrico, 1976).
Robert Hoffmann trimbale aussi sa silhouette dans Brigade mondaine : la secte de Marrakech (Matalon, 1979), Le commando de Sa Majesté (Mc Laglen, 1980) au milieu des vétérans Roger Moore, Gregory Peck et David Niven, et La dernière cible (C. Pinoteau, 1984) avec Lino Ventura. Ce dernier film reste à ce jour la dernière apparition de Robert Hoffmann dans un long métrage sorti sur les écrans français.
Edwige Fenech et Robert Hoffmann dans "La vie sexuelle de Don Juan" (Brascia, 1970) (image : www.ivid.it)