Le Film du jour n°160 : Plein les poches pour pas un rond
Un film français de Daniel DAERT (1978) avec Dany Saval, Jean Lefebvre, Michel Constantin, Nicole Norden, Henri Czarniak, Robert Berri...
S'il cherche bien, le cinéphage consciencieux peut dénicher dans le commerce un coffret de dix DVD baptisé "Comédies à la française", expression qui fait frissonner... et pas forcément de plaisir. On y trouve toutefois des raretés, tel Un coup fumant (Steno, 1961) avec Toto et Louis de Funès, ou La communale (L'Hôte, 1965) avec Robert Dhéry et Colette Brosset, et quelques films globalement corrects comme C'est pas moi, c'est lui (P. Richard, 1979) avec Pierre Richard et Aldo Maccione, Le jumeau (Robert, 1984) avec Pierre Richard encore, ou Le moustachu (Chaussois, 1987) avec Jean Rochefort.
Cerise sur le gâteau, au fond du boîtier, l'heureux propriétaire du coffret pourra mettre la main sur du ringard de chez ringard avec Quand c'est parti, c'est parti (Héroux, 1972), Les Borsalini (Nerval, 1979) et ce Plein les poches pour pas un rond (Daert, 1978), trois films avec... Jean Lefebvre ! Faut-il s'en étonner ? Pas vraiment, car le comédien s'est confiné - à quelques rares exceptions près - dans les films d'une médiocrité abyssale et d'un comique lourdingue à partir des années 70. Il faut dire à la décharge de Jean Lefebvre qu'il lui fallait enquiller les films pour rembourser ses dettes de jeu !
Un autre "classique" de la période nanar de Jean Lefebvre (image : www.cinema-francais.fr)
Daniel Daert, le réalisateur de Plein les poches pour pas un rond, revenait avec ce long métrage à un cinéma plus traditionnel - mais tout aussi mauvais - après avoir enchaîné les films plutôt olé-olé sous divers pseudos (Stanley Mills, Maurice Claveret, Jacques Dumoda, Jean-Paul Marise). Les titres des réalisations de ce monsieur parlent d'eux-mêmes : Chaleurs (1971) avec l'écrivaine Nicole Avril qui en profita pour poser dans une tenue sexy sur la une de Ciné-revue (j'ai vérifié...), Les félines (1972) avec Janine Reynaud (qu'on ne présente plus, voir Les mésaventures d'un lit trop accueillant), Un couple parmi tant d'autres... mais si pervers (1974), Cours du soir pour monsieur seul (1974) ("Voulez-vous en savoir plus ?" interroge benoîtement l'affiche du film...), etc. Quelques films X viennent compléter ce palmarès chaud bouillant.
Au début de sa carrière de réalisateur, Daniel Daert avait quand même fait jouer Roger Pierre et Jean-Marc Thibault (Le débutant, 1969), ainsi que Gérard Blain et Bernadette Lafont (Caïn de nulle part, 1970). Après Plein les poches pour pas un rond, le réalisateur, né en 1941, semble avoir jeté l'éponge...
Jean Lefebvre et Dany Saval, en couple dans Plein les poches pour pas un rond (image : www.toutlecine.com)
Plein les poches pour pas un rond, l'histoire : Julien (Jean Lefebvre) est un pickpocket. Ça eut payé mais ça ne nourrit plus son homme, et sa femme Charlotte, dite Lolotte (Dany Saval), le bat froid. Un beau jour, celle-ci quitte le foyer familial. Désespéré et à la recherche du gîte et du couvert, Julien décide de se faire mettre en prison. Il se rend en taxi chez Cartier où, à sa grande surprise et sans être inquiété le moins du monde (signe indubitable que le scénariste est fortiche !), il empoche plusieurs millions de bijoux. Le taxi redémarre en trombe. Coup de bol (ça tient à peu de choses tout de même), le chauffeur (Michel Constantin) connaît l'adresse d'un fourgue. Mais ce dernier est passé de mort à trépas et c'est sa nièce, fort mignonne évidemment, qui a pris la relève. Lolotte étant revenue sur ces entrefaites (mais non, elle n'est pas vénale...), notre quatuor s'engage dans des aventures aussi "palpitantes" qu'improbables pour monnayer leur butin.
Jean Lefebvre (image : www.toutlecine.com)
Né en 1919 et décédé en juillet 2004 d'une crise cardiaque, Jean Lefebvre, après l'obtention d'un diplôme du Conservatoire, démarre sa carrière sur les planches de cabarets parisiens après la Libération. Il y rencontre Robert Dhéry qui l'intègre dans la troupe théâtrale et comique des Branquignols. C'est au détour des années 50 que l'acteur fait ses débuts au cinéma. On le voit pour la première fois sur grand écran dans un film avec Charles Trenet (Bouquet de joie, Cam, 1951).
Tout en faisant son trou dans le cinéma populaire, le comédien enchaîne les apparitions dans des films de prestige comme Les diaboliques (Clouzot, 1954), La meilleure part (Y. Allégret, 1955) ou Et Dieu... créa la femme (Vadim, 1956). Il retrouve la bande de Robert Dhéry dans La belle Américaine (Dhéry, 1961) et Allez France (Dhéry, 1964), joue aux côtés de Gabin dans Le gentleman d'Epsom (Grangier, 1962), passe devant la caméra de Gene Kelly (Gigot, clochard de Belleville, 1962), puis celle d'Yves Robert (Bébert et l'omnibus, 1963). Cette même année 1963, c'est la consécration pour Jean Lefebvre que l'on retrouve aux côtés de Lino Ventura, Bernard Blier et Francis Blanche dans les cultissimes Tontons flingueurs de Georges Lautner. Inoubliable !
Les tontons flingueurs avec Jean Lefebvre à droite (image : www.allocine.fr)
Un an plus tard, le comédien intègre le commissariat de Saint-Tropez aux côtés de Louis de Funès dans Le gendarme à Saint-Tropez (Girault, 1964). La série des "Gendarme", puis celle de la "7e compagnie" de Robert Lamoureux au début des années 70 (avec la réplique sublime : "J'ai glissé, chef !"), apportent alors à notre Jeannot succès et reconnaissance.
A cette époque, l'acteur est parfois à l'affiche de six, sept, voire huit films par an ! Évidemment, dans cette filmographie pléthorique, les nanars pointent leur nez : Le bourgeois gentil mec (André, 1969), Quand c'est parti, c'est parti, Le plumard en folie (Lem, 1974), C'est jeune et ça sait tout (Mulot, 1974),... Mais on y trouve aussi de belles réussites comme Un idiot à Paris (Korber, 1966) - Jean Lefebvre y partage l'affiche avec Dany Carrel - ou des comédies bien ficelées comme Du mou dans la gâchette (Grospierre, 1966) ou Le fou du labo 4 (Besnard, 1977)
Aldo Maccione et Jean Lefebvre dans Mais où est donc passée la 7e compagnie ? (Lamoureux, 1975)
A partir de 1976, abonné au rôle de Français moyen un peu crétin, Jean Lefebvre se ringardise complètement (tout du moins au cinéma) dans une suite ininterrompue de crétineries atroces, où pratiquement rien n'est à sauver : Le jour de gloire (Besnard, 1976), Ils sont fous ces sorciers (Lautner, 1978), Les Borsalini (Nerval, 1979), Tendrement vache (Penard, 1979), Le chêne d'Allouville (Penard, 1980), Prends ta Rolls et va pointer (Balducci, 1980), N'oublie pas ton père au vestiaire (Balducci, 1982), On n'est pas sortis de l'auberge (Pecas, 1982), Le gaffeur (Penard, 1985)... En 1988, Jean Lefebvre arrêtera finalement les frais pour se consacrer au théâtre, à la télévision et, accessoirement, à la pub (où il peut enfin rester assis et s'en mettre plein les poches pour pas un rond... voir photo ci-dessous).
Le monte-escalier a aussi eu sa vedette !