Le Film du jour n°165 : Vierges pour le bourreau
Titre original : Il boia scarlatto
Un film italien de Massimo PUPILLO (alias Max HUNTER) (1964) avec Mickey Hargitay, Walter Brandi (alias Walter Brandt), Luisa Barizzo (alias Louise Barrett), Rita Klein, Femi Benussi (alias Femi Martin)...
Dès le XVIIIe siècle, le roman gothique a banalisé la torture dans la littérature, une activité qui en vaut bien d'autres, pratiquée généralement dans les arrière-salles de châteaux, les oubliettes et autres caves suintantes de salpêtre où de pauvres créatures sont soumises aux pires perversités. Le cinéma ne pouvait pas passer à côté d'une telle aubaine !
Au début des années 30, Les chasses du comte Zaroff (Schoedsack, 1932), L'île du docteur Moreau (Kenton, 1932), Le chat noir (Ulmer, 1934) ou Le masque d'or (Brabin, 1932) (avec un palais chinois en guise de château) ont épouvanté les spectateurs par leur raffinement dans les supplices, quoique la plupart du temps suggérés.
Aujourd'hui, au contraire, tout (ou presque) est montré comme ont pu s'en rendre compte de visu les aficionados de la série fort aimable des Hostel (Hostel et Hostel II réalisés par Eli Roth en 2006 et 2007) : tranchage en gros plan des tendons d'Achille, énucléations, corps asticotés à la perceuse électrique, travail des chairs au chalumeau, j'en passe et des moins ragoûtants...
Eli Roth prépare une scène de torture sur Hostel II (image : www.toutlecine.com)
Dans les années 60, le cinéma bis italien ne s'est pas privé de concocter quelques films avec scènes de torture aptes à satisfaire les amateurs éclairés qui ne rechignent pas à la vision sur grand écran d'un corps féminin (ou masculin, il en faut pour tous les goûts) suant sang et eau en petite tenue sous le fouet et les instruments... La plupart des genres cinématographiques ont d'ailleurs été touchés par cette vague croquignolette : le mélodrame, l'espionnage, le western, le péplum, le film de prisons, et, bien entendu, le film d'épouvante comme ce Vierges pour le bourreau, connu également sous le nom de Filles pour le bourreau.
Né en 1929, Massimo Pupillo, le réalisateur du film, n'est pas un génie du cinéma, c'est le moins que l'on puisse dire. De la dizaine de films qu'il a mis en boîte, quatre seulement ont bénéficié d'une sortie sur les écrans français. Outre le long métrage dont nous parlons aujourd'hui, on lui doit Cimetière pour morts-vivants (1965), avec l'excellentissime Barbara Steele (voir L'effroyable secret du docteur Hichcock) - le film est toutefois signé par le producteur Ralph Zucker -, le western-spaghetti Django le taciturne (1967) (en v.o. Bill il taciturno, cherchez l'erreur...) et le "mondo movie" Le sexe, cet inconnu (1969). Tout un programme ! (pour vous remémorer ce qu'est un mondo, relisez Ce monde si merveilleux et si dégueulasse...).
Une incursion de Massimo Pupillo (alias Max Hunter) dans le western-spaghetti (image : www.encyclocine.com)
Vierges pour le bourreau, l'histoire : L'éditeur Daniel Parks a choisi un château en apparence abandonné pour réaliser les photos qui orneront les couvertures des livres d'horreur écrits par son ami Nick. Oui, mais voilà, les lieux furent jadis le théâtre d'horribles meurtres perpétrés par un assassin sadique surnommé "le bourreau sanguinaire" et dont la dépouille repose dans les souterrains. Persuadé d'être la réincarnation vivante de ce monstre, un monsieur super-costaud mais dérangé du bocal (Mickey Hargitay) se glisse dans un collant moule-burnes rouge du plus bel effet, enfile une espèce de bonnet phrygien, rouge lui aussi tant qu'à faire, et attire dans la crypte les ingénus mannequins venus pour poser sur les photos. Notre homme va passer les greluches à la question les unes après les autres ! Précisons que le réalisateur, déçu par l'incapacité de l'actrice Rita Klein à exprimer la moindre souffrance, n'hésita pas à lui envoyer une vraie décharge électrique. Voilà quelqu'un qui croit en son métier !
Un photogramme publicitaire de "Vierges pour le bourreau" où l'on se rend compte que ledit bourreau travaille dans la joie et la bonne humeur... ce qui n'est pas le cas apparemment de la suppliciée. Va comprendre. En tout cas, un amateur de la belle ouvrage, ça fait plaisir à voir !
Mickey Hargitay... gonflé de partout ! (image: www.wikimedia.org)
Né en 1926 en Hongrie, Mickey Hargitay, de son vrai nom Miklos Hargitay, fait partie de la cohorte des gros costauds vus dans de nombreux films italiens des années 60. Émigré aux États-Unis juste après la Seconde Guerre mondiale, il se produit dans divers spectacles d'acrobatie avant de concourir pour les titres de Monsieur Amérique, Monsieur Monde et, enfin, Monsieur Univers, timbale qu'il décroche en 1955. Parallèlement, il pose pour des magazines de bodybuilding. Il est alors remarqué par la poumonnée Mae West, star des années 30 recyclée dans les shows itinérants avec cohorte de jeunes messieurs musclés.
C'est lors d'une de ces exhibitions que Mickey Hargitay accroche l’œil de Jayne Mansfield, l'actrice blond platine à forte poitrine qui avait éclaté sur grand écran quelques mois plus tôt dans La blonde et moi (Tashlin, 1956). Celle-ci exige illico que Mickey Hargitay, déjà aperçu au cinéma en gros bras dans Meurtres sur la Dixième avenue (Laven, 1957), devienne son partenaire dans La blonde explosive (Tashlin, 1957), suite du film précédent. Et ce qui devait arriver arriva : le temps de divorcer de leurs conjoints respectifs, les deux tourtereaux se marient en janvier 1958.
Mickey Hargitay et Jayne Mansfield (www.classicactresses.com)
Jayne Mansfield et Mickey Hargitay s'envolent quelques mois plus tard pour l'Italie afin d'exercer leurs talents dans un péplum. Les amours d'Hercule (Bragaglia, 1960) réunit ainsi les deux époux au générique, Monsieur interprétant avec avantage Hercule et Madame jouant les deux rôles féminins principaux, histoire de garder le musclor sous la main. Le couple remettra le couvert dans deux autres films : Promises, Promises ! (Donovan, 1963) (inédit en France), comédie où Jayne Mansfield se dévoile entièrement, et Amour primitif (Scattini, 1964), sorte de faux documentaire où la blonde platine officie en Docteur Jane, flanquée du duo de comiques transalpins Franco et Ciccio.
Jayne Mansfield et Mickey Hargitay dans Les amours d'Hercule (image : www.allocine.fr)
Malheureusement, il y a déjà de l'eau dans le gaz pour nos deux amoureux et le divorce entre Jayne Mansfield et Mickey Hargitay est prononcé en 1964. Ce dernier n'en continuera pas moins sa carrière d'acteur en Italie. On le voit ainsi dans une quinzaine de films entre 1964 et 1973 : péplums (La vengeance des gladiateurs de Luigi Capuano, 1964), westerns-spaghettis (Je te tuerai de Sergio Bergonzelli, alias Serge Bergon, en 1965 ; Trois Winchesters pour Ringo d'Emmimo Salvi en 1966 ; Avec Ringo arrive le temps du massacre de Mario Pinzauti, alias Peter Launders, en 1970) et films d'épouvante horribilo-rigolos comme ce Vierges pour le bourreau ou comme l'inénarrable Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle (Ernst von Theumer alias Mel Welles, 1971).
Sur le coup d'éclat de Sexe en délire (Polselli, 1972), Mickey Hargitay mettra un terme à sa carrière cinématographique pour se recycler dans la vente de biens fonciers. Y a pas de sot métier ! Il est décédé en septembre 2006 dans sa quatre-vingt-et-unième année.
Mariska et Mickey Hargitay dans les années 2000 (image : www.trialx.com)